Tor des géants : Vincent Houle toujours plus haut

L’athlète québécois a dompté le Tor des Géants en 145 heures

Vincent Houle à l’arrivée du Tor des Géants / Photo: courtoisie

Après avoir vaincu la mort il y a quatre ans et la Diagonale des fous en 2016, Vincent Houle a complété le Tor des Géants, dans les Alpes italiennes, l’un des ultra-trails le plus difficiles au monde. Il est allé au bout de lui-même pour parcourir les 330 km et 31 000 m de dénivelé de cette course mythique en 145 heures.

« C’est une des idées de fou de mon ami Stéphane Poulin », a raconté Vincent Houle à Distances+.

Après deux tentatives, Vincent a été pigé et Stéphane a été en mesure de l’accompagner en achetant un dossard de solidarité. « La page d’inscription fait peur, ça prend beaucoup de courage pour peser sur le piton », a expliqué Vincent.

L’épreuve, colossale, demande une préparation minutieuse. « On a fait des entraînements spécifiques, 100 km et 5000 m de D+ par semaine. Mais au Tor, on fait 5000 m dans une journée et c’est six jours en ligne, précise-t-il. Je ne crois pas qu’ici, avec nos montagnes, on peut se préparer à ça. C’est plus la préparation mentale qui t’amène à la ligne d’arrivée. »

Prévoir le pire

Car en plus du dénivelé, les coureurs doivent transporter leur matériel. « On s’est entrainés avec un sac à dos de 15 livres, mais au Tor le sac va peser 25 livres et il va être mouillé. Je me suis retrouvé avec un habit de neige dans mon sac, car il pouvait faire moins 5 degrés la nuit », se rappelle-t-il.

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Vincent Houle à son arrivée – Photo : courtoisie

Le secret est simplement d’envisager le pire. « On sait d’avance que tout va mal aller, qu’on va avoir toutes les raisons pour abandonner : les ampoules, le sommeil, la fatigue. Sachant ça d’avance, c’est déjà un bon bout de fait. »

Le pire s’est rapidement manifesté, a confié Vincent Houle. « J’ai fait de l’œdème au-dessus de 2000 mètres. Mon visage et mon côté gauche enflaient. À un moment donné, je ne voyais plus d’un œil et je courais avec le bras gauche dans les airs. »

Heureusement, l’organisation est là pour appuyer les coureurs. « Je n’en reviens pas des centaines de bénévoles, des hélicoptères qui transportent nos sacs de ravito en ravito. Et tout ça pour 650 euros, c’est juste wow! Et il y a tellement de monde qui nous regarde, je pense qu’il y avait moins de monde à la F1 à Montréal. C’est une organisation tellement solide, c’est fait pour que tu réussisses. »

Un départ trop rapide

Malgré 330 km à parcourir, la course a démarré en trombe. « Il y a eu une centaine d’abandons dès les premiers 50 km, dit-il. Les gens ont débuté trop vite. Au final, la moitié seulement des 1000 coureurs complèteront l’épreuve.

Le sommeil a été délicat à gérer. « Suite à mon trauma crânien, je me fatigue rapidement. 24 heures sans dormir, ce n’est pas vraiment possible pour moi. J’ai essayé de maintenir deux heures de repos par jour ».

Les deux comparses se sont séparés dès les premiers kilomètres. « Stéphane a eu une course exceptionnelle. Il a terminé en 113 heures. Et il avait fait un Ironman deux semaines avant! »

Plus de six ravitaillements principaux sillonnaient le parcours dans des villages. Vincent décrit ces « bases de vie » comme la cour des miracles : « Il peut y avoir 200 coureurs. Tout le monde est croche, il fait chaud, des coureurs font et défont leur sac 10 fois. Il y a des gens qui abandonnent. Souvent, ils veulent contaminer les autres, ça se nourrit en groupe. » Alors le coureur québécois évitait ces endroits. « Je faisais des in et out », raconte-t-il. J’ai décidé de dormir dans la montagne, même si ce n’était pas génial pour mon œdème. »

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Vincent Houle lors du Tor des géants – Photo : courtoisie

Second souffle

« Je carburais aux montagnes, c’était tellement beau, les levers du soleil, les nuits étoilées. Chaque partie de la journée c’était wow! Et c’est ce qui me donnait la force de me réveiller même après une heure de sommeil », dit-il.

Vincent est encore étonné de la capacité d’adaptation du corps humain. « Passé le kilomètre 200, des abandons, il n’y en a plus. On a tous mal, mais on s’en va vers la ligne d’arrivée même s’il reste 140 km. Il y a quelque chose qui se passe. Au début j’ai vécu des inconforts, mais à partir de là, rien pour faire décoller le sourire de ma face. Quand on dépasse ses limites, il y a comme une nouvelle vie qui commence », explique-t-il.

Vers la ligne d’arrivée

En approchant de la fin, les coureurs sont tiraillés entre le désir de poursuivre l’aventure et la hâte de franchir le fil d’arrivée. « Il restait 12 km, et je vois quelqu’un qui court, raconte Vincent. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu quelqu’un courir. Tu te conserves tellement que tu ne cours plus. Je l’ai rejoint et on a fait ensemble les derniers quatre kilomètres en 28 minutes. Le temps moyen, c’est trois heures, car les gens sont normalement cassés. On descendait comme deux mongols, c’était hilarant, et ç’a été ma fin. »

La course terminée, l’énergie était curieusement toujours au rendez-vous. Il a retrouvé son ami Stéphane Poulin pour de nouvelles aventures ensemble. « Dans la tête de tout être humain, tu as droit de dormir deux semaines après ça. Mais nous, le lendemain on partait pour Chamonix. On était inarrêtable. On a fait du vélo de montagne à 2300 mètres. Malgré tout ce que nos corps avaient subi, on voulait retourner jouer dans la montagne. »

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Vincent Houle et Stéphane Poulin / Photo : Vincent Houle

« Je me suis réveillé dans une morgue il y a quatre ans, il faut que je me sente vivre, confie Vincent. De là vient la difficulté du quotidien quand on revient à Morin-Heights et qu’on se dit : c’est une montagne ça? On devrait aiguiser le top ou creuser le bas. »

Vincent Houle est d’avis qu’il sort transformé de cette expérience. « Tu es six jours à te regarder dans un miroir : tes démons, ton passé, tout ce qui est rangé dans ton sac. Quand on traverse tout ça, ça change une vie. »

« En bout de ligne, le courage pour vaincre, c’est quelque chose qui développe une grande force intérieure et qui se transpose dans ta vie quotidienne. Les gens vont vivre leur ultra comme ils vont vivre leur vie. On se fout de ta vitesse ou de la hauteur de la montagne que tu gravis, c’est plutôt, quand tu tombes, à quelle vitesse tu te relèves », conclu le coureur, un brin philosophe.

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