Lazarus Lake est en voyage en France. Le célèbre inventeur de la Barkley est aussi le concepteur de la Backyard Ultra, une épreuve qu’il a lancée en 2011 avec l’objectif de courir 100 miles — donc 160 km — dans son jardin en 24 heures, soit 6 706 mètres par heure. Celui que tout le monde surnomme « Laz » donnera le départ en personne, ce vendredi 24 janvier, de la première édition de la Backyard Toulouse à Castanet-Tolosan. À cette occasion, Distances+ s’est entretenu avec des adeptes de l’ultra-trail inscrit à l’événement, Sébastien Raichon, Aurélien Sanchez ou encore Ronan Pierre, tous amoureux de grands espaces et de liberté, pour comprendre ce qui les pousse à s’infliger, en ce début d’année, une course dans un parc urbain et plat, en réalisant, pendant autant d’heures que possible, une boucle de 6,706 km.
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Ils sont épris de trek en montagne, avec ou sans dossard, et passent des heures à arpenter les plus beaux massifs, mais cette Backyard semble pourtant les motiver et susciter de l’excitation à l’idée de passer un week-end, plus ou moins long, sur cet itinéraire riquiqui au bord du canal du Midi.
La Backyard est avant tout une épreuve d’ultra-distance
Pour ces athlètes qui aiment courir longtemps, la Backyard est une facette de l’ultra-distance et de l’ultra-endurance qui mérite d’être explorée.
En raison de contraintes professionnelles et sportives, Sébastien Raichon a finalement décidé de renoncer à prendre le départ de cette nouvelle épreuve toulousaine. Mais ce n’est que partie remise pour le champion du monde en titre de raid aventure (avec Sandrine Béranger, Adrien Lhermet et Benjamin Fayet), double vainqueur du Tor des Glaciers (2022 et 2023), finisseur de la Chartreuse Terminorum ou encore 2e de la Swiss Peak 660 en 2024 et détenteur du record du GR20 en autonomie totale. « Je suis curieux de tester cette loufoquerie inventée par Laz, s’amuse-t-il. J’en ferai un jour un réel objectif. J’ai vraiment envie de tenter l’expérience. Avec mon habitude de la gestion du sommeil et des ressources mentales, je pense pouvoir être assez performant sur ce format. »
Le Toulousain Ronan Pierre sera l’un des favoris de cette Backyard Ultra à domicile. L’automne dernier, il a signé la troisième performance tricolore de l’histoire lors des championnats du monde de Backyard Ultra avec un cumul de 536,480 km (4e français avec 80 tours derrière Nicolas Cointepas, 84 tours, et le duo Christophe Baud et Christophe Rouat, 83 tours). Pour lui, cette forme d’ultra a été une révélation.
« À mes débuts en trail, je performais assez bien sur des distances maratrail assez rapides. Lorsque je suis passé à l’ultra, j’ai essayé de garder cette intensité, mais j’étais limité par des problèmes digestifs importants, raconte-t-il. J’éprouvais des émotions géniales en courant longtemps, mais elles étaient gâchées par ces troubles alimentaires. Je me suis lassé, j’en ai eu marre de vomir tout le temps ! »
« En 2022, je me suis laissé convaincre de prendre le départ de la Chartreuse Backyard », se souvient-il, même s’il était initialement très sceptique. « On était en novembre, sur une boucle sans charme, alors que j’adore la montagne. Finalement, à ma grande surprise, j’ai passé 35 heures de plaisir ! Cette expérience a totalement modifié ma philosophie de course. J’ai retrouvé les sensations de l’ultra, mais sans les inconvénients. Sur une Backyard, les intensités sont forcément moindres. Si tu veux durer, tu as bien le temps de te ravitailler sans que cela engendre des troubles désagréables. »
Un terrain d’expérience et un monde à part
Sur le papier, la difficulté d’une Backyard semble relativement modérée, parcourir 6,706 m en moins d’une heure étant à la portée de la majorité des coureurs. Tout se corse avec le nombre de répétitions. Jusqu’où pousser le curseur ? Quelle est sa propre ligne d’arrivée ? Qu’est-ce qui pousse à s’arrêter ?
« Le principe de ce concept m’interpelle, m’interroge et donc m’attire, reconnaît l’expert et vétéran de raid aventure Sébastien Raichon. J’aime sortir de ma zone de confort et aller tester d’autres limites. Ce sera une occasion parfaite pour m’aligner, au bon moment, sur ce type d’effort atypique. »
Contrairement à Sébastien, Aurélien Sanchez, vainqueur de la Barkley 2023 et premier finisseur français, 3e sur la Swiss Peak 660 en 2024, a déjà participé à des épreuves de type Backyard ou Dernier homme debout, mais ça le force à sortir de sa zone de confort, d’autant qu’il n’est « pas un coureur de plat » et qu’il craint les douleurs aux genoux. « Ce que j’aime sur ce type de course, c’est l’ambiance, le partage avec les autres participants, le fait de pouvoir discuter avec les uns et les autres. Je ne vais pas forcément rechercher une performance spécifique. »
« Je vais être très content de revoir Laz et de contribuer à mettre en avant son bébé, sa dinguerie sortie de son esprit créatif. Ça me plaît de démocratiser cette discipline qui peut être vraiment le théâtre de performances hors normes », s’enthousiasme Aurélien.
Sa compagne, Lucille Malgouyres, s’alignera elle aussi sur ce format. C’est « bizarre a minima pour moi qui aime le déniv, les grands paysages et les passages de cols (elle a terminé la Swiss Peak 170 l’été dernier), ironise-t-elle. Mais j’aime l’esprit de camaraderie que l’on y retrouve, les émotions et les encouragements partagés avec les copains ».
« J’ai pas mal de contraintes professionnelles, alors je vais faire au mieux et viser une dizaine de tours et surtout profiter de cet esprit de bienveillance, de convivialité et de partage qui règne sur ce type de course », conclut Lucille.
La compétition réinventée
Lors de ces compétitions, Aurélien Sanchez apprécie le fait de « n’être jamais en course contre les autres et ça, c’est vraiment très agréable ». Il est d’accord avec Sébastien Raichon qui insiste sur « la nécessité de développer une forme de solidarité pour aller plus loin ensemble, comme sur la Barkley » dans le Tennessee auxquels les deux hommes ont participé l’an dernier. Les coureurs sont effectivement obligés d’être performants collectivement s’ils veulent aller le plus loin possible, car le règlement stipule que si un participant a les capacités physiques et mentales pour continuer, il ne pourra pas faire plus d’un tour en solitaire.
Ronan Pierre apprécie également le fait de « repartir toujours ensemble, de faire connaissance avec différents coureurs, de varier un peu les allures ». Il explique qu’il essaie de prendre le départ d’une course sans objectif précis afin d’être plus « léger mentalement ». Il aime « entrer dans une sorte de méditation sportive, de voir tour après tour ».
Pour Ronan, « c’est une torture mentale et une source d’abandon de se fixer une barrière parce qu’on risque de tout relâcher une fois l’objectif atteint ». Cette philosophie de course ne l’empêche pas d’avoir des ambitions. Il aimerait bien se qualifier pour le championnat du monde individuel de Backyard Ultra qui se tiendra à l’été 2025 dans le jardin de Laz, à Bell Buckle, dans le Tennessee. Il lui faudra franchir la barrière des 80 tours pour décrocher le ticket d’entrée, mais comme la performance ne peut venir que du groupe, il n’est pas certain de réussir lors de cette première édition toulousaine.
La Backyard Toulouse est prévue du 24 au 26 janvier. Le dernier en course sera déclaré « survivant ». La direction de course sera assurée par Rémy Jegard, journaliste spécialisé en course à pied en Occitanie et passionné de trail et d’ultra-distance.
Parmi les participants, outre Ronan Pierre et Aurélien Sanchez, il y aura aussi le détenteur du record de dénivelé positif en 24 heures, Christophe Nonorgue, et l’ultra-traileuse championne du monde en titre par équipe Jocelyne Pauly.
Le record mondial de cette épreuve est de 110 tours, soit 737,7 km en plus de quatre jours de course
continue. Il est co-détenu par un trio d’ultra-marathoniens belges, à savoir Merijn Geerts, Frank Gielen et Ivo Steyaert.
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