DISTANCES+ À ANNECY – La Maxi-Race d’Annecy, dans les Alpes françaises, est l’un des événements de trail les plus populaires en Europe. Plus de 9000 personnes ont participé à l’une des onze épreuves de l’édition 2019, chaque course jouissant d’un parterre d’élites internationales de premier plan. Mais si, devant, la compétition a été passionnante, derrière, c’est l’exaspération et la consternation qui ont semblé parfois l’emporter sur des sentiers glissants et ravagés. Bonjour l’ambiance!
Car nombreux sont les coureurs de la Maxi-Race (83 km) et de la Marathon-Race (40 km) qui sont restés complètement bloqués sur les chemins boueux lorsque ces derniers se rétrécissaient. Certains ont par exemple dû attendre pendant plus d’une heure au roc de l’Encrenaz, un des sommets de la course, d’où la vue sur les pics alpins enneigés est sublime.
Pris dans les bouchons, certains coureurs plaisantaient de l’aberration de se retrouver comme ça, en pleine nature, en altitude et au grand air, amassés comme des moutons bêlant leur impatience, pendant que des petits malins, l’air de rien, tentaient de passer sur les côtés pour aller plus vite. D’autres ne décoléraient pas, regrettant d’avoir « mis les pieds dans cette galère », soufflant, râlant et pestant contre la terre entière.
Dans la montée vers le col de la Forclaz, nous partageons un bon moment avec Christopher, régulièrement interpellé sur les sentiers en raison de son très beau chapeau de paille. Il a les jambes qui le démangent. Il a envie de courir, mais n’a pas le choix de subir le train, de marcher à la queue leu leu sur ce tracé ascendant qui normalement se court. « Je voulais vivre cette course au moins une fois et je suis content d’être là, mais on ne m’y reprendra pas », lâche-t-il calmement. Un peu plus loin, après avoir enfin pu courir en descente, philosophe en dépit de l’aberration de la situation, il regarde autour de lui et se dit que c’est quand même chouette d’être là, qu’objectivement « c’est un vrai bonheur de courir – ou presque – en montagne ». Christopher passera la ligne d’arrivée de la Marathon-Race, « un parcours ardu, pentu, gras et assez technique », en un peu plus de 8 h. Il estime avoir perdu une cinquantaine de minutes dans les interminables bouchons.
La Maxi-Race, une usine à fric?
Un peu avant le début de la compétition, Distances+ s’était entretenu pour un futur article avec Robin Schmitt, le chef d’orchestre des Genoux dans le GIF, une page Facebook qui suit l’actualité du trail avec un regard humoristique et caustique. Fin connaisseur du milieu de la course à pied, il se montre volontiers virulent face aux dérives de ce sport qu’il aime foncièrement et du développement des événements comme la Maxi-Race qui vendent chaque année des centaines de dossards supplémentaires. « Il y a un côté mercantile exacerbé sur cette course, nous en avons ici la parfaite illustration. C’est une sale histoire », déplore Robin qui avait rapidement ironisé sur « ce rendez-vous avec soi-même et la solitude des grands espaces » en publiant une photo du bouchon monstre au sommet.
À noter que Robin Schmitt est également à l’origine de l’excellente revue spécialisée taquine Point de côté.
La direction de course s’excuse et répond aux protestations des participants
Face au fort mécontentement d’une partie des participants de la Maxi-Race, le directeur de course Stéphane Agnoli a publié jeudi matin un communiqué de presse pour s’excuser et s’expliquer. Il dit « assumer l’entière responsabilité des dysfonctionnements » vécus durant le week-end.
Il rebondit aussi sur ce reproche que sa course est une « usine à fric ». « Cette remarque revient régulièrement sur beaucoup d’événements sportifs d’envergure, dit-il. Nous assumons ce modèle de développement afin de pérenniser les emplois et de ne pas mettre en péril le projet des personnes qui s’investissent toute l’année pour que la course ait lieu. » Il assure toutefois que le nombre de coureurs sera réduit l’année prochaine et que personne ne bénéficiera de passe-droit dès lors que les courses seront complètes.
« En tant que directeur de course, mon rôle est d’absolument tout anticiper, mais, sur cette édition, je n’ai pas pressenti ce phénomène de bouchon », reconnaît-il.
« D’abord, nous avons effectivement pris cette année 300 coureurs de plus que l’année dernière au départ de la Marathon-Race (pour un total de 2000 coureurs), développe Stéphane. L’afflux des demandes a été considérable. Cette course a été complète en moins de 10 heures. Nous avons voulu contenter le plus grand nombre. C’était une erreur. » En 2020, prévient-il, les places seront de nouveau limitées à 1700.
La météo a, selon lui, également eu des conséquences sur le bon déroulement de la Maxi-Race. « La pluie des jours précédents et la présence de neige en quantité plus importante que les autres années sur le parcours ont rendu les chemins boueux et glissants, ce qui a entraîné sur les passages techniques un fort ralentissement, plus important que je ne l’avais imaginé, et avec des répercussions sur les passages en aval. »
« Enfin, conclut Stéphane Agnoli, nous avons un système de ligne de départ par sas pour assurer la fluidité de la course. Mais nous avons fait le choix de ne contrôler que les premiers sas et de laisser les autres sas «sans contrôle», en comptant sur l’autonomie et la responsabilité des coureurs. C’est finalement utopique et c’est l’ensemble des sas que nous aurions dû contrôler à l’entrée. »
Le directeur de course de la Maxi-Race se dit persuadé qu’il est possible de faire des événements de trail qui regroupent plusieurs milliers de personnes tout en permettant à tous les participants d’y prendre du plaisir. Reste à voir si la vague de protestations sur les réseaux sociaux fera désormais fuir les coureurs en sentier.
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