Créée en 1999, l’Endurance Trail est l’une des épreuves pionnières de l’ultra-trail en France. Organisée chaque année en ouverture du Festival des Templiers, elle offre l’occasion unique de découvrir cette terre de trail que sont les Grands Causses.
Attachés à une certaine vision du trail, populaire, accessible, rustique et authentique, les organisateurs de cet ultra emblématique, Gilles Bertrand et Odile Baudrier, ont décidé de rester libres et indépendants face à la mise en place de l’UTMB World Series. Ils craignent en effet une uniformisation des événements de trail sous l’influence des circuits privés et s’inquiètent pour l’avenir des courses de longue distance en France.
Gilles Bertrand, qui importa le trail running des États-Unis et qui, comme journaliste, fut le premier à parler de « trail », a accordé une longue interview à Distances+ au cours de laquelle il partage sa vision d’organisateur à travers l’histoire de l’Endurance Trail, le grand frère de l’épreuve mythique qu’est le Grand Trail des Templiers.
Les deux événements se tiendront durant le Festival des Templiers du 20 au 23 octobre 2022.
Le premier ultra-trail de plus de 100 km en France
L’Endurance Trail est historiquement l’un des tout premiers ultra-trails de plus de 100 km à voir le jour en France. Il avait été lancé par Gilles Bertrand et Odile Baudrier pour fêter le cinquième anniversaire du Festival des Templiers. La discipline n’en était alors qu’à ses balbutiements, mais Gilles sentait déjà dans les rangs des coureurs une envie d’allonger les distances, séduit lui-même par son expérience personnelle sur les sentiers du Grand Raid de la Réunion.
« Nous pensions que c’était encore un peu tôt en France à ce moment-là, même si les 100 km sur route marchaient bien, mais certains coureurs qui avaient couru les premières éditions des Templiers sur une distance de 60 à 65 km voulaient voir plus loin », se souvient-il. Alors il est allé de l’avant en proposant un nouveau parcours, plus technique et sauvage en poussant les murs du côté des Cévennes et du Mont Saint-Guiral.
Avant la création de ce qui s’appelait initialement la Grande Course des Templiers, le projet initial de Gilles Bertrand était, déjà, de créer un ultra. Il avait même imaginé un itinéraire de 120 km entre Millau et le Mont Aigoual (1565 m), en aller-retour, « un peu comme la Leadville 100» au Colorado, d’où Gilles était revenu très inspiré avec l’envie de partager ses découvertes avec la communauté de coureurs en nature. La course n’a jamais vu le jour, mais l’idée est restée dans un coin de sa tête.
Organisée d’abord tous les cinq ans, l’Endurance Trail est devenue un rendez-vous annuel à partir de 2009. « Nous étions maintenant armés », se remémore Gilles Bertrand, qui était bien décidé à faire de son épreuve un ultra incontournable en France, tout comme l’était devenu le Grand Trail des Templiers qui flirtait déjà avec les 2000 participants. Dans le même temps, le Festival des Templiers s’étoffait avec la création de formats courts pour populariser la discipline, un trail court, le VO2 Trail, un trail réservé aux femmes, La Templière, et un maratrail, le Marathon des Causses.
En épreuve pionnière de l’ultra, l’Endurance Trail a vite forgé sa renommée grâce à ses « grands vainqueurs ». Xavier Thévenard (2011), Fabien Antolinos et Caroline Chaverot (2013), Benoit Girondel (vainqueur en 2014 et 2016), Aurélien Collet (2015), Jocelyne Pauly (2017), Patrick Bringer (2018), Claire Bannwarth (2019) ou plus récemment Vincent Viet (2021) ont marqué l’histoire de la course qui rassemble chaque année un plateau élite dense. « Chaque coureur contribue au succès d’une épreuve », souligne Gilles Bertrand, qui ne s’intéresse pas uniquement aux champions.
Une course inscrite dans l’histoire
Mais le succès d’un événement ou d’une course repose aussi et avant tout sur ceux qui les pensent et qui les organisent. En ce sens, Gilles Bertrand, visionnaire, a su construire ses épreuves en alliant ses envies et sa connaissance, pour ne pas dire son amour, du territoire où il pratique le plein air depuis des lustres. D’ailleurs, selon lui, pour qu’une course ait du sens, elle doit « s’intégrer parfaitement dans un territoire ».
C’est ce qu’il s’est attaché à faire dans sa région en arpentant longuement les sentiers, en « fouinant » à l’aide d’une carte topographique et d’une connaissance parfaite de la toponymie locale, pour construire un à un les parcours du Festival des Templiers afin qu’ils fassent « sens » pour les coureurs.
« Il y a le paysage, mais il y a aussi le patrimoine, ici apporté par l’histoire des causses qui entourent Millau, raconte-t-il, passionné. Et moi, j’ai un rapport physique, presque charnel, avec le terrain. »
Sur l’Endurance Trail, comme sur le reste de ses épreuves, la vision de Gilles Bertrand était claire dès le départ : il voulait construire « un Templiers puissance 2 » lorsqu’il dessinait le parcours de l’Endurance Trail. Il souhaitait une épreuve plus technique et plus sauvage où alternent des portions difficiles et d’autres plus roulantes sur les hauts plateaux aveyronnais. « On peut vite se sentir seul, isolé », ponctue-t-il, à l’inverse du Grand Trail des Templiers où le flux de coureur est plus dense. Le nombre de participants avait été limité à 1300 coureurs, contre 2300 pour le Grand Trail.
Hormis les kilomètres supplémentaires, l’Endurance Trail offre aux coureurs des sites remarquables non empruntés par son aîné. La pointe de la vallée du Tarn à partir du Rozier (km 30), la vallée de la Jonte et le Balcon du Vertige du Causse Méjean constituent « 10 km d’anthologie » où les coureurs évoluent au-dessus des falaises avec 200 mètres de vide sous leurs pieds. Ce parcours a été optimisé afin de permettre aux participants d’apprécier l’ensemble des points d’intérêts de jour.
Car, « la nuit, quel intérêt? » Interroge Gilles Bertrand, qui a tracé cette épreuve comme s’il le faisait pour lui. « Tout le monde voit ce qui est le plus beau de jour dans un seul but : la découverte, les sensations, les émotions», se félicite-t-il.
Le choix de l’indépendance pour les Templiers
En 30 ans, Gilles Bertrand a créé de nombreux événements, tous ancrés au territoire aveyronnais. Il revendique aujourd’hui son indépendance dans le paysage du trail français et souligne son désir de rester libre face aux stratégies de certaines entreprises événementielles de développer des franchises s’immisçant dans le marché de la course à pied.
« Le trail est une discipline où chacun peut mettre sa patte, estime-t-il. L’organisateur construit un cadre et scénarise une course qui lui est propre, on ne retrouve pas cela ailleurs. »
Cette année 2022 a vu le lancement officiel du circuit UTMB World Série (UWS) avec 25 événements dans le monde qualificatifs aux courses de l’UTMB (OCC, CCC et UTMB), dont certaines créés de toutes pièces à l’image, en France, du Nice Côte d’Azur by UTMB.
Ce circuit redistribue les cartes sur le marché de l’ultra dans l’Hexagone, estime le patron des Templiers. Car si, comme organisation d’événements de trail, il suffisait jusqu’à l’année dernière de coller aux standards UTMB et à son système de points pour aider les coureurs à obtenir leur ticket de participation (après loterie) à l’une des courses du rendez-vous estival à Chamonix, cela n’est plus possible aujourd’hui. Les 25 événements du circuit UWS sont les seuls à offrir le sésame désormais. Plus aucune autre course en France ou dans le monde ne peut offrir cela à ses participants. Pas même les courses qui obtiennent en quelques clics le label Qualifier, qui ne qualifie à rien, sinon à une priorité d’inscription à l’une des 25 courses du circuit, hors finales.
La situation s’est donc considérablement complexifiée pour les événements indépendants et associatifs, ceux qui, comme le Festival des Templiers, ont souhaité le demeurer en refusant d’intégrer le circuit UWS aux conditions de l’UTMB et de son partenaire IronMan.
Pour Gilles Bertrand, c’est donc également un problème potentiel pour des courses solides comme son Endurance Trail.
À l’origine, la course s’étendait sur 120 km et 4000 m D+ contre 108 km et 4800 m D+ à présent. « Notre épreuve a pris son envol quand nous avons modifié le parcours afin de réduire le ratio distance/dénivelé au minimum (100 km pour 4500 D+) pour donner cinq points UTMB à nos coureurs, témoigne l’organisateur chevronné. Nous nous adaptions constamment aux exigences de l’UTMB. Le tout en proposant un parcours d’exception. » La course était alors réputée pour être « facile » tout en permettant à de nombreux traileurs d’obtenir les points qui leur manquaient en fin de saison.
L’analyse d’un sondage mené auprès des participants de l’Endurance Trail laissait entrevoir d’ailleurs qu’environ 50 % des coureurs prenaient un dossard pour obtenir les points qualificatifs à l’une des courses de l’UTMB. Gilles se demande donc si ces coureurs continueront de répondre présents en octobre à Millau. Ils étaient seulement 780 inscrits au 10 mai 2022, un chiffre clairement en baisse.
« Un bon nombre d’ultras vont-ils disparaître ?»
Si l’équipe des Templiers ne se reconnaît pas dans cette évolution, force est d’admettre que l’ultra-trail s’est développé dans le pays grâce à eux.
« Il faut leur dire merci, c’est indéniable », assume-t-il. L’Endurance Trail a bénéficié de l’émulation créée par Catherine et Michel Poletti autour de l’ultra. À noter que l’épreuve est également l’une des seules courses en France qualificative pour la Western States aux États-Unis. Un détail qui, même s’il ne concerne qu’une poignée d’élites, participe au rayonnement de la course ainsi qu’à créer chaque année de belles bagarres pour la victoire.
Que va-t-il se passer pour les autres ultras en France ? Gilles Bertrand oscille entre pessimisme, réalisme et scepticisme. Selon son scénario, « les coureurs iront naturellement marquer des points sur le circuit UWS (donc sur les courses « Events », NDLR). C’est une évidence. Une course à 200 coureurs pouvant perdre entre 30 à 50 % d’inscriptions ne le supportera pas, compte tenu des contraintes sécuritaires plombant les budgets de course. Je pense donc qu’un bon nombre d’ultras vont souffrir, c’est triste, mais c’est la dure loi du système libéral qui veut cela. Si on ne se renouvelle pas, on risque de disparaître. Néanmoins, j’ai envie d’attendre encore une année pour donner avec certitude mon point de vue étayé par de vrais chiffres », a-t-il tenu à nuancer.
Il est d’ailleurs ravi de constater malgré tout le succès de la première édition de son Tarn Valley Trail, qui a réuni 321 participants et 80 pacers sur une distance de 160 km début mai (51 abandons au total). « C’est la preuve qu’avec un parcours d’exception, un lieu qui a une forte identité et un esprit authentique, il y a encore de l’espoir pour l’ultra indépendant », lance l’organisateur aveyronnais. En ce sens, l’Endurance Trail s’inscrit pleinement dans cette démarche dans le respect des coureurs et de l’environnement.
L’Endurance Trail se tiendra le vendredi 21 octobre 2022. Les inscriptions sont toujours ouvertes.
Un contenu BOUM est commandé et payé par un client de Distances Médias. Cet article a été produit dans le cadre d’une entente avec le Festival des Templiers. Lorsque l’équipe de Distances+ publie un contenu commandité, qui respecte notre politique éditoriale, elle en avise clairement le public. Le contenu est produit par des membres de l’équipe de Distances+, dans le ton, le style et la manière qui nous distingue.