Simon Morbelli et Hélène Dumais lors de la discussion publique organisée par Distances+ – Photo : Ultra-Trail Harricana
SEPTEMBRE 2016 – Il y a 40 ans, en 1967, Kathrine Switzer s’est infiltrée dans la foule d’hommes prenant part au Marathon de Boston. Elle devenait ainsi la première femme à effectuer officiellement le célèbre marathon. Depuis, les femmes n’ont cessé de prouver qu’elles ont véritablement leur place dans le monde de la course à pied.
C’est ce dont ont voulu témoigner les quatre athlètes invitées à s’exprimer par Distances+ lors d’une discussion publique tenue dans le cadre de l’Ultra-Trail Harricana (UTHC) en septembre 2016.
La présidente d’honneur de l’événement, Rachel Paquette, ainsi que l’athlète d’endurance et aventurière Hélène Dumais, la coureuse et alpiniste italienne Simona Morbelli, et la coureuse en sentier canadienne Cassy Smith ont répondu aux questions des animateurs Lawrence Colsell et Carmen Figueroa Sotello.
La discussion a exploré le rôle des femmes dans l’ultramarathon et a commencé par une interrogation sur les écarts de performance entre les deux sexes. Avec le temps, ils ne font que diminuer dans les épreuves d’endurance, selon les panélistes.
« En course d’ultradistance, que ce soit un homme ou une femme, les deux peuvent se retrouver sur le podium », estime Hélène Dumais, gagnante de la course de 125 km de l’UTHC en 2015. Elle considère qu’en sport d’endurance, les écarts de performance sont réduits parce que la discipline n’est pas que physique, elle est aussi mentale, un aspect où les femmes sont fortes.
Pour Rachel Paquette, qui est non seulement une coureuse hors pair, mais aussi ostéopathe de profession, il faut également considérer les caractéristiques physiques et psychologiques des sexes. Certaines d’entre elles remontent à nos ancêtres primaux. « Même pendant la préhistoire, les femmes ont toujours été très endurantes, elles s’en mettaient beaucoup sur les épaules », a-t-elle dit. La femme ne courait pas après les animaux pour les tuer, mais elle devait être forte et résiliente pour s’occuper de la famille, a-t-elle illustré.
Pour Rachel, il est inévitable pour les coureurs de rencontrer la limite de leur fatigue mentale en sentier. Sur ce point, les femmes se démarquent, car elles sont plus résilientes et capables d’endurer la souffrance, croit-elle.
« Aujourd’hui, on voit des femmes en ultratrail qui ont des enfants et qui sont des femmes d’affaires. Ce que je vois sur ma table de traitement, ce sont des femmes qui sont extrêmement fortes psychologiquement, comme leurs très lointaines ancêtres », a-t-elle dit.
Simona Morbelli envisage quant à elle sa résilience comme la clé de son succès. L’athlète, qui est tout autant alpiniste que coureuse, attribue ses performances à la diversité de son entraînement. En divisant son temps entre l’alpinisme et la course en montagne, elle bâtit sa persévérance physique et mentale, sa vitesse, ainsi que son endurance.
« Pour moi, un athlète est complet s’il fait autant de la compétition technique que de la compétition de montagne, pour s’améliorer partout. La résilience que ça prend pour faire 100 km, comme la résistance, ça se joue dans le mental. C’est comme la douleur. Le corps dit “stop”, mais si tu te connais bien, tu peux lui dire non. Moi, je sais que je peux aller encore plus loin. »
La discussion a également mené à une réflexion au sujet de l’image de la femme dans le sport et de sa valorisation en tant qu’athlète.
Hélène a souligné l’importance de la représentation des femmes dans les médias et les événements, et l’emploi du sport comme moyen d’inspirer et de faire évoluer la discipline. Le but est de démanteler certaines idées préconçues et dépassées sur les femmes. « Je ne sais pas si un jour, on sera à 50/50 avec les hommes, mais c’est en laissant place comme ça à un panel féminin qu’on parle de nous, ça fait de la place pour une amélioration de notre représentation ».
Elle explique comment il existe inévitablement un bagage socioculturel qui désavantage la femme. Toutefois, en offrant une présence médiatique et des possibilités égales aux athlètes féminines, on inspire les femmes à croire en leur capacité à relever des défis. « Il faut des femmes fortes qui inspirent d’autres femmes à bouger », a-t-elle dit.
Dans l’ensemble, il semble que les participantes du panel ne soient pas tellement préoccupées par le fait de se prouver en tant que femmes, mais bien plus en tant qu’individus. Elles souhaitent se suffire à elles-mêmes et transcender les limites de l’humain, au lieu des limites de l’homme.
Mais pour Cassy, « ce n’est pas ce que les autres pensent de moi qui compte, c’est ce que je pense de moi-même. Si j’essaie de prouver quoi que ce soit à quelqu’un, ça devrait être à moi. Et si ce que je fais déçoit ou ne plaît pas aux autres, ce n’est plus mon problème. »
L’édition 2016 de l’UTHC, qui se déroulait sous le thème de l’ultra au féminin, a vu le succès de plusieurs femmes en tête de classement. Jessy Forgues, qui a terminé première chez les femmes, a également terminé troisième au classement général.