Le départ de la mythique Barkley, une course à pied en pleine nature de 160 km considérée comme l’une des plus difficiles au monde, sera donné ce vendredi, dans le parc de Frozen Head au Tennessee. Avec ses cinq boucles de 32 kilomètres non balisés totalisant près de 20 000 mètres de dénivelé — soit deux fois plus que l’Ultra-Trail du Mont-Blanc en France et que la Hardrock 100 au Colorado — ce défi unique s’est révélé tout simplement impossible pour la grande majorité des participants depuis sa création. Distances+ s’est entretenu avec trois participants sélectionnés pour cette édition 2017.
Pour la petite histoire, la Barkley est inspirée de la cavale de l’assassin de Martin Luther King, James Earl Ray, en juin 1977. Le meurtrier s’était évadé de Brushy Mountain, une prison du Tennessee, mais avait été rattrapé 54 heures plus tard dans la forêt. Il n’était parvenu à parcourir que seulement 12 kilomètres. À l’époque, le jeune Gary Cantrell, un coureur bien connu de la région, s’était fait la réflexion qu’en autant de temps, il aurait réussi à parcourir 160 km. Neuf ans plus tard, donc en 1986, Cantrell, que tout le monde surnomme Laz, donnait le départ de la première édition de son désormais célèbre ultra-marathon en terrain inconnu.
Un champion au Tennessee
Le Français Benoit Laval, de Saint-Pierre-de-Chartreuse près de Grenoble, vivra sa deuxième expérience. « La première année, on est impressionné par la légende et le mystère qui entoure le parcours. On baigne dans l’inconnu et on a peur. Mais cette année je suis plus serein, je dors bien, je suis rassuré », nous a-t-il confié quelques heures avant de s’élancer.
Cet athlète, qui est le fondateur de Raidlight, une marque française pionnière de la course en sentier, a de beaux faits d’armes derrière lui, notamment une deuxième place à la Diagonale des fous sur l’île de La Réunion, en 2003. Il a été vice-champion de France de course en sentier en 2009, champion de France de course en raquettes et vainqueur dans la catégorie mixte de la célèbre Pierra-Menta en ski alpinisme. Sportif accompli, il a également remporté le trophée mondial des Raids-d’orientation.
Même si Benoit Laval, bientôt 45 ans, dit avoir pris le départ de plus de 200 événements dans plus de 20 pays, il n’ambitionne même pas de terminer la Barkley. « Je veux terminer la deuxième boucle et débuter la troisième. Mon premier but serait de terminer la Fun Run. » Ladite partie de plaisir consiste à compléter les trois premières boucles totalisant 96 kilomètres et 12 000 mètres de dénivelé. « Le piège, avec cette course, c’est quand on croit que ça devient facile. C’est là que l’on échoue. Un moment d’inattention et on se perd. C’est une course hors sentiers qui n’est pas balisée, et une fois partie dans la forêt, au bout de 100 mètres, il n’y a plus personne. On est complètement seul. »
Course funèbre
Nombreux sont les coureurs qui envoient une lettre de motivation à Laz pour participer à cet événement, mais il n’en retient que 40. Ses critères de sélection, obscures, n’ont rien à voir avec les exploits sportifs des concurrents et lorsqu’il arrête finalement son choix, les heureux élus reçoivent une lettre de condoléances débutant ainsi : « J’ai le regret de vous annoncer que vous avez été retenu pour participer à la Barkley. » Depuis 1986, seuls 14 coureurs ont réussi l’exploit de faire cinq boucles, dont l’américain Jared Campbell qui, en 2016, a terminé la course pour la troisième fois.
Les derniers seront peut-être les premiers
Benoit Laval est accompagné d’Alexandre Ricaud, vidéaste toulousain qui vivra lui aussi sa deuxième expérience. Il a pour mission de filmer Benoit afin d’immortaliser ce qui sera sûrement sa dernière participation. Cette semaine, les deux complices ont eu la chance de partager de bons moments avec Laz qui les a hébergés chez lui. « Lors de l’événement, ce qui amuse Laz, c’est de voir chacun se planter. Surtout les grands champions! », nous a raconté Alexandre.
« On va tous échouer de toute façon, alors ça ne sert à rien de tenter de dépasser ou de prendre les devants, a ajouté Benoit. Sur la Barkley, on ne cherche pas à gagner une place. Ce n’est pas une compétition, c’est une expérience humaine, une expérience de dépassement personnel. »
Il n’y a pas de prix pour souffrir
Il faut payer seulement 1,60 $ pour participer à la Barkley. Il n’y a pas d’arches de départ, pas de stations de ravitaillement, aucun commanditaire sur le site et seuls trois amis de Laz participent à l’organisation. Parmi ceux-ci, un cuisine les haricots et l’autre s’occupe du chrono.
Pour ajouter à l’originalité de la course, afin de prouver que vous avez terminé chaque boucle, vous devez trouver une dizaine de livres cachés à différents endroits le long du parcours et rapporter une page de chaque livre.
Sept autres Français prendront part à l’événement, dont le sportif toulousain Remy Jégard pour la troisième fois. « Ce sera ma dernière tentative, a-t-il prévenu. Je me suis mieux préparé et je commence un peu à connaître le parc. Je vais croiser les doigts pour qu’il ne m’arrive rien et prier pour faire quelques kilomètres la nuit avec un ou deux autres coureurs. J’aimerais tant finir deux tours pour partir dans le troisième », a-t-il confié à Distances+ avec un brin d’anxiété mélangée à de l’excitation.
À noter aussi la deuxième participation du seul Canadien engagé cette année, Gary Robbins, qui a écrit sur les réseaux sociaux être plus en forme et préparé que jamais. L’an dernier il avait complété quatre tours avant d’être contraint à l’abandon dans le cinquième.
La modeste organisation n’ayant pas de site web, on peut surveiller le compte Twitter de Keith Dunn, un supporteur de longue date de la Barkley, pour avoir des mises à jour et des résultats.