Caroline Côté – Photo : Jay Kolsch
Courir en pleine toundra, à plus de 1600 km au nord de Montréal, pour réaliser un documentaire, voilà le projet singulier que la cinéaste d’aventure et ultramarathonienne, Caroline Coté, va entreprendre dans quelques semaines avec trois autres femmes.
Son projet a pour nom Qamaniq, ce qui signifie en inuit : le point où la rivière s’élargit. « Le but est d’aller à la rencontre des peuples de l’extrême Nord-du-Québec, explique-t-elle. S’immerger dans leur territoire, ça va nous aider à mieux comprendre leurs valeurs et leur façon de vivre. »
Une aventure avant tout humaine
Le projet, qui débutera en août prochain, comprend notamment l’ascension du plus haut sommet du Québec, le mont Iberville (1646 m). Mais l’aspect sportif du voyage demeure somme toute secondaire. « Je veux raconter une histoire et non pas juste dire “on a couru telle distance“, explique Caroline. La distance qu’on court dans le parc de Kuururjuaq n’est pas incroyable, c’est 100 km en 5 jours. À la limite, la course est symbolique. »
L’histoire n’est pas banale. « On va courir dans ce parc protégé à la rencontre de cet environnement particulier et on va aller à la rencontre des femmes inuites, notamment dans le village de Kangiqsualujjuaq », dit-elle sans manquer une seule syllabe. « Ma motivation, c’est de faire parler des filles dans des environnements qui sont différents du mien. Pour moi, c’est ce qui est important. »
Une invitée surprise
Ce sont donc quatre coureuses qui s’embarquent dans cette aventure qu’a imaginée Caroline. « Deux des filles, Maryse Paquette et Pascale Vézina, font partie de l’organisme Les Chèvres de montagne, qui fait la promotion du plein air chez les filles », dit-elle.
La troisième fille est Inuk et elle s’est jointe au projet à la dernière minute. Étrange coïncidence : « Elle se nomme Charlotte Qamaniq. C’est vraiment son nom! dit Caroline. Ce n’est pas une coureuse à la base, mais c’est une fille qui aime relever des défis. Elle a traversé le Canada à la marche pour sensibiliser les gens au suicide dans les communautés autochtones », explique la cinéaste.
« J’avais besoin d’une chanteuse de gorge pour le projet. Quand je l’ai rencontrée, je me suis dit ‘’Pourquoi ne pas l’intégrer au projet?’’ ».
Courir et filmer en même temps
C’est une aventure qui se fera en autonomie complète, explique Caroline. « On devra transporter notre bouffe, les tentes et tout ce qu’il faut pour filmer. Des gros sacs à dos avec tout notre matériel dedans. »
Elle compte réaliser son film avec les moyens du bord. « L’idée est d’avoir du matériel pas trop lourd. On se passe même du trépied. » Elle devra également jouer plusieurs rôles, dont celui de la réalisation et de la caméra en même temps. « Matt Charland, un caméraman très connu dans le milieu, va également participer à l’aventure », dit-elle avec enthousiasme.
Une portion de la course se fera en collaboration avec les gens du parc national de Kuururjuaq. « Ce sont des Inuits qui vont faire une partie du chemin avec nous. Ça prend souvent un guide pour la sécurité, à cause des ours polaires », explique Caroline.
Car l’imprévu sera assurément au rendez-vous. « Pour bien se préparer, on se fait des scénarios en équipe. On veut éviter les choses qui peuvent être évitées. Pour le reste, il faut savoir comment travailler en équipe pour résoudre les incidents, précise Caroline. Si une fille se foule la cheville à 50 km du point d’entrée, il faut savoir comment gérer ça. »
Un montage éclair
Caroline sera également responsable du montage du documentaire. « Il sera envoyé dans des festivals comme Trails In Motion et le Festival du film de montagne de Banff », en espérant qu’il soit sélectionné, dit l’aventurière. « On veut que ça soit très fort, très poignant. Un mélange entre les rencontres culturelles et la course. Ça devrait représenter environ 20 min après le montage », dit-elle.
La portée de son documentaire se veut beaucoup plus grande que celles des films de plein air traditionnels. « Si tu veux voir un film de sport, tu vas voir Red Bull. Il y a des ralentis sur le gars qui monte et qui descend la montagne. Pour moi, quand tu vas à la découverte d’un endroit, tu te soucies également de l’environnement et de la communauté qui y vit », affirme Caroline.
Comme la première diffusion sera en décembre, l’échéancier est serré. « Le film doit être terminé à l’automne pour Trails In Motion. Il faut avoir un premier montage en octobre. C’est ce qu’on va faire, mais ça va être juste. »
Ne cherchez pas le logo de Téléfilm Canada ou d’un autre bailleur de fonds dans le générique. « Ce n’est pas financé. C’est un projet animé seulement par la passion. Tous les gens qui participent au projet ne sont en aucune manière rémunérés. On essaie de trouver des partenaires pour défrayer les coûts du transport et du matériel », explique Caroline.
Le métier de cinéaste
Caroline Coté ne fait pas ses premières armes dans le documentaire d’aventure. En plus d’un documentaire sur l’Antarctique (XP Antartik) elle a également réalisé Pull of the North au sujet d’une expédition en canot de 2000 miles sur la rivière Yukon, qui traverse tout l’Alaska avant de se jeter dans la mer de Béring. Elle œuvre maintenant au sein d’une boîte de production montréalaise appelée Rebl House.
C’est un métier qui appelle au dépassement. « Être cinéaste d’aventure me force à toujours apprendre quelque chose de nouveau. Pour mon documentaire en Alaska, je n’avais jamais fait de canot avant de faire 2000 miles », explique Caroline. « Il faut toujours être prêt à n’importe quoi, de l’alpinisme à la course. Il faut que je sois en mesure de suivre la personne dans ce qu’elle va faire. »
À peine Qamaniq ficelé, elle se lancera dans une nouvelle aventure. « Mon prochain film se penchera sur un coureur slovène qui va traverser une partie de la Slovénie, de l’Italie jusqu’à l’Autriche, à la course. Je vais le suivre sur des centaines de kilomètres, explique-t-elle rêveuse. Je vais présenter Qamaniq au festival de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc et je pars tout de suite après. »