Décidément, l’année 2019 aura été celle de tous les exploits pour Yvan L’Heureux, qui cumule les participations à des événements parmi les plus redoutables dans le monde. Après l’«Euforia», une course de 233 km en Andorre, en juillet dernier, et le Tor des Géants, une épreuve mythique de 330 km dans les Alpes italiennes, il y a à peine un mois, l’athlète de Rivière-du-Loup s’apprête à relever le défi du Big Dog’s Backyard Ultra, qui débute ce samedi, 19 octobre, au Tennessee.
Le concept est aussi absurde que délirant. Toutes les heures, les coureurs prennent le départ d’une boucle de 6,706 km, qu’ils doivent faire et refaire, à l’intérieur d’un délai maximum de 60 minutes chacune, jusqu’à ce qu’un seul et dernier coureur reste en piste : « the last man standing ». « Le gagnant n’est donc pas celui qui aura couru le plus rapidement, mais bien celui qui aura été le plus endurant et qui aura géré le mieux son énergie », explique Yvan.
Une chance unique
Celui-ci deviendra ainsi le premier Québécois à s’aligner sur cette épreuve depuis sa création, en 2012, et où seuls 100 participants se feront compétition. Yvan se retrouve en fait parmi les 50 “Big Dogs” qui ont été choisis – via un processus plus ou moins obscur – par Lazarus Lake, fondateur de l’événement et célèbre directeur de course de la Barkley Marathons. Les 50 autres participants ont été tirés au hasard parmi tous les intéressés pré-inscrits.
Si le jour et l’heure de départ de la course sont connus, soit ce samedi 19 octobre à 6h40, la fin, elle, dépendra des coureurs présents. À ce jour, le record est détenu depuis l’an dernier par le Suédois Johan Steene, qui a réalisé 68 tours en autant d’heures. Vous avez bien calculé : c’est 456 km qu’il a couru en près de trois jours sans véritable nuit de sommeil! Il était d’ailleurs suivi de près par Courtney Dauwalter, qui a terminé tout juste avant lui avec 67 tours, ce qui constitue le record chez les femmes.
Lazarus Lake estime, de par le calibre élevé des athlètes qui prendront le départ, que le défi devrait se gagner en au moins 72 heures cette année.
Un athlète naturel
Malgré sa chance unique, Yvan L’Heureux se prépare pour le défi en toute humilité. À une semaine du départ, il se disait prêt physiquement et mentalement, mais quand même fatigué. « Je n’ai dormi que 3 à 5 heures par nuit dans les dernières semaines », explique celui qui a participé, en septembre, à l’organisation du Défi Everest dans plusieurs villes au Québec, un événement qu’il a fondé il y a quelques années à Rivière-du-Loup et qui ne cesse de prendre de l’ampleur année après année.
« Je n’ai fait aucun entraînement spécifique pour cette course là. J’ai cumulé beaucoup de dénivelé avec l’Euforia et le Tor des Géants, mais le Big Dog, c’est un défi qui n’a rien à voir. La boucle est vraiment peu technique et elle se fait sur route pendant la nuit. Je n’ai jamais couru sur route! J’ai dû m’acheter des souliers de route pour la première fois », confie Yvan en rigolant.
S’il n’a pas fait d’entraînement précis en prévision du Big Dog, Yvan n’est est pas moins un athlète naturel. Il pratique le cross training, un type d’entraînement qui combine de multiples activités sportives afin d’améliorer la performance globale et prévenir les blessures. Plutôt que de ne pratiquer que la course à pied, il fait ainsi également du body weight training, des arts martiaux, du rameur, etc.
Une gestion de course planifiée le mieux possible
Sa stratégie ? Ne pas faire les tours trop rapidement dès le début, pour s’économiser. « Je prévois faire les tours entre 52 et 55 minutes, pour avoir juste assez de temps pour m’asseoir quelques minutes et être frais et dispo pour le tour d’après », explique-t-il. Il a d’ailleurs acheté une chaise spécifiquement pour le défi. Une chaise aérée qui s’incline rapidement pour lui permettre de faire des power naps facilement.
« J’ai la chance de ne pas avoir besoin de dormir beaucoup et de m’endormir en trois secondes. Je vais avoir un avantage sur ça », estime-t-il. La nuit, il prévoit donc faire les tours un peu plus rapidement pour pouvoir dormir quelques minutes, si possible, puisque le parcours en sentiers change pour un parcours sur route pendant la nuit.
Il espère que la température sera de son côté. « Il y a des années où il a fait 32 degrés et c’est une région où le climat peut être super humide. L’air devient dense comme dans un sauna. Mais là, on annonce entre 18 et 24 degrés donc ça devrait être raisonnable », espère l’athlète.
Une ambiance familiale et festive
Le papa monoparental a ainsi pris la route mercredi dernier avec deux amis qui vont lui servir d’équipe de soutien. Mais il n’est cependant pas question pour lui de se mettre de pression avec la participation au Big Dog’s Backyard Ultra. « J’y vais d’abord pour le plaisir de rencontrer et de discuter avec un tas de gens inspirants. J’ai regardé le pedigree des coureurs qui seront présents et c’est pas mal fou! Une triple championne du monde de Toughest Mudder sera là, un champion de marche rapide de Suède, Guillaume Calmettes qui a gagné le Big Dog en 2017 ! », énumère Yvan, qui a aussi bien hâte de revoir des amis qu’il connaît, tel que John Sharp qui en sera à sa troisième participation au Big Dog’s Backyard Ultra.
Ce dernier lui a d’ailleurs confirmé à quel point l’événement est sans doute l’une des dernières courses d’ultra au monde où l’ambiance est encore vraiment très familiale. « Lazarus est là avec sa famille, et ça tourne en party de famille qui prend de l’ampleur au fur-et-à-mesure que les gens abandonnent. C’est une “ultra grosse folie” qui a été gardée à petite échelle, où Lazarus a pris le temps de connaître chacun des participants qui vont prendre le départ », raconte Yvan avec fébrilité.
Une course pour aller chercher l’inspiration
Fidèle à lui-même, il souhaite donner le plus de sens possible à son expérience au Tennessee. « J’ai choisi une liste de gens à qui je veux dédier chacun de mes tours, des personnes qui sont en quelque sorte des survivants, des amis qui ont traversé des épreuves difficiles comme le cancer ou la perte d’enfants. Je vais penser à ces amis qui ont tout donné ce qu’ils avaient à donner, qui ont réalisé des actes de courage passé sous silence, des actes d’amour et d’altruisme, et qui eux, n’avaient pas le choix, et qui sont allés jusqu’au bout », confie-t-il en ajoutant que la liste est plutôt longue. Il ne devrait donc pas manquer d’inspiration pour aller au bout de lui-même à son tour.
Et bien sûr, Yvan espère aussi aller chercher au Big Dog’s Backyard Ultra l’inspiration nécessaire pour réaliser son propre événement du genre en juillet prochain : le Big Wolf’s Backyard Ultra. Il a effectivement eu le feu vert pour organiser à Rivière-du-Loup, le 18 juillet 2020, une franchise de cet événement mythique, où le grand gagnant obtiendra un « Golden Ticket », c’est-à-dire un passe-droit pour participer au BDBU de Laz, au Tennessee.
« Je voulais le vivre avant de l’organiser, par respect pour l’événement. J’espère que ça me permettra aussi de le rendre encore plus authentique, plus humain et vivant », explique Yvan, qui souhaite s’inspirer de l’énergie qui va l’habiter pendant son séjour au Tennessee… et si possible inviter officiellement Lazarus Lake à venir faire un tour au Québec en juillet prochain!