Photo de famille des Guerriers du Grand Raid, l’équipe de coureurs québécois, français, espagnols et suisses constituée par La Clinique du Coureur pour participer au Grand Raid de La Réunion 2019 – Photo : Nicolas Fréret
Une importante délégation d’ultra-traileurs constituée par La Clinique du Coureur est arrivée ces derniers jours sur l’île de La Réunion, dans l’océan Indien, pour participer à l’une des courses du mythique Grand Raid ; la Diagonale des fous (166 km, 9611 m D+), le Trail du Bourbon (112 km, 6468 m D+) ou la Mascareignes (66 km, 3509 m D+). Distances+ est sur place pour vivre cet événement unique.
Le fondateur de la Clinique du Coureur, Blaise Dubois, et Isabelle Dumais, sa partenaire de coeur et d’aventures, ont eu cette idée folle d’amener ici plusieurs des meilleurs athlètes du Québec. Entrevue dans l’hôtel où les Guerriers du Grand Raid ont posé leurs valises, à Saint-Gilles-les-Bains, une ville balnéaire de l’ouest de l’île, à mi-chemin entre le village de départ à Saint-Pierre, au Sud, et la ligne d’arrivée à Saint-Denis, au Nord.
Comment a commencé cette aventure?
Blaise : J’étais venu sur l’île de à La Réunion pour donner des cours lors du Grand Raid il y a deux ans. On en a profité avec Isabelle pour s’offrir des vacances. On s’est promenés un peu partout et dans le cirque de Mafate, on a eu un coup de coeur. À cet endroit, la nature est phénoménale. D’ailleurs, pour moi, les plus beaux sentiers au monde se trouvent sur l’île de La Réunion. Dans le cirque, j’ai dit à Isabelle : « Il faut qu’on se monte une équipe pour faire vivre ça à d’autres, notamment des Québécois qui n’ont jamais vu ça, parce que c’est à l’autre bout du monde.
Toi, Isabelle, qui es habituée à l’hyperactivité de Blaise, tu as réagi comment?
Isabelle : Sur le moment, je me suis dit : « encore une idée complètement farfelue, encore un truc immense qui n’a pas de bon sens. Mais comme toutes les idées de Blaise, ça se met en branle et, finalement, aujourd’hui, on y est.
Tu n’y croyais pas?
Isabelle : Il m’a fallu du temps avant que je me laisse convaincre. J’ai tendance à être la casse-pied, celle qui voit les problèmes quand il y a des gros projets. Il faut compter que ce sont des coûts assez astronomiques pour tout le monde, donc, là, moi, je me disais : « qui est prêt à mettre tout cet argent-là, à venir ici à La Réunion pendant autant de temps? » Mais les gens qui ont exprimé leur intérêt dès le départ étaient en fait vraiment intéressés. La plupart sont là avec nous à La Réunion.
Est-ce que le projet a été lancé dès votre retour au Québec à l’époque, donc en 2017?
Blaise : Pas immédiatement, non, parce que La Clinique du Coureur, c’est une entreprise affranchie, libérée, c’est-à-dire sans hiérarchie. Il n’y a personne qui décide seul. On se fait des réunions, on discute de certains projets et ce projet-là a été mis sur la table. On se disait qu’on pouvait se fixer 2019 pour fédérer l’ensemble de nos ambassadeurs pour aller faire le Grand Raid. On en a appelé quelques-uns, dont Florent Bouguin, qui est Réunionnais d’origine, et tous nous ont dit : « Ok, on est partant, let’s go, on y va! » Donc on a commencé à travailler sur le projet, on a décidé qu’on s’appellerait Les Guerriers du Grand Raid, on a eu l’idée de faire un film, etc. On a monté toute une équipe de gens passionnés qui avaient envie de vivre cette aventure.
Ce qu’il faut préciser, c’est qu’il n’y a pas que des Québécois dans les Guerriers du Grand Raid…
Blaise : La Clinique du Coureur a des ambassadeurs, des athlètes qui partagent nos valeurs et qui rayonnent un peu partout dans le monde, donc on a beaucoup de Québécois avec nous, naturellement, mais on a aussi des Français, des Espagnols, un Suisse. Après, on s’est dit qu’en dehors de nos élites qui vont aller là-bas pour un peu performer, bah il y a plein de gens chers à nos yeux qui ont envie de cette aventure-là, donc on les a conviés à se greffer au noyau d’ambassadeurs.
La plupart des élites sont arrivés près de deux semaines avant la course, les autres les ont rejoints un peu plus tard. À quelques jours de l’événement, comment ça se passe?
Isabelle : Pour l’instant, ça va vraiment bien. Les gens sont heureux d’être ici, vraiment. Il y a une excellente ambiance. Certains nous disent « merci de nous faire vivre ce rêve-là ». C’est sûr que c’est difficile dans notre position d’être malheureux ici.
Blaise : Moi, je vais courir la Mascareignes, mais je suis aussi venu ici pour enseigner. Je me suis entraîné à travers tout ça, mais ce qui me rend le plus heureux, c’est de voir que les gens en profitent au maximum. La course n’est pas une fin en soi. C’est un objectif que plusieurs ont, mais après ça, ce qui compte, c’est de découvrir le pays ici, partir en groupe en bus, aller dans la montagne, aller au marché, aller s’entraîner ensemble, aller nager dans le lagon… Ça doit aussi être des vacances. Même pour ceux qui travaillent, comme moi, c’est vraiment cool.
C’est sans doute la première fois qu’autant d’athlètes élites, parmi les meilleurs au Québec notamment, se retrouvent pendant une semaine ou deux ensemble, s’entraînent ensemble, reconnaissent les sentiers ensemble, à se soutenir, sans trop de compétition…
Blaise : Oui, et ce qui est bien aussi c’est que tu as beau être un athlète élite, un athlète d’exception au Québec, quand tu arrives au Maïdo (le piton rocheux qui domine le cirque de Mafate), tu n’es qu’un petit bonhomme sur le Maïdo. Tu as un mur de 1500 m de dénivelé en avant de toi.
Isabelle : C’est vrai que tu ne t’en vas pas faire un demi-marathon. Tu t’en vas dans une aventure où tout peut arriver et, en découvrant le terrain, tous les coureurs se disent : « ouais, ok, c’est costaud! »
Blaise : Je pense que nos athlètes sont tous très respectueux de la course en tant que telle. On s’appelle les « Guerriers du Grand Raid », on a monté un petit truc, on a chacun nos chandails, mais quand on va sur le terrain, quand on voit ce qui nous attend, en fin de compte, il y a une humilité et un respect automatique. On s’embarque sur quelque chose qui va être plus grand que tout ce qu’on a vécu jusqu’à maintenant.
Il y a des Guerriers sur toutes les courses, quel est le dispositif prévu pour l’assistance pendant la course?
Blaise : On a la chance de connaître beaucoup de monde sur l’île de La Réunion, notamment des physiothérapeutes, des podologues et des personnes qui peuvent nous aider pour le suivi, et on a fait une entente avec l’armée française qui va monter des ravitos indépendants sur les courses. Autrement dit, toute notre équipe va bénéficier des ravitaillements ˝high class˝ de l’armée, avec des bénévoles qui vont s’occuper juste de nous. On a toute une équipe de soutien comme des pros, pas seulement les élites, toute la ˝team˝.
Quel est l’objectif que vous avez fixé aux coureurs?
Blaise : L’équipe masculine sur le Grand Raid a la possibilité de faire un podium par équipe. Le calcul se fait sur les trois meilleurs de chaque équipe au classement général. On a des athlètes qui sont de haut niveau, comme Jean-François Cauchon, Johan Trimaille, David Jeker, etc. Par contre, je l’ai dit et je vais le répéter, les athlètes n’ont aucune pression par rapport à La Clinique du Coureur pour faire une performance ici. Il faut qu’ils soient capables d’avoir du plaisir pendant leur course. Si jamais ils veulent abandonner, ils abandonneront et ce ne sera pas grave. On n’a aucun objectif précis, par contre, avec le niveau qu’on a sur la quarantaine d’athlètes qu’on a amené à La Réunion, il y a des chances que l’on fasse bien sur plusieurs courses, donc peut-être que certains ou certaines vont faire des podiums. On ne s’attend pas à une performance de chacun, mais on va les prendre quand elles vont arriver.
Qui va briller ici?
D’abord, Diego Pazos, un ambassadeur de La Clinique du Coureur en Suisse, parce qu’il est très très fort (il a fini 2e de l’Ultra-Trail de l’île de Madère au printemps derrière François D’Haene), il qu’il a déjà fait 4e à la Diagonale. On a aussi bien évidemment Jeff Cauchon qui est un métronome. On avait aussi Mathieu Blanchard, capable de faire un podium, mais malheureusement il a déclaré forfait. Ces deux gars-là peuvent viser un top 10, voire s’approcher du podium. Alors, bien évidemment il y a beaucoup d’incertitudes dans un ultra-trail de ce type, avec la chaleur, la technicité, la distance… et c’est difficile de se projeter. Sinon, il y a des gars solides derrière, Johan Trimaille, David Jeker et toute une garde qui suit, des gars qui vont quand même rouler fort comme Sébastien Champion, Yanick Normandeau, Lee-Manuel Gagnon. Il peut tout se passer, mais je pense bien que certains vont sortir du lot. Et puis, évidemment, il y a aussi Florent Bouguin, qui espère passer la ligne d’arrivée en dessous de 30 h (dans le top 25 sur la base des résultats de 2018). Il est né à La Réunion, il connaît le terrain par coeur.
Chez les femmes, on a quand même la championne canadienne d’ultra-trail Anne Champagne sur le Trail du Bourbon et aussi Élisabeth Cauchon qui est très forte. Sur la Mascareignes, il y a Claudine Soucie et Hélène Michaux, entre autres.
Isabelle : Je pense que Jeff Cauchon va faire une super performance. Il est fort mentalement, il est crinqué, il est en forme. C’est l’un des seuls qui n’a pas de bobo. Je pense qu’il peut vraiment faire quelque chose de bon. Chez les femmes, je pense qu’Anne (Champagne) est très en forme, mais elle tombe beaucoup dans les trails, alors il va falloir qu’elle fasse attention.
Qu’est-ce qu’il va se passer après les courses?
Blaise : On va forcément lever le verre de champagne pour ceux qui auront eu une belle réussite personnelle…
Isabelle : Et consoler ceux qui seront déçus, parce que ça va arriver. Sur 40 personnes, c’est sûr qu’il va arriver des trucs…
Est-ce que c’est le premier événement du genre?
Isabelle et Blaise en choeur: Oui et peut-être pas le dernier! Les Guerriers du Grand Raid pourront devenir les Guerriers d’une autre course.
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L’auteur de cet article est l’invité du Grand Raid de La Réunion.