Le Grand Raid de La Réunion, la fête populaire annuelle sur l’île de l’océan Indien, était de retour ce week-end après une édition annulée en raison de la crise sanitaire en 2020. Sur l’épreuve reine, la Diagonale des fous (160 km, 9400 m D+), le Français Ludovic Pommeret, trois fois 2e par le passé (2009, 2014 et 2019), a fini par l’emporter, après 23 h 02 min de course, en duo avec l’Italien Daniel Jung, qui s’offre sa première victoire de prestige sur un 100 miles. Chez les femmes, la traileuse locale Émilie Maroteaux, 3e du Trail de Bourbon 2019 et 4e de la Macareignes 2018, est arrivée la première au stade de La Redoute à Saint-Denis, en un peu moins de 30 heures.
Pour les amateurs d’ultra-trail, après l’UTMB, fin août, la Diagonale des fous demeure l’événement phare de l’ultra-trail à l’international. Ses sentiers, beaucoup plus techniques que les chemins autour du Mont-Blanc, et les variations de température, entre le jour et la nuit et entre le cœur des cirques et les crêtes des pitons notamment, en font une épreuve redoutable. Malgré cela, la course affiche complet chaque année avec près de 2750 coureurs prêts à relever le défi et à s’en mettre plein les yeux. Les « raideurs » ont jusqu’à maximum 66 heures pour boucler l’itinéraire entre Saint-Pierre et Saint-Denis.
À noter que le parcours avait été modifié cette année. Les coureurs n’ont pas grimpé le Maïdo, théâtre il y a un an de terribles incendies qui ont fragilisé ce rempart surplomblant le cirque de Mafate. Depuis Roche-Plate, ils ont pris la direction d’îlet des orangers et sont descendus jusqu’à Deux bras avant de remonter à Dos d’Âne.
De gros noms de l’ultra au départ
La liste des favoris chez les hommes au départ de la Diagonale laissait une nouvelle fois présager une compétition acharnée, avec le double vainqueur Benoit Girondel (abandon sur blessure), l’Américain Dylan Bowman (17e), le Corse détenteur du record du GR20 et vainqueur du Trail de Bourbon 2019 Lambert Santelli (abandon sur blessure), l’ex-vainqueur Antoine Guillon, qui a terminé mainte fois sur le podium de l’épreuve (6e), ou encore son ami Cédric Chavet vainqueur l’an dernier de l’ultra technique Échappée Belle (4e). Les Italiens Francesco Cucco (5e) et Daniel Jung avaient également de bons arguments et ils ont animé cette Diagonale. Le premier a été aux avant-postes la première moitié de la course, le second a pris le relais sur la deuxième partie de l’épreuve.
La victoire de Daniel Jung, qui avait remporté ses trois précédents trails cette année (des courses de 60 à 80 km), est une petite surprise, car le garçon a couru peu de longues distances durant sa carrière, même s’il a déjà gagné la prestigieuse course à étapes TransAlpine, en 2016. Il a mené « la Diag » sur près d’une centaine de kilomètres depuis Cilaos.
Ludovic Pommeret au panthéon de l’ultra-trail
Parti prudemment (il pointait en 11e position après 40 km), l’autre vainqueur, Ludovic Pommeret, a remonté ses concurrents un à un. Il avait un petit quart d’heure de retard sur Jung à Cilaos (km 66), qu’il a fini par rejoindre à l’Îlet des orangers (km 113). Les deux hommes ne se sont plus quittés de leur périple.
Ludovic Pommeret, 46 ans, s’installe définitivement dans la grande histoire de l’ultra-trail mondial en entrant dans le club très restreint des champions à avoir réalisé le doublé UTMB-Diagonale des fous. Seuls Kilian Jornet et François D’Haene, mais aussi avant eux Vincent Delebarre ont réussi cette prouesse.
L’une des grandes surprises de cette édition 2021 chez les hommes a été la « remontada » du coureur basque Beñat Marmissolle, que l’on a plutôt l’habitude de voir sur des épreuves de skyrunning et sur des courses de moins de 60 km. Il est monté sur la troisième marche du podium, près de 45 minutes derrière le duo Pommeret et Jung.
Benoit Girondel et Lambert Santelli DNF
Tout comme Lambert Santelli, Benoit Girondel avait pris les commandes de la course dès les premiers kilomètres, mais tous les deux, blessés, ont dû renoncer à leur ambition de victoire et s’arrêter prématurément, respectivement à l’entrée de l’ascension du Taïbit (km 72) et au ravitaillement de Cilaos (km 66). Benoit Girondel menait pourtant la course à Mare à boue, le point de passage précédent. Lors de la dernière édition en 2019, l’ultra-traileur de la Drôme avait déjà abandonné, mais dès le 25e kilomètre, après avoir perdu énormément de temps, comme la plupart des meneurs, sur une mémorable erreur d’aiguillage avant l’ascension vers Notre-Dame-de-la-Paix.
Enfin, comme à son habitude, Antoine Guillon est parti plus raisonnablement. Le métronome, qui pointait à la 21e place à Domaine Vidot après 15 km, a grappillé des places jusqu’au pied du Maïdo, 100 km plus loin, puis il a su préserver sa 6e position jusqu’à Saint-Denis.
Grosse blessure pour Sylvaine Cussot
Chez les femmes, le niveau était, sur le papier, un peu moins relevé que la plupart des éditions précédentes, qui avaient notamment sacré des athlètes d’exception comme la grande championne réunionnaise Marcelle Puy (5 fois), la double championne du monde Nathalie Mauclair (2 fois), la vedette espagnole double vainqueur de l’UTMB Nuria Picas ou la Suissesse Andrea Huser (2 fois), championne de l’Ultra-Trail World Tour 2017.
La principale favorite de cette Diagonale des fous 2021, Sylvaine Cussot, qui a remporté cette année le Treg Cabo Verde Trail, au Cap-Vert, devant François D’Haene (en duo avec Manon Bohard) et le 80 km de l’ÉcoTrail de Paris, n’a pas été en mesure de jouer la victoire, mais elle a réussi un exploit un peu fou malgré tout. Dès la mi-course, elle a ressenti une « douleur vive au niveau du tibia », qu’elle a décrit comme « atroce ». En deuxième position, mais clairement handicapée par sa blessure qui l’a fait souffrir à chaque fois qu’elle posait le pied au sol, alors qu’il lui restait 60 bornes de sentiers techniques à parcourir, et qui ne lui permettait même pas de courir en descente, elle a décidé d’abandonner. Elle a allumé son téléphone pour prévenir son assistance, mais le message d’un ami amputé d’une jambe lui a fait changer d’avis. Elle a serré les dents et elle est repartie. Elle a passé la ligne d’arrivée en 4e position, 84e au classement général, après 34 h de course. La radio passée par la suite a révélé une fracture du péroné.
Audrey Virgilio était l’adversaire désignée de Sylvaine Cussot, mais la Suissesse a rendu son dossard à Roche-Plate (km 108).
C’est finalement la favorite locale, Émilie Maroteaux, qui a ravi le public en remportant le mythique ultra-trail, avec plus de deux heures d’avance sur la Niçoise Amandine Ginouves et près de trois heures sur une autre coureuse réunionnaise, Sophie Blard, belle surprise de cette édition 2021. Il s’agissait de sa sixième participation au Grand Raid, sa cinquième sur la Diagonale des fous, après une 9e place en 2014, une 14e place en 2017, une 10e place en 2018 et un abandon en 2019.
Après la Diagonale, Grégoire Curmer remporte le Bourbon
Le Chamoniard Grégoire Curmer, vainqueur de la Diagonale des fous 2019, s’alignait cette année sur le Trail de Bourbon (105 km, 6100 m D+) avec pour objectif de réaliser le doublé Diagonale-Bourbon. Il est le premier à figurer au palmarès des deux courses du Grand Raid de La Réunion.
Chez les femmes, c’est la Réunionnaise Gilberte Libel qui succède à la Québécoise Anne Champagne au palmarès du Bourbon en 19 h 18. La Canadienne avait pulvérisé en 2019 le record de parcours en passant la ligne d’arrivée après 17 h 34 min.
Kim Gaudet et Reid Coolsaet finisseurs
À noter la 17e place de la Québécoise Kim Gaudet, en 27 h 07. L’athlète du Saguenay — Lac-Saint-Jean avait gagné son dossard pour le Grand Raid de La Réunion grâce à sa victoire au 110 km du Québec Méga Trail en août dernier, en vertu d’un partenariat entre les deux événements depuis 2019.
Reid Coolsaet, qui avait remporté le QMT110 chez les hommes, a choisi de courir la « petite » épreuve, la Mascareignes (72 km, 3900 m D+), où il s’est distingué en terminant 6e en 9 h 40. C’est le coureur de l’île voisine de Mayotte Zoubert El-Habib qui l’a emporté en 8 h 44.
Article écrit avec la collaboration de Damien Humbert