Xavier Thévenard au fil d’arrivée de l’OCC en août 2016 – Photo : UTMB/Pascal Tournaire
ENTREVUE EXCLUSIVE
À seulement 28 ans, Xavier Thévenard a écrit cette saison une autre page de l’histoire de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), en devenant le premier coureur à remporter les quatre courses individuelles : la CCC, en 2010, la TDS, en 2014, l’UTMB, en 2013 et en 2015 et, finalement, l’OCC cette année. Distances+ a sondé son état d’esprit à la fin d’une saison encore remplie de succès.
L’athlète, originaire d’une région montagneuse de l’est de la France, a été introduit au sport de haut niveau par le ski de fond et le biathlon. Il y a six ans, il a décidé de se consacrer à la course en sentier, qu’il avait déjà intégrée à sa préparation physique en vue de ses saisons de ski.
En 2013, Xavier Thévenard a connu la consécration en remportant la plus longue course de l’UTMB, l’épreuve mythique de 170 km (10 000 m de D+) à travers les Alpes. Il a réitéré cet exploit deux ans plus tard, ce qui a fait de lui le troisième coureur à effectuer le doublé, après Marco Olmo (2006 et 2007) et Kilian Jornet qui a, pour sa part, réalisé un triplé (2008, 2009 et 2011).
Malgré une opération au genou au mois d’avril, Xavier Thévenard a connu une remarquable saison cette année. Il a pris la troisième place de la redoutable Hardrock 100 en juillet, même s’il avoue s’être « fait mal sur cette course ». Cela ne l’a toutefois pas empêché de s’imposer à l’OCC un mois après, puis de terminer en deuxième position de l’Ultra-Trail du mont Fuji (UTMF), au Japon, en septembre.
Distances+ : Vous continuez de skier parallèlement à la course à pied. Comment associez-vous les deux sports?
Xavier Thévenard : J’ai toujours couru parce que je préparais la saison de ski de fond. Je skie dès qu’il y a la possibilité. Cette année, la neige a été précoce dans le Jura, donc j’essaie de profiter. Entre novembre et mars, j’oriente mes sorties sur le ski de fond. Au début de mars, je reprends mes chaussures de sport, parce qu’il y a des échéances qui arrivent et qu’il faut avoir des kilomètres de course à pied dans les jambes. Je pense que c’est un très bon moyen pour la tête, pour changer d’activité, et puis ça repose les articulations, les muscles, les tendons, tout en gardant la condition physique. C’est quand même dur le ski de fond.
D+ : En à peine six ans de course de longue distance, vous avez remporté les quatre courses individuelles de l’UTMB. Était-ce un objectif au départ?
X. T. : Petit à petit, je me suis attaqué à cet objectif, après avoir gagné l’UTMB en 2013. À cette époque, l’OCC, que j’ai gagnée cette année, n’existait pas. Et puis, en 2014, j’ai remporté la TDS, l’année de la création de l’OCC. Mais c’était quand même une fin en soi au début. J’avais toujours l’UTMB dans la tête, une course qui est tellement mythique. Elle m’a toujours fait rêver, donc je suis content de l’avoir accrochée deux fois.
D+ : Quelle a été votre course la plus difficile jusqu’à présent?
X. T. : La Hardrock 100 a été très dure cette année. Je n’ai pas eu le même coup de barre qu’à l’UTMB en 2015, où ça a été à la fin du parcours. À la Hardrock, j’ai eu le coup de barre au 82e km. J’aurais tendance à dire que la Hardrock a été la plus difficile de ma carrière, mais plusieurs choses qui entrent en compte dans la souffrance sont différentes d’une course à une autre. Je me souviens cependant avoir dit, à la fin de la Hardrock, que je n’encouragerais personne à faire de l’ultratrail. La difficulté à surmonter, ce n’est pas humain. Je n’ai pas dit ça à la fin de l’UTMB, donc je suppose que ce n’est pas le même niveau de souffrance.
D+ : Comment avez-vous fait pour récupérer aussi vite de votre opération au genou?
X. T. : Je prends soin de moi! Je me suis fait opérer par un bon chirurgien spécialisé dans le genou, qui a opéré beaucoup de sportifs. Et puis, le médecin de l’équipe Asics a un bon réseau dans le secteur de Lyon, ce qui a fait que j’ai pu avoir une opération très rapidement. La récupération s’est ensuite bien passée. J’y suis allé petit à petit. Dès que j’avais une douleur, je faisais autre chose. Heureusement, c’était un ménisque et pas un ligament. Après m’être fait opérer, je suis resté une semaine sans activité physique. Puis, la deuxième semaine après l’opération, j’ai fait du vélo. La troisième semaine, j’ai fait quelques petites séances de course, mais surtout du vélo. J’ai finalement fait ma première compétition un mois après l’opération. C’était un 70 km. J’ai été très prudent dans les descentes parce que je n’étais pas très serein.
D+ : Étiez-vous déçu de ne prendre que la huitième place à la course des Templiers, en octobre, après une si belle saison?
X. T. : Je ne peux pas dire que j’étais content. J’ai fait ce que j’ai pu. En passant la ligne d’arrivée, on est content parce qu’on vient de faire 76 km à 12 km/h. Quand on analyse à froid, on voit que ce n’est pas un super résultat. J’ai fait ce que j’ai pu avec les jambes du moment. Mais c’est plus compliqué, parce qu’avec ce temps, cinq ans en arrière, je gagnais la course. Aujourd’hui, on n’a plus trop le droit à l’erreur.
D+ : Deux Français ont déjà remporté l’Ultra-Trail World Tour (François D’Haene en 2014 et Antoine Guillon en 2015). Serez-vous le troisième?
X. T. : Jusqu’à présent, il fallait faire trois ultras dans l’année pour se classer. Je trouve que deux ultras dans l’année, c’est déjà bien assez pour le corps. J’aime aussi les courses plus rapides. Par exemple, cette année j’ai fait sept courses, dont un ultra. Je devais en faire deux, mais le mont Fuji [UTMF] a été transformé en 45 km [à cause des mauvaises conditions climatiques]. Je pense aussi aux années à venir. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant d’enchaîner les ultras que de continuer le plus longtemps possible. Mon but, c’est la longévité. Mais cette année, le règlement va changer. Ce sera deux ultras. Je vais donc essayer de relever ce défi, même si ce n’est pas un objectif premier.
D+ : Quels sont vos objectifs pour la saison 2017?
X. T. : J’ai déjà des idées. Je suis sûr de faire l’UTMB en 2017. Le reste sera à définir.
D+ : Quels sont vos critères de choix d’une course?
X. T. : La densité de la compétition. J’aime la confrontation. La course doit être logique dans son itinéraire. La course est logique quand il n’y a pas d’aller-retour, par exemple. S’il y a un chemin de crête, c’est bien de passer par là. Il faut prendre le plus possible les itinéraires qui correspondent le mieux au relief de la nature. J’aime la beauté du paysage et la difficulté du parcours. Je regarde aussi les dénivelés positif et négatif.
D+ : Comptez-vous participer à une course au Québec prochainement?
X. T. : [Le président fondateur] Sébastien Côté m’a parlé de l’Harricana. Ça va être un peu compliqué l’année prochaine, car je serai à l’UTMB le 2 septembre.