Thibault Chesney – Photo : Richard Mardens
Parcourir à pied la Véloroute des bleuets, une balade de 256 kilomètres autour du Lac-Saint-Jean, est le défi peu banal que s’est donné le Montréalais Thibault Chesney, collaborateur de Distances+. Son aventure ne s’est pas terminée comme prévu, mais il a tout de même atteint son objectif d’une façon qu’il n’aurait jamais imaginé.
C’est le 1er septembre dernier, à l’aube, que Thibault Chesney démarrait sa grande aventure accompagnée de sa copine, Amélie Dufour, de son beau-frère, Michael Lemieux, d’un ami cinéaste, Richard Mardens, et des coureurs Emmanuelle Crête et Alexandre Diekmann.
« Le but était d’avoir une bonne équipe, qui pourrait en même temps se reposer et me relayer. Ils ont tellement été emballés par le projet qu’ils m’ont beaucoup accompagné dans cette première partie du parcours en se relayant soit en vélo ou à la course », explique-t-il.
Apprivoiser la route
Pour Thibault, il s’agissait d’un défi de taille. Coureur d’ultras – il a notamment complété le 160 km du Bromont Ultra en 2015 – il devait affronter 256 kilomètres d’asphalte. Ce sont des conditions bien loin de ses terrains d’entraînement habituels.
« J’avais quand même pas mal de millage cette année, dit-il. J’ai couru un 100 km en sentier en France en juin. Mon entraîneur était aussi confiant que la chose était possible et dans les semaines précédant l’évènement, je n’ai fait que de l’asphalte, du gros volume d’entraînement. »
Malgré le bitume, il n’a pas trouvé l’aventure monotone avec des paysages plutôt variés et un parcours tout en courbes avec peu de sections linéaires. « J’avais une bonne équipe de support, j’avais prévu des étapes après une distance variant entre 8 et 15 km. Je retrouvais mon monde, on mangeait et on jasait », se souvient-il.
Une idée folle
Le projet de faire le tour du Lac-Saint-Jean à la course est né d’une simple conversation. « Ma blonde est originaire du Lac-Saint-Jean. Un jour, en discutant avec son frère, il m’expliquait qu’il partait avec deux amis faire le tour du Lac en vélo. Je trouvais amusante cette idée de partir comme ça, et je me suis dit qu’un jour, ça pourrait être tout aussi amusant de faire cette distance à la course », raconte-t-il.
Comme il se cherchait un défi pour la fin de sa saison de course, les choses ont rapidement déboulé. « C’est un projet personnel qui a pris beaucoup d’ampleur, affirme Thibault. On a réussi à avoir des partenaires comme mon employeur MEC, Salomon et la Microbrasserie du Lac-Saint-Jean. Le projet a pris une importance bien plus grande qu’anticipée avec mon passage dans les médias. Ç’a été une super expérience juste à le préparer. »
Comme personne ne semblait encore avoir tenté ce défi, son objectif n’était pas d’établir un temps, mais simplement de compléter l’épreuve.
Tout s’écroule
Avec un projet qui avait maintenant beaucoup de visibilité, des commanditaires, l’appui inconditionnel de sa copine, de sa belle-famille et de plusieurs amis, Thibault reconnaît qu’il avait une certaine pression à compléter l’épreuve. D’ailleurs, il n’avait même pas imaginé un abandon, il n’avait aucun plan B.
Après un départ facile à 6 h le matin, sa condition se détériore rapidement le samedi soir, presque à la mi-parcours. « Je me suis allongé, j’avais plus de forces dans les jambes et le mental n’était plus là avec la noirceur et la pluie dans la portion la plus ennuyante du parcours. Je n’avais aucune envie de me relever. Quand je me suis relevé, mes genoux ne tenaient plus du tout. C’est là que j’ai pris la décision d’arrêter après 122 kilomètres. »
Une décision crève-cœur, qui l’a complètement dévasté. « Ç’a été super dur. Je n’arrêtais pas de répéter : “tout ça pour ça !” ».
L’espoir renaît
C’était sans compter sur sa copine, Amélie Dufour, qui propose alors à l’équipe de terminer le défi à relais. « Ç’a été un moment de réflexion relativement court pour ce qui restait à faire, tout de même 128 kilomètres. Tout le monde a accepté, ils ont été absolument incroyables et aujourd’hui je peux dire que c’est probablement la plus belle aventure humaine que j’ai vécue du haut de mes 33 ans. »
« Mon beau-frère Michael, qui se préparait pour son premier marathon, a explosé son plan d’entraînement en parcourant 50 kilomètres, dit-il. Ma blonde a couru finalement plus de 70 km. Ça a été hyper émouvant, je ne pouvais pas croire qu’ils faisaient ça pour moi. »
Une fin très émouvante, où ils ont tous couru ensemble pour compléter le dernier tronçon. « Il y avait pas mal de monde pour nous accueillir. Il ne faut pas se mentir, c’était principalement ma belle-famille qui s’est prise au jeu », reconnaît Thibault.
Période de réflexion
Maintenant bien remis physiquement et mentalement de son épreuve, il se demande ce qu’il aurait dû faire pour se rendre jusqu’à la fin. « Est-ce qu’une meilleure gestion de course aurait permis de mieux contourner les difficultés de l’asphalte : courir 5 km et marcher 1 km en alternance. Est-ce que ça m’aurait moins fatigué, peut-être? C’est difficile à dire. »
S’il ne compte pas refaire cette aventure dans l’immédiat, il ne met pas pour autant une croix sur cette possibilité. « C’est sûr que le coureur d’ultras en moi a un goût d’inachevé, même si ce fut une belle aventure humaine, relativise Thibault. C’est possible que je le fasse plus tard, comme dans cinq ans. Cinq ans, c’est peut-être suffisant pour oublier à quel point ça fait mal. »
Entre temps, il compte mettre à profit les nombreuses images recueillies lors de son aventure : « J’ai comme projet de me développer dans les médias comme mon ami, Richard Mardens, un Belge récemment arrivé au Québec, qui souhaite faire sa place dans ce domaine, dit-il. On beaucoup filmé avec du matériel professionnel, dont des drones. On espère réaliser un court-métrage d’une dizaine de minutes pour ultimement le soumettre à des festivals. »
Le site Web de la collecte de fonds de Thibault.