Défi Everest : à chacun son plus haut sommet du monde

7e édition du Défi Everest

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Défi Everest au pied de la côte Saint-Pierre à Rivière-du-Loup - Photo : courtoisie

On pourrait croire, en entendant le nom du défi qu’il a créé, que l’ancien alpiniste Yvan L’Heureux prépare une ascension du mythique mont Everest, le plus haut sommet au monde (8848 m) dans la chaîne de l’Himalaya. Mais non, c’est bien au Québec, du côté de Rivière-du-Loup, Rimouski, Sherbrooke, La Pocatière et Témiscouata-sur-le-Lac, que ça se passe. Que ça se grimpe!

L’objectif du Défi Everest est de prendre la main et d’aider les personnes sédentaires à se remettre en forme, tout en levant des fonds pour des organismes locaux.

C’est la septième édition cette année de cet événement qui ne cesse de croître, pour le plus grand bonheur d’Yvan, qui avait pris 10 mois de congé de son travail en clinique d’acupuncture pour se consacrer entièrement au développement de son beau projet. Malgré cela, il ne fournit pas à la demande, ce qui est un beau problème, il est le premier à le reconnaître.

Gravir sa grosse côte

Des participants heureux de se mettre en mouvement - Photo courtoisie
Des participants heureux de se mettre en mouvement – Photo : courtoisie

Ce n’est pas le public traditionnel de la course à pied qui s’approprie le Défi Everest, mais une communauté bien plus large incluant monsieur et madame Tout-le-monde, les organismes caritatifs locaux, ainsi que les municipalités, explique-t-il, ravi, à Distances+. Les personnes ciblées sont majoritairement sédentaires, à qui l’on propose une formule de remise en forme très originale à travers ce qu’Yvan L’Heureux, adepte de l’ultra-endurance à pied, appelle le dénivelé urbain. Concrètement, il s’agit de gravir une bonne côte dans sa ville. Une fois semaines, ces personnes se retrouvent, ensemble, devant leur grosse côte.

Yvan est particulièrement fier de l’originalité de son concept, qu’il a voulu multiple. « Il faut que ça fasse un WOW quand on organise un défi, dit-il. La côte Saint-Pierre à Rivière-du-Loup, où nous avons débuté, c’est 18 %. Une bonne côte. Les gens voient ça, et ils s’exclament «t’es malade!» C’est ça qu’on veut. Les gens partent en pensant faire deux ou trois ascensions, mais au final ils en font plus, car c’est un vrai happening social ».

Avec son équipe de bénévoles, Yvan L’Heureux met les gens en forme un peu malgré eux, car ils s’amusent tant qu’ils ne se rendent pas compte que c’est du travail de grimper ces routes pentues.

« À Rivière-du-Loup, ça varie, mais il y a souvent une centaine de personnes par soir », s’enthousiasme-t-il. Même chose à La Pocatière, où l’événement vient de s’établir. « Avec le vent et le froid, il y a quand même eu 70 personnes, et il y a même des gens qui y vont un soir alternatif, car ils trouvent qu’il y a trop de gens. Ils se sont approprié la côte qu’autrefois ils trouvaient trop tough. Ils arrivent en haut, admirent le panorama, le coucher du soleil, et sont touchés. C’est ce qu’on veut. »

Collectes de fonds personnalisées

La deuxième particularité du projet, c’est que les participants font en même temps une collecte de fonds au profit de l’organisme de leur choix. C’était l’idée de Régis Malenfant 82 ans, qui au cours de sa vie a été président de plus de cent organismes au Québec. « C’est un monument dans l’âme ici. Ça fait 65 ans qu’il fait ça, s’émerveille Yvan. Nous lui avons demandé de se joindre à nous, il a dit oui, et il a proposé ce concept novateur, d’amasser de l’argent pour tout le monde, mais pas pour nous. Méchant concept! Mais la sauce a pris, ça a fonctionné. »

Le jour de l’événement, chaque dollar amassé est remis à un organisme au choix du participant et, typiquement, l’argent est « investi » localement. Dans les mots de Régis Malenfant, cela permet de redonner de l’oxygène à des organisations souvent précaires.

« Le don orienté ça fait partie du brand, réitère Yvan l’Heureux. On en est super fier. C’est ce qui fait que les gens se l’approprient. Ce n’est pas comme un défi qui vient et qui repart avec l’argent. Non, l’argent reste chez vous. C’est ça qui intéresse les villes, car c’est un financement récurrent. »

Le Défi Everest est implanté dans six villes du Québec

La marée mauve du Défi Everest - Photo courtoisie
La marée mauve du Défi Everest – Photo : courtoisie

Les villes s’y intéressent tellement d’ailleurs, selon Yvan, qu’il est obligé de refuser les demandes pour cette année.

L’épreuve se déroulera en septembre et octobre prochain dans six municipalités – mais la préparation débute en ce moment -, chacune adaptant le tout à sa réalité. À Sherbrooke, par exemple, pour éviter que les gens n’aient à prendre leur voiture, le rendez-vous est donné au pied de cinq côtes différentes de sein de la ville.

Le jour du Défi, plusieurs formules sont proposées. L’idée de base reste de gravir les côtes autant de fois que nécessaires pour se bâtir un Everest. Sur la côte Saint-Pierre de Rivière-du-Loup, cela représente 64 m de D+ sur 500 m à parcourir à maintes reprises.

Yvan parle d’un exploit à échelle humaine qui crée des liens parmi les membres d’une même équipe variant entre trois et vingt personnes, dépendamment de leur niveau de forme. Chaque personne fait ce qu’elle peut. L’événement peut également être effectué en solo. Et il y a une version la nuit pour les ados, et même une version « sherpa » où la côte est gravie un sac de sable sur le dos. Notons qu’à 82 ans, Régis Malenfant a fait la montée 90 fois!

« Ça s’est fait copier ailleurs sans jamais fonctionner, poursuit-il. Plus de 6000 personnes y ont pris part en 6 ans, dont plus de la moitié des moins de 18 ans, ce qui est particulièrement important puisque quand un jeune s’implique, ça implique aussi un adulte. Il y a aussi une majorité de femmes. Il y a là des personnes avec des poussettes, des personnes plus âgées, des personnes qui viennent s’entraîner, mais sans prendre part au défi lui-même, juste pour se remettre en forme ».

Rien qu’à Rivière-du-Loup, le Défi Everest a récolté 752 000 $ qui ont été redistribués à 231 organismes depuis la première édition.

Le défi altruiste et humaniste d’Yvan L’Heureux

Après le suicide de son frère en 2008, Yvan avait cherché « un moyen d’aider les gens en détresse, en difficulté, en cheminement, en reprise en main, confie-t-il. Ce n’est pas possible d’aider tout le monde et nos moyens sont limités comme individu. Cela dit, permettre de financer plein d’organismes qui viennent en aide aux jeunes et moins jeunes, qui connaissent bien les besoins et le milieux, c’était la solution. C’est pourquoi le Défi Everest vise à redonner de l’espoir, à permettre l’éveil de chacun à son potentiel et à son côté ensoleillé de la vie. Que chacun par un pas, un don, une aide fasse la différence pour la société de demain. »

Quand il est question de son événement, Yvan L’Heureux n’aime pas tirer la couverture vers lui, et que l’on s’attarde sur ses réalisations en tant qu’athlète. « Nous faisons des courses souvent dans un but un peu, sans être péjoratif «égoïste». Moi, c’est ma soupape, mon moyen de ventiler des souffrances morales. Je ne vise jamais à gagner ou à être devant. Ce sont des aventures humaines, avec des humain(e)s magnifiques. Il m’est arrivé d’arrêter sur course pendant plus de 24 heures pour traiter des gens, puis de repartir. C’est ça la grande roue de la vie, donner au suivant… »

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