Avec Vivre et courir, Emelie Forsberg signe une belle déclaration d’amour à la vie. Sans prétention, avec humilité, la célèbre ultra-marathonienne en sentier livre des parcelles de ce qui la rend heureuse, et nous donne une envie folle de respirer le moment présent.
Pour ceux qui la connaissent moins bien, rappelons qu’Emelie Forsberg est une championne suédoise de trail, de skyrunning et de ski alpinisme. La jeune femme de 31 ans a remporté plusieurs grandes courses internationales, telles que le Marathon du Mont-Blanc ou encore la Transvulcania. Elle connaît un grand succès sur les réseaux sociaux.
On dépose son bel ouvrage, publié plus tôt cette année, avec une certaine paix intérieure. « Je voulais un livre sur la vie », écrit-elle en introduction. Pas une autobiographie. Pas un essai. Pas un guide d’entraînement.
Ce qui en ressort relève plutôt du carnet de réflexion, que l’on peut lire d’une couverture à l’autre, ou bien par petites tranches en l’ouvrant ici et là. Il contient une quinzaine de recettes végétariennes, des suggestions d’exercices pour renforcer la masse musculaire ou ses capacités aérobiques et plusieurs pages montrant des poses de yoga.
Il est aussi rempli, à chaque page, de formidables photographies de son ultra-célèbre conjoint, Kilian Jornet. Il a l’oeil, le champion de trail et de ski alpinisme. Il photographie les paysages dans leur immensité avec une belle sensibilité.
Vivre et courir, ce sont surtout de délicieuses réflexions sur la richesse et la beauté d’une vie simple, tournée vers l’écoute de son corps et de ses intuitions, des odeurs de la terre et des bruits de la forêt.
Il y a définitivement de la bohème dans la vie de la championne suédoise et de son compagnon de vie, à l’image de ce passage dédié à la « van life » du couple, lors d’un voyage au Colorado. « Cette vie simple aide à prendre conscience de ce qui compte vraiment : avoir suffisamment chaud, manger à sa faim et faire ce qu’on aime. »
Bohème de toutes les façons. Si Forsberg ne dit pas trente fois dans le livre qu’elle aime la simplicité, les choses simples, la vie telle qu’elle est, elle ne le dit pas une fois. Elle se remémore ces étés passés à ne rien faire chez ses grands-parents, à admirer le paysage, avec son chien.
Son aspiration à la simplicité, on sent bien que c’est un désir de connexion direct et concret avec la nature. Ce n’est pas pour rien qu’elle aime se mettre les mains dans la terre et cultiver son potager. Elle aurait aimé être agricultrice, vivre en autarcie, de sa propre production. Elle y trouve sa sécurité, raconte-t-elle.
Le plaisir de courir
De course, il en est finalement peu question, mais tout de même, Forsberg relate d’entrée de jeu cette compétition dans les Dolomites qui a tout changé pour elle, puisqu’elle y remporte sa première victoire importante. Tout au long de la rude montée, et de l’horrible descente, il semble qu’elle n’ait eu que du plaisir, sans effort. Ou est-ce parce que l’effort lui procure du plaisir?
La réponse vient à la page suivante : « Cours souvent, cours loin, cours moins, cours vite, cours lentement, mais ne cours jamais sans le plaisir », écrit-elle.
Car courir a toujours été la grande passion d’Emelie Forsberg, affirme-t-elle. La montagne aussi. Lorsqu’elle choisit de devenir une professionnelle de la course, au détriment d’une carrière universitaire en biologie, elle se jure que si son nouveau métier vient interférer avec son amour pour la course et la montagne, elle le quittera.
« Ma motivation a toujours été d’apprécier ma vie quotidienne. Et cela a toujours signifié (…) courir avec liberté. Devenir la meilleure athlète possible est une étape secondaire », précise Emelie dans l’un de ces petits textes qui émaillent son livre.
Les épreuves
À la Diagonale des fous, le plaisir est tombé en pleine course, d’un coup sec. Après 20 heures de compétition, elle a décidé de jeter l’éponge, trop fatiguée et en pleine rumination de pensées noires. « Je me suis trouvée face au mur sans même le regarder comme tel, sans même le voir! »
Après un moment de repos, elle s’est rendu compte que tout allait bien en vérité, que ce « mur » n’était qu’un « brouillard ». « Je crois que nos limites sont comme le brouillard : si on l’affronte, on réalise que ce n’est rien que de l’air, un obstacle éphémère. »
Il reste que certaines limites sont parfois infranchissables. Et Forsberg le raconte bien. À la suite de sa grosse blessure lors des Championnats du monde de ski alpinisme, dans un claquement sec qui l’a renversé sur le dos, elle s’est déchiré les ligaments croisés du genou. Pour une athlète qui ne vit et respire que pour la course, c’est une blessure qui touche presque au sens de la vie.
« Je n’avais plus rien. Mes objectifs, mon travail, ma passion, mon quotidien, tout était parti. Et avec la perte, vint l’incertitude. (…) J’étais en colère. »
« Il est essentiel d’avoir d’autres centres d’intérêt dans la vie », apprend-elle à son corps défendant. Forsberg se tourne résolument vers l’agriculture et démarre son désormais célèbre compte Instagram Moon Valley Small Farming. Elle étudie un peu plus le corps humain, l’anatomie.
C’est ce genre de petit récit, assez court, bien écrit, sans lourdeur, qui compose Vivre et courir. On sent que la jeune femme, loin d’être fragile, mais sensible, aspire au bonheur. Et sa recette est universelle : apprécier ce que l’on a, aimer le quotidien, et surtout, courir dans la nature.
Inspirant.
Le livre Vivre et courir est la première publication des Éditions Mons, propriété des frères Alexis et Frédéric Berg, bien connus dans l’univers du trail. Alexis est photographe et journaliste, Frédéric est journaliste et ultramarathonien. Ils ont réalisé ensemble le livre Grand Trail. On peut commander Vivre et courir sur le site web des Éditions Mons. La livraison est sans frais pour le Québec.