Quelle que soit votre bibliothèque du coureur, il va falloir faire de la place pour un nouveau venu. Le deuxième tome du livre Courir mieux de Jean-François Harvey est de ces ouvrages qu’on peut picorer pendant des années sans jamais en faire le tour. Distances+ a rencontré son auteur, persuadé qu’il y a encore de la matière pour d’autres volumes.
« Le livre aurait pu s’appeler Mieux faire du sport, car il n’est pas seulement ici question de course », avance le kinésiologue et ostéopathe bien connu Jean-François Harvey. Effectivement, dans ce nouvel opus, la suite du best-seller Courir mieux, il explore toutes les sphères satellites qui gravitent autour de la course et montre comment les conquérir ou s’en approcher, simplement pour mieux en profiter.
C’est aussi une sorte d’hymne à la joie de pratiquer un sport accessible. Voici des éléments du livre discutés avec l’auteur, qui pèsent lourd dans un mode de vie axé sur la course à pied.
Génétique : le plafond de verre existe
À lire les motivateurs en chef, rien n’est impossible pour quiconque enlève le mot « doute » de son dictionnaire personnel. L’auteur de Courir mieux place le progrès individuel au coeur de sa doctrine, mais ne nie pas les limites génétiques.
« Les gènes déterminent à peu près 50 % de notre potentiel physique, explique-t-il. Ils constituent une sorte de ˝champs˝. La clé, ensuite, est la manière dont on le laboure. Notre morphologie, par exemple, fait en sorte que quelqu’un avec des os plus massifs et qui a plus de matière graisseuse pourra courir un ultra-trail s’il s’entraîne, mais cela prendra plus de temps. »
« La grande majorité des gens sont très loin de leurs limites », assure-t-il.
Se forcer? Pas forcément…
Qui n’a jamais comparé les performances d’un ami, fraîchement publiées sur les réseaux sociaux, aux siennes? Et ne s’est jamais senti bien paresseux au vu de ses prouesses?
Pourtant, le spécialiste l’affirme : s’entraîner toujours plus dur et plus fort est contre-productif. « Les dernières années ont montré qu’on pouvait avoir plus de réussite en faisant de l’entraînement polarisé », constate-t-il.
Ce type de programme pourrait être résumé ainsi : 80 % d’entraînement à basse intensité, et 20 % à haute intensité. « La majorité des coureurs éprouvent de la difficulté à s’entraîner de manière facile, à ne pas aller loin dans l’effort, ce qui fait que leur sas d’entraînement est limité. La mentalité du ˝no pain no gain˝ fait mal. »
Il faut aussi faire de l’entraînement facile, répète l’auteur, même si les coureurs croient que ce n’est pas payant. « En s’entraînant à rythme modéré, l’effort dure plus longtemps et on garde de l’énergie pour aller dans le dur. Sinon, la motivation peut s’en aller, elle, à vive allure. »
Manger : soustraire les suppléments
Jean-François Harvey ne jette pas les suppléments à la poubelle, mais il invite chacun à mieux les connaître. « Les gens ont tout avalé sur les compléments alimentaires et les superaliments, mais beaucoup d’études montrent que dans les vrais aliments, il y a une synergie entre leurs composants qui les rend bien meilleurs pour le corps, explique-t-il. Sur une cerise, il n’est pas indiqué que c’est un excellent antioxydant, pourtant, c’est le cas. »
Courir en méditant
L’ouvrage est une somme de savoirs des plus digestes. Mais comment parvenir à courir l’esprit libre si l’on pense à chaque instant au déroulé de son pied ou à caler son souffle sur les foulées? N’est-ce pas contre-productif d’asséner tant de conseils?
« Les coureurs ont besoin de nourrir leur esprit pour conserver leur motivation, dit l’ostéopathe. Ce que je souhaite transmettre, ça s’intègre bouchée par bouchée. Des fois par exemple, je pense à relâcher ma mâchoire en courant, puis je n’y pense plus. Je me fais un autoscan, rien de plus. On peut tout à fait méditer en courant, l’intégrer à la course. L’activité se prête à focaliser son attention sur le moment présent : je l’ai utilisé il y a quelques jours lors d’une grosse sortie, quand il faisait très chaud. Elle permet d’expérimenter d’autres sensations. »
Ode au coureur
Cet ouvrage est une petite encyclopédie en soi, mais aussi une ode aux coureurs et un hymne à la joie de courir. C’est un sport paradoxal, puisqu’il est accessible, mais pas si simple que cela, malgré ses apparences.
Il est « bon pour la santé mentale, quand il n’est pas pratiqué de manière excessive », rappelle Jean-François Harvey. « Je lisais une étude l’autre jour, qui montrait que parmi les sportifs d’élite en France, un sur deux était bigorexique [un trouble psychologique caractérisé par une dépendance à l’activité physique, NDLR]. Quand la passion déséquilibre la vie personnelle, ce n’est plus le plaisir qui compte. »
Un petit dernier conseil? « Arrêtez de vous prendre la tête avec les chaussures. C’est le coureur qui compte, pas les souliers. »
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