La chance est grande pour que la première bottine portée par bébé appartienne déjà à la catégorie des « chaussures correctrices » et ceci sans l’accord éclairé du parent.
Ceci est encore plus vrai si votre enfant en est à ses premières activités de locomotion. Étonnant, n’est-ce pas? Pas tant si l’on considère que la majorité des chaussures pour enfants disponibles sur le marché sont fabriquées à partir de matériaux rigides, équipés de support d’arche plantaire et d’un talon surélevé.
Ce sont des caractéristiques censées « corriger », ou du moins prévenir, les muscles et la structure osseuse de futures malformations ou troubles d’ambulation.
Autrement dit, votre enfant est en santé, la croissance de ses membres inférieurs n’est pas terminée et des mesures sont prises pour le protéger de maux qui n’existent pas ou de particularités non problématiques.
Plus regrettable encore : ces technologies limitent la stimulation du pied, son libre développement et le renforcement de ses muscles.
Des effets non souhaitables en période de croissance
Avant même de remettre en questions quelques croyances bien ancrées, mais non basées sur des évidences scientifiques, mettons l’accent sur un point essentiel : la croissance de l’enfant n’est pas terminée avant la fin de son adolescence. Son corps continue de changer; les os s’allongent et changent de forme, les muscles se renforcent.
Tenter de prévenir l’apparition de défauts ou corriger la présence de ce qui semble un écart par rapport à une norme, à un modèle, est une entrave au cours normal de la croissance.
Il est bien démontré que le port de chaussures chez l’enfant a des effets sur la biomécanique qui sont similaires à ceux induits chez les adultes. Les principales conséquences observées sont le ralentissement de la cadence, la promotion de l’attaque talon, l’augmentation de la vitesse de force d’impact et l’augmentation de la consommation d’oxygène.
En regard de la science disponible, aucun de ces effets n’est souhaitable ou bénéfique au développement de l’enfant.
Pieds nus et chaussures minimalistes : recommandations d’experts
Les opinions d’experts sur le sujet semblent toutes (ou presque) en accord avec le principe que l’enfant devrait être pied nu le plus possible ou être chaussé de chaussures minimalistes le plus possible.
C’est ce que répètent depuis longtemps l’Association américaine de pédiatrie, l’Association de pédiatrie canadienne et l’Association médicale podiatrique canadienne.
Certains groupes, par ailleurs, semblent déconnectés de la science et basent leurs recommandations sur… on ne sait trop quoi. Il est grand temps que l’Union française pour la santé du pied renouvelle ses recommandations pour les enfants tout comme l’American Podiatric Medical Association, dont le biais commercial est flagrant et exposé sans gène.
Évidences scientifiques versus logique commerciale
Si vous rencontrez des sceptiques qui recommandent encore des chaussures d’enfants avec des caractéristiques farfelues, demandez-leur ce qui justifie une telle recommandation.
Ce sont eux qui ont le fardeau de la preuve de montrer que l’intervention – soit de mettre des grosses chaussures au pied d’un enfant en développement – est non nuisible ou souhaitable.
Vous apprendrez à nouveau qu’il n’y a aucune évidence ou même logique qui justifie cette pratique, autre que la promotion d’un commerce lucratif.
Les caractéristiques de la chaussure d’enfant
Longtemps, la chaussure d’enfant a été perçue par le consommateur, et promue par les professionnels de la santé, comme un outil pour favoriser le bon alignement des membres en croissance.
Les matériaux étaient fermes, le pied était solidement tenu dans une structure et même si elles n’étaient pas portées bien longtemps et qu’elles coûtaient une petite fortune, on s’interrogeait peu sur la valeur de cet investissement.
La science et les experts soutiennent aujourd’hui un tout autre discours. Quatre caractéristiques devraient orienter la décision lors de l’achat d’une chaussure d’enfant : confortable, flexible, légère et basse (près des sensations du sol).
Quels critères évaluer lors de l’achat ?
Le confort avant tout
En Amérique, une mode pas très éloignée de la tradition chinoise des pieds bandés a influencé le design de la chaussure pour enfants et adultes. En effet, le devant des souliers s’est arrondi et a gagné en étroitesse, si bien que la forme s’est éloignée de l’aspect naturel du pied pour confiner les orteils dans un espace exigu.
Notre première recommandation est donc la suivante : assurez-vous que la pantoufle, la bottine, la chaussure respectent la largeur du pied et permettent à l’enfant de bouger librement ses orteils sans être restreint par les parois, le bout ou le plafond.
Le pied ne doit pas être compressé et les orteils serrés les unes contre les autres.
Flexibilité des matériaux
Les chaussures pour enfants sont le plus souvent fabriquées de matériaux rigides. Les parois sont solides, la semelle est épaisse et raide et la cheville est maintenue par un support élevé et ferme.
La rigidité du soulier est sans lien avec sa résistance ou sa durabilité. Il s’agit ici de maintenir fermement le pied dans une structure afin de l’amener à réaliser correctement son action. Oui, vous avez bien lu, le but est de diriger un mouvement pourtant naturel et scientifiquement non reconnu comme problématique.
Notre deuxième recommandation va donc en ce sens : faites le choix d’une chaussure flexible et basse que vous pourrez plier et distordre.
Comme cela est vrai pour le corps en entier, des muscles dont on se sert peu n’ont pas la possibilité de se renforcer. Un pied en mouvement devient robuste et développe des muscles stabilisateurs forts, un pied figé devient faible et peut contribuer à une perte de mobilité.
Près des sensations du sol
Le talon qui s’allume de petites lumières à chacun des pas, bonne ou mauvaise idée?
Mauvaise si le derrière de la chaussure est réellement plus épais que le devant à cause de l’intégration de ces mini-lumières.
Le même centimètre d’élévation ajouté à la chaussure d’un adulte et d’un enfant a des effets bien différents sur ces derniers. Sur un soulier trois fois plus petit, l’importance du dénivelé entre le talon et la pointe s’accentue et nous nous approchons de ce qui équivaut à faire chausser des talons hauts à un enfant!
L’image est forte et montre à quel point il est illogique de proposer une telle élévation et pente à un pied menu.
De plus, à ce talon est souvent ajouté un petit coussin absorbant. Il s’agit d’une interférence entre le pied et le sol qui annulera bon nombre de sensations essentielles.
Couper le pied de sa sensibilité au sol, c’est l’empêcher d’adopter lui-même des mécanismes de protection intrinsèques et de modifier son appui en conséquence.
Notre troisième recommandation est donc de préférer une chaussure basse permettant de sentir le sol et de stimuler le pied. La différence de hauteur entre le devant et l’arrière du soulier doit être au plus bas.
Avec ou sans support d’arche?
Le design de la chaussure d’enfant est très semblable à celui des adultes et les courbes dessinées dans la semelle n’y font pas exception.
Si en glissant vos doigts dans la chaussure de votre tout petit, vous rencontrez une structure préformée avec une pente au milieu de la semelle, c’est qu’il y a bien présence d’un support d’arche.
En début de vie, un coussin de gras comblera l’arche de l’enfant. Ensuite, l’arche plantaire se structurera selon des facteurs d’abord génétiques, puis selon le degré de stimulation.
Notre dernière recommandation est donc la suivante : faites l’achat d’une chaussure dans lequel l’enfant est confortable et ne sent pas de points de pression exercés sous son pied. Toutefois, si la peur du pied plat persiste, sachez qu’il est très rare que ceux-ci soient la cause de douleurs ou de problèmes de déambulation… et qu’ils sont davantage observés chez des adultes ayant porté des chaussures rigides dès la petite enfance!
L’option la plus simple…
Rappelez-vous que la chaussure est avant tout une interface entre la peau du pied et le sol.
Des ballerines, des souliers d’eau, des gougounes (tongs) et certains modèles de sport remplissent leur rôle de protection sans trop intervenir dans la croissance.
Le modèle idéal se plie, se tord, est près des sensations du sol et ne pèse que très peu.
Si votre enfant peut aussi bouger ses orteils et qu’il est confortable, vous avez la paire parfaite! Encore mieux? S’il n’a pas fait ses premiers pas, des chaussons suffiront, mais s’il marche déjà et que le temps et le sol s’y prêtent, rien ne vaut le pied nu!
Ce texte a initialement été publié sur le site web de La Clinique du coureur et adapté par Distances+ dans le cadre d’un partenariat.