Le violoncelliste et ultra-traileur Gauthier Herrmann s’est lancé ce samedi 23 avril dans son défi « Je cours pour la culture », une course à étapes de 660 km entre Paris et Aix-en-Provence. 12 concerts de musique classique d’environ une heure seront donnés à l’issue de la majorité des étapes
Un projet né de la pandémie
Violoncelliste professionnel, au chômage à l’époque, il a eu l’idée d’associer sa passion pour le trail à son talent pour la musique et de courir symboliquement 900 km entre la ville où il vit, Montgeron, dans le sud de l’île de France et Aix-en-Provence, où habitent ses parents, pour aller leur « faire un bisou » en courant, le tout en organisant des concerts au fil des étapes. Et c’est ce qu’il a fait en 2021 en compagnie de six amis, quatre coureurs et deux cyclistes, et d’une équipe logistique chapeautée par sa femme.
Pensé pour « parler de la culture avec le sourire et renouer le lien social. », le projet de Gauthier Herrmann est né en pleine pandémie, à l’aube du troisième confinement, alors que les salles de spectacles, les théâtres, les cinémas et les musées étaient fermés et qu’un couvre-feu venait d’être instauré « Ça râlait énormément et je n’étais pas vraiment d’accord, car personne ne défendait la culture de manière positive », se remémore-t-il.
La musique classique et l’ultra, « ce sont deux mondes avec beaucoup de similitudes, estime Gauthier. Quand on monte un quatuor de Mozart, cela nous prend des années. La notion d’effort est assez similaire entre la musique et l’ultra-distance. Je voulais créer un événement fédérateur et il se trouve que l’ultra est un sport à la mode ces derniers temps ».
Restrictions sanitaires obligent, les concerts n’avaient pas pu se tenir chaque soir, mais la mayonnaise a pris quand même. Je cours pour la culture a d’ailleurs été soutenu publiquement par des personnalités médiatiques comme Vianney et la comédienne Natalie Dessay. À leur grande surprise, Gauthier et son équipe ont été plusieurs fois accompagnés sur les sentiers, parfois durant des étapes tout entières.
Un festival itinérant
Le succès de cette première édition a donné à Gauthier Herrmann l’envie de repartir, malgré le souvenir de son corps meurtri par l’effort.
La seconde édition compte cette fois 660 km de course et devient un véritable festival itinérant avec une programmation officielle de 12 concerts sur 14 étapes. Ainsi, 30 musiciens issus des plus grands orchestres nationaux vont se succéder au fil des dates à Voulx, Anost, Lyon, Valence, ou encore Cavaillon et Aix-en-Provence pour interpréter des classiques de Beethoven, Mozart, Ravel et Schubert, pour ne citer qu’eux.
Au terme de chaque journée de course, un concert se tiendra dans la commune d’accueil. « Nous avons mis en place une billetterie accessible sur le site web de “Je cours pour la culture”. Les concerts seront gratuits pour les moins de 18 ans et les étudiants. Le but est que tout le monde puisse venir », souligne Gauthier Herrmann, qui ne jouera pas cette année, mais qui compte bien assister à toutes les représentations.
Le parcours qui relie chaque concert comptera quant à lui des « portions découvertes » par rapport à l’année dernière, même s’il a été raccourci. Le tracé a été soigneusement dessiné kilomètre par kilomètre, afin d’éviter au maximum les routes et des dénivelés quotidiens trop importants.
« Cette année, nous faisons des segments, explique Gauthier. Nous serons déplacés en voiture entre certaines étapes, car nous souhaitions faire un peu moins de kilomètres. La différence entre 50 km et 80 km par jour est énorme », assure le violoncelliste.
Ils ne sont toutefois pas à l’abri d’une surprise, comme l’année dernière dans le Morvan. Le maire d’un village leur avait dit qu’une simple colline les attendait. Une colline qui s’est avérée finalement une « bosse » de 800 m de dénivelé sur 6 km. « Il devait faire cette route en voiture », a-t-il commenté en riant.
Gauthier Herrmann, un ultra-traileur qui ne prépare pas ses courses.
À 40 ans Gauthier Herrmann entretient un rapport particulier avec la course à pied. Sportif jusqu’à ses 16 ans, le conservatoire et sa vie de musicien ne lui ont pas permis de poursuivre ses activités sportives. Ce n’est qu’à 36 ans qu’il rechausse ses baskets pour participer au marathon du médoc, inscrit par un ami coureur. « J’ai acheté des baskets neuves dont j’ai enlevé l’étiquette le jour de la course », explique-t-il. Il court ce marathon sans aucune préparation et le termine « avec deux bouts de bois à la place des jambes ». Une d’expérience « hyper drôle » qui lui donne envie de repousser ses limites sur de plus longues distances.
Après avoir couru les 100 km de Millau en 2017 après seulement « trois sorties de 10 km » au compteur, il passe les portes de l’ultra en 2019 et s’inscrit à la Diagonale des Fous qu’il finira sans autre entraînement que des courses préparatoires comme l’ÉcoTrail de Florence, le Grand Raid des Pyrénées et l’Oisans Trail Tour.
Courir le jour J et ne pas s’entraîner, car il n’aime pas cela, c’est sa philosophie. « C’est un problème de temps et d’intérêt, dit-il. Je n’ai même pas une pratique mensuelle. »
Il assure qu’il s’élance sur son défi de 660 km sans réellement avoir couru de longue distance depuis le mois d’octobre et les 108 kilomètres de l’Endurance Trail des Templiers.
Son approche n’est approuvée par aucun entraîneur digne de ce nom, mais il l’assume pleinement et appréhende l’ultra comme un moment « rare » qui mérite d’être vécu tel quel, avec son obligation d’être « concentré dans la durée », une qualité qui se perd aujourd’hui selon lui.
Psychologiquement, courir 660 km sans préparation ne semble pas effrayer Gauthier, qui n’a retenu que les bons moments de la première édition avec son équipe. « Je pense qu’on est même trop sereins, avoue-t-il. En réalité on a beaucoup souffert l’année dernière. » La traversée de Montgeron à Aix-en-Provence 2021 s’était déroulée avec des journées charnières. Une première étape de 71 km « survolée », suivie de cinq jours de « calvaire » puis d’une « acceptation totale du corps » jusqu’à la fin, sans blessure. Il aborde cette seconde édition « à la cool », même s’il sait que le moral devra absolument être au rendez-vous pour aller au bout de ce périple.
La suite s’écrira hors des frontières
« Je cours pour la culture va devenir un projet à répétition », annonce Gauthier Herrmann, qui ambitionne d’ailleurs de sortir des frontières pour courir dans les pays de l’Union européenne, en Italie, en Allemagne, au Portugal… et permettre aux gens de s’inscrire sur une ou plusieurs étapes avant d’assister aux concerts.
« L’idée est vraiment de créer un évènement fédérateur que les personnes puissent s’approprier. » Et cette fois-ci, Gauthier Hermann assure qu’il emportera ses baskets, mais aussi son violoncelle pour se produire certains soirs.
Les infos, détails de chaque étape et programmation des concerts sont à retrouver sur le site web de Je cours pour la culture.