Maman depuis le 30 août dernier, la championne Sarah Bergeron-Larouche sera de retour à la compétition en 2024. Elle a décidé de raconter son histoire et de documenter sa nouvelle réalité sur ses réseaux sociaux. La coureuse de trail québécoise, ancienne championne du monde de course en raquettes, qui avait l’habitude de rafler les premières places des podiums et même les records de parcours sur presque tous les événements auxquels elle a participé durant la dernière décennie au Québec, a continué de s’entraîner durant sa grossesse et après l’accouchement de sa petite fille, mais elle tient à ce que sa vie d’athlète se fasse dans le respect de son nouvel équilibre familial qui est aujourd’hui sa priorité numéro un.
Par de courtes capsules vidéos réalisées en collaboration avec son conjoint Mathieu Bélanger-Barrette, lui-même cycliste et athlète de haut niveau, Sarah revient sur les grandes phases par lesquelles elle est passée dans sa transition vers sa nouvelle vie. Elle parle de son activité physique en fonction de l’évolution de sa grossesse, de son accouchement juste après une sortie en vélo, des suivis de son bébé et de ses trois premiers mois post-partum, de sa remise en forme avec des entraînements plus spécifiques à Gérone, en Espagne, au début de l’année 2024 et de sa saison de compétitions qui va commencer officiellement fin avril avec sa participation au MIUT, sur l’île de Madère au Portugal.
Sarah espère ainsi combler le manque de contenu destiné aux mamans coureuses.
« Parfois, on a l’impression qu’on doit arrêter de courir quand on est enceinte. Il n’y a pas de recommandations claires pour toutes les femmes, pour des raisons éthiques et parce que chaque femme est différente. On a seulement des histoires de cas », observe-t-elle, déterminée à ce que « son cas » puisse inspirer et tracer la voie à d’autres femmes qui s’identifient à son cheminement. Son histoire est d’autant plus intéressante que sa grossesse était considérée à risque après avoir fait trois fausses couches en 2021 et 2022. Elle a vécu cela comme des DNF difficiles et douloureux qui lui ont fait douter de la possibilité de pouvoir un jour réaliser ce rêve d’être maman.
Cette fois-ci a été la bonne
Sarah Bergeron-Larouche avait d’ailleurs publié un texte poignant sur les médias sociaux à l’automne 2022, dans lequel elle partageait pour la première fois publiquement son défi pour devenir maman et la « culpabilité » qu’elle ressentait alors. « Depuis un an, j’évite la question parce que j’avais honte, que je n’avais pas envie d’en parler et surtout pas envie d’être étiquetée. Ma prochaine course à moi sera de comprendre ma condition, recevoir un diagnostic et me faire aider », avait-elle confié, alors que la communauté s’inquiétait de la voir participer à moins d’événements ou d’annuler sa participation à ceux-ci au dernier moment.
Alors qu’elle aurait pu abandonner son rêve de maternité, pour ne plus avoir à revivre le traumatisme de ses fausses couches, Sarah a persévéré. « Je me doute bien qu’avec le temps, je vais trouver une lueur d’espoir, avait-elle écrit. Quand on passe la ligne d’arrivée, c’est un intense sentiment de satisfaction et d’accomplissement et c’est à ça que l’on s’accroche. »
Fidèle à sa réputation de « femme vaillante », pour reprendre le titre d’un documentaire réalisé à son sujet en 2021, Sarah est tombée une quatrième fois enceinte à la fin de l’année 2022. Cette fois-ci a été la bonne. La petite Nina est arrivée le 30 août 2023, en pleine santé et accompagnée d’une maman qui sera restée active tout au long de sa grossesse.
Pour Sarah, il n’était en effet pas question d’arrêter de bouger malgré ses « trois fausses couches désastreuses » précédentes. Elle ne connaissait pas la cause, mais son médecin se montrait très encourageant. « Il me disait de continuer à courir et à m’entraîner, et c’est ce que j’avais besoin d’entendre », explique Sarah.
Pour son plus grand bonheur, elle a donc continué de courir enceinte jusqu’à 27 semaines de grossesse, réalisant même de belles performances avec un dossard sur son bedon rond, comme sa 2e place sur le 5 km du Trail de la Clinique du Coureur. Elle a également participé à sur une course de 25 km en équipe qu’elle avait couru à 15 semaines de grossesse avec son conjoint en Espagne. Jusqu’au jour où elle s’est sentie moins bien. Elle a alors décidé de continuer à rester active, mais en privilégiant le vélo et la randonnée, et ce jusqu’à son terme, gravissant régulièrement le mont Sainte-Anne avec la petite Nina bien blottie dans son ventre.
Ce choix n’aura pas été sans critique, confie-t-elle. « Quand on porte un enfant, on se fait comparer, juger, critiquer. Pourtant, il n’y a pas une grossesse pareille », a-t-elle déploré sur Instagram cinq jours avant son accouchement. Elle venait de faire une échographie d’urgence pour évaluer si le bébé avait assez grandi vu la petite taille de sa bedaine. En raison de ses multiples fausses couches, Sarah était en effet jugée à risque et suivie de près.
« Notre voix intérieure est le meilleur guide »
Aujourd’hui, le meilleur conseil qu’elle veut partager aux femmes enceintes et aux jeunes mamans est de se fier à leurs sensations. « Oui, il y a des recommandations, mais il n’y a pas une femme qui est semblable à une autre. Notre voix intérieure est le meilleur guide », préconise-t-elle, insistant sur le fait de ne pas être pressée.
C’est d’ailleurs en restant constamment à l’écoute de ses sensations que Sarah a géré la transformation de son corps, mais aussi de sa nouvelle identité comme maman. « Je ne verrai plus la course de la même façon. Mes priorités ne sont plus les mêmes. Mentalement, j’ai changé », confie-t-elle à Distances+, soulignant qu’elle ne se sent pas prête à court terme à laisser sa petite toute la journée. C’est pourquoi son retour à la course se concentrera en 2024 sur des courses de petites et moyennes distances, de maximum 50 km, afin de ne pas s’ennuyer trop longtemps de sa fille avec qui elle veut passer beaucoup de temps. « Je ne sais pas encore si j’aurai d’autres enfants. Ces moments-là ne reviendront peut-être pas, alors que les courses, il y en aura toujours », insiste-t-elle.
Comme il y a trop de facteurs qui peuvent venir influencer sa saison, au moment d’écrire ces lignes, elle n’avait pas encore prévu d’autres courses après le MIUT. Elle confirmera ses objectifs au fur et à mesure selon l’évolution de sa santé physique… et psychologique.
D’ici là, elle profite en ce moment d’un séjour de plusieurs semaines en famille en Espagne, à Gérone, où la météo et le terrain de jeu, avec des sentiers super spécifiques et du bon dénivelé, sont parfaits pour sa remise en forme. Il s’agit aussi d’un lieu formidable pour la pratique du vélo, le sport de prédilection de son conjoint Mathieu, qui fait d’une pierre deux coups puisque son employeur a besoin de lui en Europe pendant cette période.
Le principal objectif pour Sarah en ce début de saison 2024 est de ne pas se blesser dans la foulée de ce grand retour. « Quand on allaite, on perd de la densité osseuse, on est plus lax, plus susceptibles de faire des fractures de stress et des descentes d’organes », précise celle qui planifie continuer à allaiter aussi longtemps que possible.
Et lorsqu’elle a un peu de temps devant elle, elle lit sur le sujet de la maternité, beaucoup. Parmi toutes ses lectures, elle recommande particulièrement aux mamans sportives le livre « Exercising Through Your Pregnancy » qui répertorie de nombreuses études de cas de femmes actives avant, pendant et après la grossesse, et qui se penche sur les effets de l’exercice sur les femmes et leurs bébés. Cet ouvrage fournit des lignes directrices pour des programmes qui répondent en toute sécurité aux besoins d’une mère pendant les différentes phases de la grossesse.
Finalement, Sarah cherche de l’inspiration chez d’autres femmes athlètes devenues mamans, telles que les Suissesses Judith Wyder et Theresa Leboeuf, arrivées respectivement 2e et 3e des championnats du monde de trail court en Autriche en 2023. Elle suit aussi les cyclistes Laura King et Catharine Pendrel (double championne du monde de cross-country en vélo de montagne), de même que la médaillée d’argent aux Jeux olympiques de Turin (2006) en ski de fond Sara Renner. Pour Sarah, ces femmes sont des modèles de conciliation maternité et performance sportive et les suivre sur les médias sociaux la motive au quotidien.
C’est au tour de la championne Sarah Bergeron-Larouche d’être une source d’inspiration pour les athlètes, compétitives ou non, qui se lanceront dans le grand projet de devenir maman.
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