Maïté Galipeau Théberge lors de sa première course en sentier à vie sur les Traces du Nord Basse-Terre 2018 – Photo : courtoisie
Maïté Galipeau Théberge n’est pas une coureuse en sentier. Elle vient de la route et ambitionne de « se tailler une place au sein de l’élite » du triathlon en Amérique du Nord. Mais dans le cadre d’un voyage d’entraînement à la chaleur en Guadeloupe, elle a pris le départ le mois dernier au 83 km de l’ultra-trail des Traces du Nord Basse-Terre (TNBT), dans cette partie de l’île antillaise où règne la forêt tropicale. Et elle a gagné la course.
Les Québécois se sont d’ailleurs tout particulièrement illustrés au TNBT puisque le 154 km a été remporté par Mathieu Blanchard, qui avait estimé dans la foulée avoir couru l’ultra le plus dur de sa jeune carrière de traileur.
Maïté a 26 ans et est originaire de Frontenac, près de Lac-Mégantic. Elle est issue d’une famille de sportifs, grâce à laquelle elle a développé ses aptitudes physiques, notamment à travers le vélo, la randonnée, le ski de fond ou encore le soccer, mais c’est après avoir rencontré, il y a un an, son amoureux, le kinésiologue-kinésithérapeute Félix Guèvremont, qu’elle a commencé « à s’entraîner plus sérieusement. »
« Le TNBT était mon premier ultra, mais aussi ma toute première course de trail. Je voyais donc l’évènement comme l’occasion d’explorer mes limites physiques et mentales tout en visitant la Guadeloupe, a expliqué Maïté Galipeau Théberge à Distances+. Je n’avais jamais fait plus qu’un marathon en compétition, donc je ne savais même pas si mes muscles accepteraient de terminer le 83 km. Mais, je dois l’avouer, lorsque je prends place sur une ligne de départ, j’ai toujours l’espoir de gagner chez les femmes. »
Maïté est une athlète en confiance. Même sans expérience, elle nous a confié qu’elle avait « le sentiment d’avoir les capacités de monter sur le podium parce qu’[elle a] le mental pour [se] pousser à fond. »
Plaisir intense
L’athlète Distances+ 2017, Mathieu Blanchard, a gagné la « grosse course », mais il a souffert. Tout comme Félix, qui a partagé une partie de la course avec le champion, avant de refuser de risquer de se blesser dans ce qu’il a décrit comme une énorme galère. Maïté, elle, n’a pas semblé émoussée plus que ça. « Le 83 km était à la limite du raisonnable, a-t-elle commenté habilement. J’imagine sans mal ce qu’ont enduré Mathieu, Félix et les autres coureurs du 154 km parce que certaines sections de notre parcours étaient à l’image du leur. Je m’enlisais littéralement jusqu’aux genoux, je luttais contre la succion de la boue à presque chaque pas et les descentes escarpées étaient comparables à des glissades d’eau – mais en boue -, parsemées de roches et de racines. La différence était l’absence du facteur obscurité pour le 83 et le fait de savoir qu’on n’avait pas 70 km à courir dans de telles conditions. C’était très éprouvant mentalement, et ça a drainé beaucoup d’énergie dès le début de la course. »
Mais les émotions que nous a partagées Maïté étaient surtout enthousiasmantes. « Étrangement, j’ai ressenti un plaisir intense tout au long de la course. J’étais bien, j’étais tellement sereine que je me demandais si c’était normal. J’avais l’impression d’avoir couru des ultras toute ma vie, c’était naturel. Plus les difficultés sont élevées, plus elles nous permettent de nous connaître en tant que sportif et en tant qu’humain et c’est sans doute la satisfaction d’avoir la force de tout vaincre qui me portait pendant la course. C’est donc avec un état d’esprit positif que j’ai traversé les 87 kilomètres de Pointe-Noire à Petit-Bourg (en 15 h 06 min), et c’est ce qui a fait toute la différence. »
87, et non 83, parce que la traileuse débutante s’est perdue plusieurs fois sur le parcours, comme Mathieu, Félix, et la plupart des participants. En cause : un balisage apparemment déficient. « À certaines intersections, il fallait y aller au pif, et les ravitaillements n’étaient pas situés directement sur le parcours, raconte-t-elle. Il fallait gérer la crainte d’être sur la mauvaise voie, la peur de faire des kilomètres supplémentaires, même si j’étais très attentive aux indications. »
Contrairement à sa copine, Félix Guèvremont, a eu des mots durs. « Comme course à pied, j’ai honnêtement pas aimé, reconnaît-il, alors qu’il s’était bien préparé à ces Traces du Nord Basse-Terre. Je ne la conseille à personne, parce que les sentiers sont affreux et que le plaisir de courir en forêt n’y est pas. On ne pouvait jamais courir et le balisage n’était vraiment pas clair. Les bénévoles étaient super gentils, mais je n’ai pas aimé. Je n’ai pas peur des défis et la distance ne me dérange pas, sauf que quand tu n’avances pas. Ce n’est plus amusant. » Félix estime être tombé une vingtaine de fois, dont trois fois sur des roches dans les rivières traversées.
Courir en enfer, puis au paradis
Passé le premier tiers difficile de la course, Maïté a pleinement apprécié le reste de la « balade », disons plus… paradisiaque. « On courait directement sur le littoral ou sur des escarpements très roulants avec vue sur la mer des Caraïbes. C’était le sentiment d’être complètement ailleurs, d’accomplir ce que peu de gens osent faire. C’était aussi le sentiment de gratitude qui m’a fait vivre une course aussi satisfaisante. De la gratitude envers les organisateurs, les bénévoles et ceux qui croient en moi et qui me permettent de participer à de telles aventures. »
Cet ultra aura eu le mérite de donner à Maïté Galipeau Théberge la piqûre du trail. « Vous allez certainement me revoir sur d’autres ultras au Québec ou dans les environs, a-t-elle confié à Distances+. J’ignore encore lesquels. D’ici là. Elle participera en fin de semaine prochaine, toujours en Guadeloupe, au Gwadlouptri, un demi-Ironman à Port-Louis.