Pierre-Jules Arnaud arrive main dans la main avec son père – Photo : courtoisie
Un texte écrit en collaboration avec Nicolas Fréret
DISTANCES+ À LA RÉUNION – Ils rêvaient d’être sur la liste des fous, de faire partie de ceux qui ont « survécu » au Grand Raid de La Réunion (165 km et 9600 m de dénivelé positif). Pari réussi. Les cinq Québécois engagés, tous pour la première fois, sur cette course extrême, marquée cette année par des pluies parfois violentes et des températures chaudes, ont réalisé l’exploit d’aller au bout de cet ultra très, très intense.
Le Canada est l’une des rares nations à avoir vu, cette année, tous ses représentants terminer la course et remporter le célèbre chandail jaune de « finisher ». Un chandail frappé de cette phrase qui dit tout : « J’ai survécu. »
Cédric Chavanne, premier Québécois
Cédric Chavanne, 41 ans, aura été le plus rapide des athlètes québécois. L’enseignant-chercheur en océanographie à l’Université du Québec à Rimouski a terminé la course à travers l’île en 38 h 12 à la 156e place sur plus de 2780 concurrents (1962 finisseurs).
« C’est la course la plus difficile que je n’ai jamais faite, encore plus difficile que l’UTMB, à cause de la technicité des sentiers, a-t-il dit à Distances+. Mais c’est aussi la plus belle, avec le cirque de Mafate que j’ai trouvé époustouflant! J’ai pris le temps de prendre plein de photos tout au long du parcours. Je suis heureux d’avoir atteint mon objectif de me rendre au bout. »
Malgré son enthousiasme, et un peu de sommeil après trois nuits blanches, Cédric n’envisage pas refaire la Diagonale des fous. « Je ne pense pas, car j’ai trouvé que la fin du parcours était de la torture. Mais il ne faut jamais dire jamais… »
Pierre-Jules Arnaud passe la ligne en duo avec son papa
Pierre-Jules Arnaud, 31 ans, a pour sa part franchi le fil d’arrivée en 51 h 48, à la 1141e place. Il a eu le « bonheur » de terminer avec son père, qui vit à La Réunion et qui a survécu à la Diagonale pour la dixième fois. « On a fini 10 h plus tard que prévu et dans la souffrance, a témoigné le jeune ingénieur Montréalais. Saprée course! » Il pense revenir courir ici, mais cette fois avec son amie québécoise.
Trio québécois à l’arrivée
L’aventure fut aussi belle que solidaire pour les trois autres Québécois. Alejandro Ramirez Sandoval, 43 ans, Jean Dessureault, 64 ans, et Tony Fichora, 30 ans, ont fini ensemble, après 55 h 55 de course, aux alentours de la 1420e place.
Jean a résumé le plaisir partagé en passant la ligne : « L’arrivée fut jouissive et libératrice après avoir surmonté bien des difficultés. »
Pour ce médecin-urologue à l’Hôpital du Haut-Richelieu, le parcours a été aussi éprouvant que grandiose. « Le départ s’est fait jeudi soir dans une ambiance totalement festive au centre-ville de Saint-Pierre, mais, malheureusement, on a dû attendre dans l’enceinte de 18 h à 22 h. Une fois partis, c’était vraiment la fête en ville. C’est un méga événement. On a traversé l’île du sud-ouest au nord-est en passant par des régions absolument fabuleuses, des endroits inaccessibles en voiture. C’est cette particularité qui fait que cette course est la plus difficile au monde avec le taux d’abandons le plus élevé des ultra-trails. Passer trois nuits sans dormir est extrêmement difficile pour le corps. Nos deux compagnes, Marthe et Josée, nous attendaient à deux gros ravitos pour nous bichonner, nous masser et s’occuper de notre état physique et mental. On n’a jamais eu de moment d’hésitation, d’hallucinations, de froid ou de douleurs physiques, mais on est passés dans des endroits vraiment dangereux où les chutes auraient pu être mortelles. J’ai appris qu’un coureur avait fait une chute de 10 mètres en descendant sur le bord d’une falaise. »
Son ami Alejandro l’a attendu. « Les femmes voulaient qu’on reste ensemble », a précisé Jean.
Tony, originaire de La Réunion, a terminé avec eux, soutenu lui aussi tout au long de la course par son amie québécoise, Katherine Lessard. Un jour, c’est peut-être elle qui viendra courir la Diagonale.
L’an prochain, une forte délégation québécoise emmenée par la Clinique du coureur devrait venir se mesurer à la 27e édition de cette course incroyable. Entre le Québec et La Réunion, c’est une vraie histoire de fous.
Victoire de François D’Haene et Benoît Girondel, main dans la main
Le champion Français François D’Haene, triple vainqueur de la Diagonale des fous, était annoncé comme le grand favori cette année. Après la terrible montée du Maido, dernière très grosse difficulté du parcours, sa victoire se profilait à l’horizon, mais celui qui avait créé la surprise l’an dernier, Benoît Girondel, parti moins vite, n’a rien lâché, jusqu’à rejoindre D’Haene et le dépasser.
Au coude-à-coude à la fin de course, les deux hommes ont décidé de ne pas se battre pour la victoire, mais plutôt de terminer ensemble, main dans la main, après 23 h 18 d’efforts. Deux grands champions pour le prix d’un.
Le Français Maxime Cazajous a pris la troisième place (24 h 40) devant l’éternel Antoine Guillon (25 h 07).
Mimmi Kotka trop courte
Chez les femmes, la grande favorite, la Suédoise Mimmi Kotka, a longtemps couru en tête, autour de la 10e place au classement général provisoire. Mais après 110 km, « sa distance », elle a flanché. Elle a expliqué sur sa page Facebook qu’elle a alors décidé de se détendre et de profiter du parcours. Elle a tout de même fini à la 6e place.
C’est la Française Jocelyne Pauly qui a décroché une superbe victoire en 28 h 54, après sa troisième place à l’UTMB le mois dernier. Elle a devancé deux autres Françaises, Audrey Tanguy et Juliette Blanchet, arrivées ensemble en 29 h 23.