Ultra ordinaire : Joan Roch nous fait vivre sa vie d’ultramarathonien

Pendant quelques années, Joan Roch a raconté sa vie de coureur sur son blogue et sur Instagram. Il a ramassé tout ce matériel, réécrit certains passages et fait un patient travail d’agencement entre l’image et le texte pour produire Ultra ordinaire.

Est-il si ultra ordinaire que ça, Joan Roch? Lui qui se rendait au travail, et en revenait, tous les jours, à la course? Lui qui a participé à six ultras en 2015, dont une course en solo entre Québec et Montréal?

« Ordinaire, c’est pour illustrer que j’ai une vie normale. Ce n’est pas péjoratif. Je suis juste un employé, un père de famille, je n’ai pas de temps, comme tout le monde. J’ai trouvé une solution pour courir malgré les contraintes de la vie », dit-il.

Le résultat, lui, n’est pas ordinaire. Il contient les récits de 16 ultramarathons (d’où l’« ultra » du titre) courus à travers le Québec, les États-Unis et l’Europe. Il passe aussi par la Martinique et se conclut à La Réunion, où Joan a fait la fameuse Diagonale des fous fin octobre 2015.

Le livre contient également des textes thématiques, où Joan parle autant de ses chaussures que de son alimentation ou encore de ce qui lui passe par la tête lorsqu’il court.

« Ce n’est pas un livre d’entraînement », tient-il à préciser. Le sous-titre l’indique d’ailleurs très bien : c’est le journal d’un coureur.

Grandir par la course

« Éditer tous mes textes publiés au fil des années, ça m’a permis de faire une récapitulation de tout ce que la course m’a apporté. Ça me permet de voir tout le chemin que j’ai parcouru », dit Joan. Et surtout, de constater son évolution. « Tous ceux qui ont déjà lu le livre détectent cette évolution au fur et à mesure que le livre avance. »

On sent effectivement à travers le texte à quel point Joan a repoussé peu à peu ses limites physiques. « Pour moi, c’était de la pure curiosité, pas du masochisme », assure-t-il. Il n’a toujours pas atteint ses limites. « Je commence à douter qu’elles existent! ».

Joan a aussi trouvé sa voix littéraire. Car c’est une plume d’écrivain que l’on lit au fil des pages. Si les récits de course pullulent sur le web, ceux de Joan se distinguent par une qualité d’écriture rare.

« Le style, je l’ai trouvé graduellement. Mon premier texte de blogue n’était pas très intéressant », dit Joan. Un texte en particulier, portant sur les insultes et les compliments qu’il reçoit lorsqu’il court, a tout changé. « Je me suis amusé à l’écrire. J’ai eu un déclic, j’avais trouvé mon style. Quand je l’ai publié, ce texte a explosé toutes les statistiques de mon blogue. Il a été partagé par des tonnes de personnes que je ne connaissais pas. Alors, non seulement j’ai eu du plaisir à l’écrire, mais en plus il a eu du succès. »

« Il faut raconter une histoire. J’essaie de trouver un angle. On ne peut pas raconter tout ce qui se passe en 40 heures de course lors d’un ultramarathon. Je trouve un thème et je brode autour de ce thème. J’aime que l’histoire se tienne. »

Une abondance de photos

L’histoire, elle se raconte aussi par le visuel. Lorsqu’il parcourt les quelque 10 km qui le séparent de la maison et du boulot, Joan prend une multitude de photos qu’il partage sur Instagram.

« Je ne pensais jamais que ça aboutirait dans un livre », dit-il. L’effet est frappant. Il y a des photos à toutes les pages. Il y a les photos montréalaises, où se mêlent canicule et tempêtes de neige, ainsi que les photos prises par d’autres photographes lors de ses courses. L’ensemble fait voyager.

« Lorsque je feuillette le livre, je me souviens de tout ce qu’il y a derrière ces photos. Par exemple, j’étais sur le pont Jacques-Cartier en plein milieu de l’hiver, j’en avais marre du froid. J’avais de la glace dans la barbe et la moustache… Ça s’est ramassé sur la page couverture du livre! »

Faire comprendre l’ultramarathon

S’il a fait ce livre pour le simple plaisir de réaliser un projet de plus lié à son expérience de la course, Joan se rend compte aujourd’hui qu’il peut aider les ultramarathoniens à faire comprendre leur passion des longues courses.

« Je pense que les gens qui ont de la misère à exprimer à leurs proches pourquoi ils font des ultras, et ce qu’ils ressentent pendant qu’ils les font, pourront donner ce livre et dire : voilà, c’est ça que je vis! », dit  Joan.

Ce que tout coureur connaît, c’est la fierté de terminer une course. La publication de ce livre ressemble à un autre bel ultra pour Joan. La fierté l’accompagne.


Ultra ordinaire, journal d’un coureur, publié aux Éditions de l’homme, 29,95$, 256 pages