Et si vous participiez à une étude juste en vous entraînant normalement chez vous ? C’est possible grâce à l’application Trainimm. Après avoir organisé trois importantes recherches expérimentales sur la fatigue en ultra-trail, le physiologiste Guillaume Millet et ses équipes de l’Université de Saint-Etienne (re)lancent le projet « trainimm », une étude de grande ampleur pour faire avancer la recherche sur l’entraînement. Guillaume Millet la détaille pour Distances+.
En 2009, 2012 et 2019, Guillaume Millet et ses chercheurs avaient profité des courses de l’UTMB pour tester grandeur nature leurs hypothèses sur la fatigue en ultra-trail. Ils s’intéressent en particulier aux origines de la fatigue lors d’efforts de longue distance et se pose cette question : la baisse des performances au fil des heures est-elle plutôt d’ordre central (c’est-à-dire liée à une défaillance au niveau du cerveau, au niveau des processus qui génèrent la commande et le recrutement des unités motrices) ou plutôt périphérique (c’est-à-dire liée défaillance au niveau musculaire, au niveau de tous les mécanismes qui permettent la production de la force du muscle) ?
En 2009, seuls des hommes avaient été testés. En 2012, la variable « sexe » a fait son apparition et, déjà, les chercheurs démontraient que les femmes résistaient mieux à la fatigue musculaire des membres inférieurs que les hommes. En revanche, ils n’observaient pas de différence au niveau de la fatigue centrale entre les sexes.
Ce résultat scientifique se devait d’être confirmé et complété en croisant les paramètres « sexe » et « distance ». Ce qui a été fait lors de l’étude de 2019. Le dispositif expérimental avait été nettement enrichi et plus de coureurs avaient été testés. Les athlètes avaient été soumis à deux batteries de tests complets, l’une bien en amont de la course, dans le Laboratoire inter-universitaire de biologie de la motricité à Saint-Etienne, l’autre, la veille de la course.
Les femmes se fatiguent moins vite que les hommes musculairement
Chaque coureur cobaye avait ensuite été pris en charge dès son arrivée, encore tout suant et puant, pour tester au plus vite son épuisement et évaluer les effets de l’effort. Pas moins de six articles validés par la communauté scientifique ont déjà été publiés à la suite de ce protocole très minutieux mené sur les courses de l’UTMB.
Au niveau de la fatigue, le résultat de 2012 a bien été confirmé : à l’arrivée, les femmes sont moins fatiguées au niveau musculaire que les hommes sur les courses longues distances, à savoir la CCC (100 km, 6100 m D+), la TDS (145 km, 9100 m D+) et l’UTMB (170 km, 10 000 m D+), mais aussi sur les épreuves courtes que sont la MCC (40 km, 2300 m D+) et l’OCC (55 km, 3500 m D+).
Reste à savoir pourquoi ? Peut-être faudrait-il creuser du côté des représentations sociales et des intentions de compétition de chacun, les femmes déclarant plus souvent courir en mode plaisir et les hommes plus en mode compétition.
Même si la recherche apporte progressivement des éclairages scientifiques sur ces efforts de longue voire de très longue durée, il reste encore de multiples questionnements en particulier dans le domaine de l’entraînement.
Entraînement, fatigue, blessure et performance
C’est dans cette optique que Guillaume Millet s’est lancé en 2020 dans une nouvelle étude beaucoup plus observationnelle et à plus grande échelle. Le but est d’étudier les pratiques d’entraînement des coureurs et tenter de mettre en corrélation paramètres de l’entraînement, fatigue, blessures et bien entendu performances. « Trainimm 1 » est mis en place, mais la covid et ses multiples conséquences restrictives sur la pratique sportive rendent le protocole caduc. L’étude est mise en pause, mais pendant ces deux années l’équipe œuvre à l’amélioration des outils de recherche et de recueil des données.
Aujourd’hui, le projet est bien plus abouti. L’application TRAINIMM, développée et perfectionnée par Yann LeMat, est plus fonctionnelle et va permettre de faciliter grandement l’enregistrement de données, selon les chercheurs.
Depuis le printemps 2022, ces derniers recrutent un maximum de coureurs réguliers, de tout niveau, de toute spécialité (route, trail, montagne…) et les invitent à télécharger l’application. L’objectif est de recueillir un maximum de données sur les paramètres de leurs entraînements (kilomètrage, dénivelé, intensité), de leurs compétitions, de leur état de forme, de leur sommeil, de leurs blessures, etc.
Le traitement de ces milliers de lignes de data est automatisé. C’est aux chercheurs Guillaume Millet, Yann LeMat, Frédéric Sabater-Pastor et aux étudiants en master d’interpréter cette masse de données. Le but est donc de dégager des relations de cause à effet entre l’amélioration des performances en course à pied et des variables telles que le volume d’entraînement, la répartition de l’intensité de l’entraînement, la fatigue, la qualité et la durée du sommeil ou encore le stress quotidien.
Actuellement, peu d’informations sont établies scientifiquement sur ces sujets : une large étude « RUNSAFE » a été menée au Danemark en partenariat avec Garmin, mais, d’une part, les résultats n’ont pas encore été publiés et, d’autre part, cette analyse cherchait à établir le lien entre la pratique de la course à pied, les caractéristiques personnelles et le risque de blessures associé à cette pratique. Le paramètre amélioration des performances n’entrait pas en ligne de compte.
Comparaison route / trail
Suivant le panel des coureurs recrutés, d’autres sujets d’étude pourraient émerger comme la comparaison route / trail en particulier sur la question du coût énergétique de la course. Guillaume Millet a déjà initié des travaux en ce sens en faisant des tests avec les équipes de France de marathon et de trail et il aimerait bien creuser dans cette direction. Il espère recruter pas mal de spécialistes de route pour étayer son étude.
Au moment d’écrire ces lignes, plus de 1200 sportifs ont déjà rejoint le dispositif, mais il est encore possible d’augmenter le panel de l’étude scientifique.
Tout est gratuit et relativement peu contraignant, selon Guillaume Millet. « Cela demande quelques minutes au départ pour remplir son profil, connecter sa montre et remplir les questionnaires de santé, assure-t-il. Ensuite, il faut un peu d’attention pour suivre ses activités, en ajouter de nouvelles si elles ne sont pas enregistrées par le GPS (comme les séances de renforcement par exemple) et noter chacun des entraînements selon sa propre perception de l’effort (le RPE est un indice subjectif de la charge d’entraînement). Chaque week-end, un questionnaire sur son état de forme et de blessure est à compléter. »
Le recueil de toutes ces données devra courir sur une année complète pour avoir une évolution au fil des cycles de travail et des saisons.
En plus de la satisfaction de participer à la compréhension et à la progression de leur sport favori, les participants recevront régulièrement des statistiques individualisées et l’accès à des conférences en ligne.
Pour plus d’informations sur le projet Trainimm