Trois questions à… l’illustraileur FloWhyNot

Interview

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L'illustraileur FlowWhyNot à sa table à dessins - Photo : JB Joly / Peignée Verticale

À l’aube de son 40e anniversaire, le traileur breton Florent Beaufils, alias FloWhyNot quand il a son crayon d’illustrateur à la main gauche, rêve de s’épanouir sur 100 miles. Motivé par des résultats immédiatement encourageants à ses débuts en 2019, avec notamment une 5e place au classement général du Ouest Trail Tour (un circuit rassemblant sept épreuves de 50 km en Bretagne) ou encore un top 60 enthousiasmant à la Diagonale des fous en 2021, ce papa artiste et sportif aux larges shorts fleuris a un peu calé sur les sentiers et dû ravaler son appétit de longues distances, le temps de digérer les contre-performances. En cette année 2024, Florent repart du bon pied, en direction de son premier UTMB. Il restera aussi, entre autres, à la barre de la chronique « Dessine-moi du D+ » sur Distances+. Il a joué le jeu des « Trois questions D+ ».

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Quand il ne dessine pas, Florent Beaufils court beaucoup – Photo : Thimothée Nalet / Peignée Verticale

Distances+ : Tu te définis — et c’est tout un concept — comme un « illustraileur ». Tu es illustrateur spécialisé dans la culture trail et coureur en sentier amateur, mais parmi les plus performants en Bretagne (cote ITRA 723). Depuis ton abandon sur le 125 km de l’Ultra-Trail Harricana du Canada au Québec, en septembre 2022, ça roule un peu carré toutefois pour toi et, sportivement, tu sors d’une petite traversée du désert qui a entraîné une remise en question. Que s’est-il passé ? Sur quoi cela a-t-il débouché ? Et à quoi ressemblera ton année 2024 ?

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Florent Beaufils : Effectivement, la fin d’année 2022 et l’année 2023 ont été assez difficiles. C’est une période où j’ai joué de malchance, où j’ai fait pas mal d’erreurs et au cours de laquelle je n’abordais pas bien les choses. Tout a commencé à l’Harricana, après quatre premiers ultras réussis (TDS, Grand Raid de la Réunion, MIUT et Lavaredo). Je me suis mis une énorme pression tout seul en oubliant qu’un ultra-trail, ce n’est pas un 50 km.

Je prenais cet événement comme un point de bascule dans ma progression et j’ai sans doute voulu prendre trop de risques, alors que je suis encore très débutant dans ce sport et encore plus en ultra-trail. Et j’ai d’ailleurs oublié qu’en ultra, avant de parler de performance, il faut déjà penser à le gérer et à le finir. Or je n’ai rien fait comme il fallait. J’ai démarré comme sur une épreuve de 50 km, je ne me suis quasiment pas alimenté ni hydraté jusqu’au 30e ou au 40e kilomètre (alors que la chaleur était éprouvante, NDLR). Ce qui devait arriver arriva : mon premier DNF (Did Not Finished) au 60e. J’arrivai à peine à marcher sans trébucher. Ça m’a mis une belle claque et m’a remis en place !

Suite à ça, j’ai revu l’aspect nutritionnel de mes courses avec l’aide d’un ami dont c’est le métier et qui a été cycliste pro, mais j’ai aussi pris du recul sur ma pratique. Pour faire simple, j’ai décidé d’essayer de moins me prendre la tête. D’autant que l’âge avance, dans un sport qui se rajeunit de plus en plus et que mon année 2023 a été « bizarre ». Aucun de mes trois objectifs principaux ne se sera bien passé. J’ai eu un problème gastrique qui m’aura obligé à faire les 10-15 premiers kilomètres de la MaxiRace du lac d’Annecy presque en marchant, ma course au Val d’Aran by UTMB a été arrêtée en raison des orages en montagne et je me suis perdu deux fois au Grand Raid du Finistère — c’est une course non balisée — en me blessant à chaque fois, dans les ronces puis sur une plage de galets.

Mais comme je ne crois pas au hasard, je pense que c’était un signe, et que de toute façon, la carrière d’un sportif n’est jamais linéaire. Le bilan que j’en fais est que je m’en tire toujours bien sur les formats autour de 50 km. J’ai gagné des courses locales (Trail des Vallées) ou je suis monté sur le podium et j’ai signé une plutôt belle place d’honneur sur le Nivolet Revard, un 55 km pour 2800 m D+ qui n’est pas exactement un terrain de jeu de breton (15e). Mais bon, malgré des débuts prometteurs, je suis encore loin d’avoir l’expérience nécessaire en ultra, qui est pourtant une discipline à laquelle j’aspire.

Donc cette année, je vais continuer à faire les choses sérieusement en essayant de m’appuyer sur cette année et demie difficile pour améliorer certains points et surtout certaines approches, mais en favorisant encore plus le lâcher prise !

J’ai prévu une saison 2024 assez dense, même si je suis beaucoup plus sage qu’à mes débuts, il y a à peine cinq ans. Elle débutera chez moi, en Bretagne, avec deux belles classiques sur des formats longs que sont le Glazig et l’Aber Wrac’h, puis se poursuivra sur des aventures plus longues et pentues que sont l’Ultra-Trail du Saint-Jacques by UTMB et l’UTMB. Entre-temps, je ferai aussi ma première course d’ultra endurance de 300 km en vélo, le tour du Cotentin, en mai, dans le cadre de ma prépa au Saint-Jacques. Voilà pour la trame principale, mais on n’est pas à l’abri d’une ou deux autres surprises !

Comme illustrateur, tu es parvenu à te faire une place dans le monde du trail et des sports plein air, et évidemment pas seulement sur Distances+ – que nos lecteurs aillent jeter par exemple un œil à tes affiches du Trail Nivolet Revard  –  Qu’est-ce qui te plaît, te fascine, te stimule dans cette « communauté », dans ce sport, et qui donne le ton à tes dessins, tes designs, tes illustrations ?

Quand je me suis mis à courir en 2018, j’étais encore en poste en agence de communication. En même temps que j’ai commencé à intensifier ma pratique du trail, l’envie de dessiner à nouveau avec un style personnel — car en agence, on est souvent soumis à des briefs créatifs très cadrés —, est revenu au galop. Très vite, j’ai remarqué que c’était un secteur — le trail, mais aussi l’outdoor en général — où il n’y avait pas beaucoup de graphistes français spécialisés. C’est moins vrai aujourd’hui. Donc, ayant déjà eu une expérience freelance quelques années plus tôt où j’avais développé une compétence pour le dessin de lettres et un univers un peu vintage, je me suis dit que mon trait pourrait coller et séduire. Je me suis donc relancé en indépendant pour essayer de tout mixer et d’en faire un cocktail plutôt sympa.

Petit à petit, après des projets pour plusieurs marques, surtout dans le monde du textile au départ, une collaboration avec Mathieu Blanchard avant qu’il ne devienne ce qu’il est aujourd’hui, des illustrations personnelles sur Instagram, je pense que mon nom a un peu tourné dans le milieu, qui est finalement très petit. Ma chance, c’est que je suis « multicartes ». Je m’exprime aussi bien sur de l’illustration, du design textile, de l’identité visuelle, du packaging de produit ou du design web qui est mon premier métier. Et comme je cours et que j’ai eu quelques performances honnêtes, cela a rassuré et attiré aussi mes clients.

Enfin, ce qui me fascine, c’est qu’on peut dire et créer plein de choses à travers ce sport et plus largement le secteur outdoor. La nature est tellement vaste. Aussi, ce sport est quasiment le seul où les pros et les amateurs partent ensemble. On peut raconter plein de choses différentes avec plein de tons différents. Et je pense qu’il y a encore plein de choses à faire, car, depuis quelques années, la photo et la vidéo ont explosé chez les marques de trail — et c’est normal au vu des paysages dans lesquels on pratique notre discipline —, mais pas vraiment encore le graphisme, je trouve. En tout cas pour l’aspect communication. Or, je pense qu’en associant les deux, on pourrait avoir des visuels encore plus importants. Je me bats chaque jour pour ça !

Avec la chronique « Dessine-moi du D+ », qui a vu le jour début 2023 sur Distances+, tu t’es donné une contrainte : faire une fois par mois un dessin sur l’actualité du trail. Comment travailles-tu et qu’est-ce qu’il y a de différent à faire du « dessin de presse » par rapport à toutes tes autres illustrations ? Et qu’est-ce que c’est pour toi un dessin de presse réussi ? D’ailleurs, parmi les 11 dessins de 2023 (sans compter ta planche de bande dessinée produite à l’occasion de la couverture du Val d’Aran by UTMB pour Distances+), quelle est celle dont tu es le plus satisfait ?

Effectivement, c’est une autre spécialité que j’essaie de développer. J’avais travaillé sur la couverture de l’UTMB pour l’agence Peignée Verticale en 2022 puis j’ai continué de développer ça sur Distances+. Déjà, pour trouver la bonne idée, il faut être passionné et suivre l’actualité du trail. Tout au long de chaque mois, j’essaie de noter des petites choses qui pourront faire la différence ou retenir l’attention. Ça peut être une petite phrase, une performance, une anecdote, je peux m’amuser à me mettre à la place d’un élite ou d’un coureur récréatif… Et souvent la bonne idée se fait à l’instinct et vient sur des moments inattendus. Comme dans tous métiers créatifs, généralement, si on se force ça n’est pas bon. Donc dès que des idées me traversent l’esprit, je les note dans mon téléphone et, à la fin du mois, on voit ce qui est bon ou pas et comment on va le traiter.

Concernant l’aspect purement technique du dessin de presse, il ne doit pas être trop complexe et plutôt rapide à esquisser. Mon objectif est de déclencher une émotion chez le lecteur. Donc, selon moi, un dessin de presse réussi déclenchera un rictus, une interrogation ou n’importe quelle émotion.

Et sur les 11 chroniques dessinées réalisées en 2023, je vais en retenir deux : le dessin sur Mathieu Blanchard après son Marathon de Paris. Je l’avais présenté en véhicule tout terrain dans une concession. Je trouve que ça illustrait bien sa polyvalence à ce moment-là. Et j’ai aussi aimé le côté plus satirique du coureur qui dépasse Kilian Jornet et qui s’empresse de publier sa « performance » sur Strava. Je trouve que ça montre bien le côté parfois narcissique qu’on a, nous les coureurs, et la déviance de notre société actuelle avec l’utilisation des réseaux sociaux, même si je ne suis pas un exemple.

***Découvrez les créations de Florent Beaufils alias Flowhynot sur son site web et sur son compte Instagram***


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