Baptiste Balay
Trois ans seulement après sa création, le Trail de la Cité de Pierres s’apprête à accueillir, les 18 et 19 mars prochains, les championnats de France de la discipline, qui s’annoncent comme les plus relevés de l’histoire au regard de l’exceptionnelle densité de la liste de départ, chez les hommes comme chez les femmes. L’événement organisé par Guilhem Prax avait défrayé la chronique en 2021 en étant l’une des premières – et l’une des seules – compétitions à être organisées en plein coeur de la pandémie, avec uniquement des athlètes élites engagés. Cette année, les deux principales courses, le 31 km (championnat de France trail court) et une toute nouvelle épreuve de 68 km (championnat de France trail long), seront également sélectives pour les prochains championnats du monde, qui se tiendront à Innsbruck en Autriche en juin 2023.
Le jeune événement aveyronnais avance à pas de géant
Situé dans le département de l’Aveyron, le Trail de la Cité de Pierres (TDCP) offre des parcours au coeur du site touristique de Montpellier-le-Vieux, un impressionnant chaos rocheux, tracés sur le causse Noir qualifié d’Acropole des Cévennes par le célèbre explorateur et spéléologue Édouard Alfred Martel au 19e siècle. « Le territoire aveyronnais, son histoire et les explorateurs, sont le cœur de notre événement et guident notre communication », assure Guilhem Prax, très inspiré par la beauté des lieux.
L’événement avait été annulé en 2020 à cause de la situation sanitaire. Sa première édition, qualifiée « d’édition zéro » avait donc vu le jour l’année suivante dans des conditions inédites. Guilhem, déterminé à organiser sa course, était parvenu à réunir, avec autorisations préfectorales en bonne et due forme, une trentaine d’élites pour venir jouer sur l’épreuve de 31 km et 1600 m D+. Le champion Thibaut Baronian l’avait emporté face à Anthony Felber, Kevin Vermeulen, Sylvain Cachard et Thomas Cardin chez les hommes tandis que Blandine L’hirondelle avait gagné la course féminine devant Mathilde Sagnes et Camille Bruyas.
« La Fédération française d’athlétisme (FFA) avait pu organiser les championnats de France d’athlétisme en salle, raconte Guilhem Prax, qui était à l’époque à l’affût du moindre espoir à embrasser. J’ai regardé les textes de loi, contacté la fédération et les autorités locales pour organiser un événement restreint et permettre aux sportifs de haut niveau de courir. » Il était ainsi parvenu à ses fins, réalisant par la même occasion un joli coup médiatique alors que l’événement n’en était qu’à ses balbutiements.
Pour la deuxième édition, en 2022, mais la vraie première édition ouverte à tous, près de 1000 coureurs ont foulé les sentiers de la Cité de Pierres. Le futur vice-champion du monde de trail Nicolas Martin et la future championne d’Europe et du monde de trail Blandine L’hirondelle ont remporté le 31 km au milieu d’un plateau élite aussi dense que l’année précédente.
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Des parcours exigeants sur une terre de trail
Le TDCP propose des courses de 10 à 68 km ainsi qu’une course pour enfants. Les formats phares sont le 31 km pour 1600 m D+ (MAJ : après une modification de parcours de dernière minute, le parcours a été raccourci à 30 km et 1300 m D+), qui servira de support au championnat de France de trail court, et le 68 km pour 2700 m D+ (MAJ : après une modification de parcours de dernière minute, le parcours a été raccourci à 68 km et 2125 m D+) qui sera lancé en 2023, estampillé championnat de France de trail long.
L’Aveyron est une terre de trail reconnue. Lorsque de nouveaux parcours voient le jour dans cette région, le rapprochement avec le Festival des Templiers fait forcément surface. « J’ai été fortement inspiré. Les Templiers influencent tous les Millavois qui courent », reconnaît Guilhem Prax. L’organisateur connaît très bien Gilles Bertrand, qui l’a soutenu dans son projet et pour qui il a travaillé dans le cadre du Festival des Templiers par le passé. « Il a été mon premier client lorsque j’ai ouvert mon magasin, se souvient-il. J’ai énormément de respect pour lui. » Il tenait à l’époque une boutique de course à pied dans le centre-ville de Millau. Pour autant, le Trail de la Cité de Pierres s’est émancipé de l’aura des Templiers.
Les reliefs de la région sont très typés, avec des montées de 400 m D+ et des parties roulantes sur les causses, ce qui force le rapprochement avec l’un des événements historiques du trail en France, mais les tracés du TDCP sont tous différents. Le sélectionneur de l’équipe de France Adrien Séguret tient à ce sujet une comparaison flatteuse : « Ce sont des parcours exigeants. Si je pouvais l’assimiler à une épreuve cycliste, je le ferais avec les classiques flandriennes où ce ne sont pas des courses de montagne, mais des répétitions de relances, de montées, de descentes en permanence. C’est une course où il faut savoir tout faire. »
Un contexte particulier
Depuis la pandémie de Covid-19, les annulations et les reports ont bousculé le calendrier national et international. 2022 a donc été une année dense, avec notamment la tenue exceptionnellement la même année des championnats d’Europe de trail et de course en montagne au début de l’été aux Canaries et seulement quelques mois plus tard, en novembre, les championnats du monde en Thaïlande, qui avaient été reportés deux fois.
« Normalement, il y a un championnat d’Europe et du monde tous les deux ans, ce qui donne un championnat (international) par an », précise le sélectionneur Adrien Séguret. L’équipe de France de trail et de course en montagne a passé beaucoup de temps ensemble cette année, dont quinze jours en Thaïlande aux derniers mondiaux où Blandine L’hirondel et Nicolas Martin ont brillé.
2023 devrait être l’ultime ricochet de la pandémie puisque les prochains championnats du monde se tiendront en Autriche à la date prévue initialement début juin, mais seulement sept mois après les précédents mondiaux.
Adrien Séguret et la Fédération française d’athlétisme devaient donc tenir compte de cette situation et trouver une course de sélection bien placée par rapport aux futurs mondiaux. « La CNR (Commission nationale running) m’a posé la question et je leur ai dit la nécessité de sélectionner les athlètes fin mars pour permettre aux coureurs, notamment de trail long, de revenir à un pic de forme en juin », détaille le sélectionneur à Distances+.
Le Trail de la Cité de Pierres se tenant les 18 et 19 mars, la synchronisation était parfaite. Ici démarre un scénario en deux temps qui va mener l’événement de Guilhem Prax, organisateur du Trail de la Cité de Pierres, sur le devant de la scène après seulement deux éditions. Lui qui, dès l’an dernier, avait confié à D+ son ambition avant même la tenue de son événement : « Il y a le souhait avec la ligue Occitanie FFSU (Fédération française de sport universitaire) d’accueillir le championnat de France dans les années à venir ». Il ne s’attendait à cette époque qu’il aurait l’occasion d’accueillir le championnat de France… tout court.
D’abord contacté par le sélectionneur, puis par la Fédération, Guilhem assure que la question des championnats de France n’est pas immédiatement évoquée. « La Fédération m’a demandé si je voulais être course de sélection, mais il me manquait à ce moment-là un parcours long », raconte Guilhem. À peine le téléphone raccroché, il s’est empressé de mettre sur papier une traversée qu’il avait en tête depuis longtemps, au départ de l’Aven Arman, un autre site touristique à la frontière entre la Lozère et l’Aveyron.
Guilhem Prax, artisan du Trail de la Cité de Pierres
À 33 ans, Guilhem Prax est une figure locale du trail aveyronnais. Avant de créer le Trail de la Cité de Pierres, le Gardois d’origine a mené de nombreux projets dans le monde de la course à pied. Impliqué dans l’associatif depuis son plus jeune âge, notamment avec son club à l’AC2A (Alès Cévennes Athlétisme Agglomération), Guilhem a toujours gravité dans l’univers des sports d’endurance. Pistard, coureur sur route, puis traileur, il a choisi de faire de sa passion son métier en s’installant à Millau en 2010 puis en travaillant dans le magasin de sport de Patrick Gineste, l’organisateur des 100 km de Millau.
C’est presque logiquement, en 2015, qu’il a ouvert sa propre boutique tout en gérant pendant sept ans en parallèle d’autres projets, comme sur la Verticausse, une épreuve pour laquelle il s’occupait du plateau de coureurs élites, ou l’École de trail, un réseau d’associations permettant aux enfants et adolescents de pratiquer le trail en étant encadré, qu’il a fondé en 2018. Épanoui et investi dans ses diverses aventures, Guilhem a toujours aimé entreprendre et les reliefs aveyronnais ont renforcé cette volonté depuis qu’il s’y est installé.
« Je suis tombé amoureux des causses. En arrivant j’ai été stupéfait par le réseau de sentiers et la richesse des paysages », à l’image de la Cité de Pierres qu’il a découvert lors d’une sortie entre amis, quelques jours après être revenu d’un voyage aux États-Unis. « J’étais à l’autre bout de la terre alors qu’à quelques kilomètres de chez moi j’avais un site de cette envergure que je ne connaissais même pas. » C’est ici que germe, au fond de lui, l’idée d’organiser un jour une épreuve de trail dans l’enceinte de ce site touristique, loin de se douter des échelons que gravirait son événement quelques années plus tard.
Guilhem a toujours été passionné et très investi dans le haut niveau. « Je connais beaucoup d’athlètes élites, avoue-t-il, et je pense que la réussite d’un événement passe aussi par leur présence. Cela contribue à ancrer un événement dans le calendrier. » Placé juste avant la réouverture annuelle de son site touristique, le Trail de la Cité de Pierres se place comme une alternative au Trail du Ventoux pour quiconque souhaite démarrer sa saison avant même l’arrivée du printemps.
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De course de sélection à championnat de France
Du haut de ses trois années d’existence, le TDCP est devenu, d’une pierre deux coups, l’événement accueillant les championnats de France de trail, en plus d’être la course de sélection pour les championnats du monde Et ce pour deux raisons.
La première, c’est que la Commission nationale running avait émis le souhait que les championnats de France soient sélectifs pour les mondiaux. Compte tenu des contraintes du sélectionneur Adrien Séguret, il fallait trouver une course qui avait du dénivelé sans être trop montagnarde, car les reliefs sont enneigés et donc impraticables à la course à cette période. « Cela réduisait les possibilités », souligne-t-il.
La seconde, c’est un conflit d’intérêts marketing, explique Olivier Gui, le directeur technique national adjoint de la FFA, en charge entre autres du trail. « Nous avions un très bon candidat pour les championnats de France 2023, mais du fait du changement d’équipementier de la fédération (la FFA est passé d’Asics à Adidas, NDLR), nous ne pouvions plus fonctionner avec eux pour des raisons marketing, a précisé le DTN à Distances+. Nous nous sommes donc retrouvés sans candidat pour le championnat de France. »
Une circulaire, émise par la FFA, a ensuite été envoyée en septembre 2022 comme appel à candidatures pour les championnats de France de trail 2023. « J’ai tout de suite postulé et nous avons reçu une réponse positive », se félicite Guilhem, qui a sauté sur une occasion en or.
Porte d’entrée pour les championnats du monde
Habituellement, la sélection en équipe de France pour les championnats du monde ne se fait pas nécessairement ou uniquement sur les championnats de France de trail. Le champion et la championne de France sont sélectionnés, mais d’autres coureurs peuvent l’être sur la base d’autres performances, sur d’autres courses. Mais avec ce calendrier particulier, la FFA a tranché et exigé que la sélection se fasse lors des championnats de France au Trail de la Cité de Pierres. « La sélection définitive » devrait être annoncée deux jours après l’événement, selon le sélectionneur.
Concrètement, qui gagnera son ticket pour les mondiaux d’Innsbruck en Autriche? « Le champion et la championne de France de trail court et de trail long seront sélectionnés d’office, répond Adrien Séguret. Pour le reste, je ne prendrai pas forcément le deuxième et le troisième. Je préfère analyser l’événement, mais aussi le potentiel et la performance de chaque coureur pour maximiser les chances de médailles à Innsbruck. Les précédents mondiaux seront également pris en compte. La FFA stipule en effet que « le ou les athlètes et la ou les athlètes terminant à l’une des trois premières places au classement individuel au [dernier] championnat du monde de trail » ainsi que « le ou les athlètes et la ou les athlètes terminant à l’une des trois premières places de l’équipe de France et qui ont contribué à l’obtention d’une médaille au classement par équipe au championnat du monde de trail » seront automatiquement sélectionnables.
Plus clairement, Adrien Séguret estime qu’il ne serait pas logique de dire à celles et ceux qui sont allés chercher une médaille en Thaïlande de prouver à nouveau sept mois plus tard qu’ils ont le niveau pour faire les mondiaux. On parle ici de Blandine L’hirondel, Audrey Tanguy et Marion Delespierre, de Nicolas Martin, Thibaut Garrivier et Paul Mathou sur trail long et de Thomas Cardin, Frédéric Tranchand et Julien Rancon sur trail court).
Densité historique aux championnats de France de trail
À la différence des années précédentes, où les coureurs devaient participer au Trail Tour National pour pouvoir être au départ des championnats de France, ces derniers sont cette année ouverts à tous les licenciés FFA, dans la limite des places disponibles. Ces modalités exceptionnelles rendent l’édition 2023 du Trail de la Cité de Pierres particulièrement attractive pour les coureurs de haut niveau, ce qui crée les conditions de courses hyper relevées (voir ci-dessous).
« La position des championnats de France, la sélection pour les mondiaux et les championnats du monde s’accordent parfaitement pour permettre aux athlètes de faire un beau début de saison et d’enchaîner sur les circuits privés », se félicite le responsable national des spécialités trail et course en montagne Olivier Gui.
Distances+ a eu accès à la liste des inscrits et, comme de fait, elle donne le tournis.
Sur le 31 km, on retrouvera au départ le champion d’Europe de course en montagne Sylvain Cachard, le champion de France de trail long Thomas Cardin, le vice-champion du monde de trail long Nicolas Martin (vainqueur du 31 km l’an dernier devant les frères Quentin et Alexandre Meyleu qui seront là aussi), le vice-champion d’Europe de trail Arnaud Bonin, le premier vainqueur du 31 km du Trail de la Cité de Pierres Thibaut Baronian, le vice-champion 2022 du circuit Skyrunning World Series Damien Humbert, mais aussi Loïc Robert, Anthony Felber, Simon Gosselin, Clovis Chaverot ou encore le vainqueur de l’épreuve de 16 km l’an dernier Maël Allaire. La liste pourrait s’égrainer encore longtemps tant elle est longue, alors qu’on se situe encore autour de 850 de cote ITRA.
La championne d’Europe et du monde de trail Blandine L’hirondel visera de son côté un triplé sur le 31 km ce qui lui permettrait de compléter son incroyable palmarès avec un nouveau titre de championne de France (elle n’avait pas participé à l’édition 2022). Elle devra toutefois faire face à sa copine Mathilde Sagnes, mais aussi Anaïs Sabrié (blessée), Christel Dewalle, Candice Fertin, Louise Serban-Penhoat, Lucille Germain, Clémentine Geoffray, Esther Eustache, Marie Goncalves, Adeline Martin (Roche) ou encore Élise Delannoy, détentrice du record du monde de dénivelé en 24 heures. Plusieurs de ces athlètes sont habituées à porter le maillot de l’équipe de France.
Sur le 68 km, ce sera tout aussi passionnant avec de grands noms au départ. Chez les hommes, il y aura au départ, entre autres parmi les grosses cotes, Benjamin Roubiol, Kevin Vermeulen, Baptiste Chassagne, Gautier Airiau, Romain Maillard, Martin Kern, Mathieu Delpeuch, Elias Kadi, Vincent Viet, Remy Brassac, Stéphane Ricard, Patrick Bringer, Matthieu Simon et l’ancien champion du monde Sylvain Court.
Du côté des athlètes féminines, Manon Bohard devra rivaliser avec des concurrentes de gros calibre et d’expérience à l’image de Sarah Vieuille, Anne-Lise Rousset-Séguret, Jocelyne Pauly, Jennifer Lemoine (blessée), Laure Paradan ou encore Sabine Ehrström. La chroniqueuse de La Bande à D+, plus habituée aux trails courts, a en effet décidé d’allonger un peu les distances cette année.
Habituellement, c’est le Trail du Ventoux, souvent encore enneigé, qui lance officieusement la saison, mais en 2023, c’est assurément au Trail de la Cité de Pierres qui va voler la vedette à cette épreuve mythique, par ailleurs étape du circuit français des Golden Trail Series.
« Une fois cette édition réussie, le plus gros défi sera 2024 pour pérenniser le rendez-vous », estime Guilhem Prax. L’enjeu sera, pour lui, de passer du statut d’étoile montante du calendrier de trail à celui d’incontournable.
À voir aussi : L’édition 2022 du Trail de la Cité de Pierres en stories Instagram
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