Samuel Tousignant n’a pas délaissé la route malgré ses succès sur les sentiers – Photo : Marathon des Érables
L’année 2018 a été exceptionnelle pour Samuel Tousignant. Ce coureur sur route, qui a récemment ajouté les sentiers à son arsenal, peut s’enorgueillir de deux podiums cette année, avec des troisièmes places obtenues au 100 km du Québec Méga Trail et au 160 km du Bromont Ultra. Cet ancien ingénieur, reconverti en entraîneur de course, démontre bien qu’il met en application toutes les leçons qu’il donne.
C’est avec une certaine appréhension que Samuel Tousignant s’est présenté à la ligne de départ du 160 km du Bromont Ultra. Ébranlé par sa difficulté à compléter le 125 km de l’Ultra-Trail Harricana, il remettait même en question ses projets d’ultra.
« J’ai trouvé ça interminable ! Pour Harricana, j’accuse les organisateurs, sans doute à tort, de mettre des pancartes à chaque kilomètre, dit-il en riant. Ça démontre encore plus à quel point c’est long. J’aime finir mes courses, retrouver le monde et avoir du plaisir, mais ce moment-là n’arrivait jamais ! Mon mental a flanché durant la course. »
Après une période de repos et un recul, son désir de s’attaquer au 160 km du Bromont Ultra, son tout premier 100 miles, est peu à peu revenu. « J’ai réussi à reconstruire mon mental la semaine avant Bromont. J’ai simplement relativisé les choses par rapport à ceux qui ne peuvent pas courir ou qui courent malgré un handicap », avoue-t-il.
Un partenaire de course
Sylvain Lavoie, un compétiteur avec lequel Samuel a eu à batailler lors du Québec Méga Trail et d’Harricana, prenait également le départ du BU 160. « Je me suis dit : “Je vais partir avec lui, je sais qu’il est de ma vitesse”. On a fait plus de 100 km ensemble. Ça passe beaucoup plus vite avec quelqu’un », affirme-t-il.
Après avoir pris congé de Sylvain et d’un autre coureur, Samuel est allé rejoindre en solo son meneur d’allure au kilomètre 120. « À partir de ce moment-là, j’ai tourné mon cerveau à off, car j’avais quelqu’un pour me guider. C’était la nuit, il pleuvait beaucoup et tout allait bien jusqu’à ce qu’on rencontre, de face, le cinquième coureur, se souvient-il. On s’était égarés! »
Une mésaventure qui s’est au final bien terminée. « Étrangement, j’ai pris ça un peu à la légère. Ça a été surtout difficile pour mon pacer qui se sentait un peu coupable, affirme Samuel Tousignant. On s’est rendus sans embûche jusqu’à la fin sans comprendre comment on avait pu perdre notre chemin. »
Toutes les courses auxquelles Samuel a participé cette année étaient des premières en terme de distance, sa plus longue course a vie ayant été le 80 km du Bromont Ultra en 2017. « De finir troisième au 100 km du Québec Mega Trail, septième au 125 km d’Harricana et troisième au BU 160, c’était au-delà de mes attentes, affirme l’athlète. Faire un podium, ce n’est pas quelque chose que je visais. Mon objectif, c’était simplement compléter les distances pour me qualifier pour l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. »
La conférence qui a changé sa vie
Si la course à pied fait maintenant partie du quotidien de Samuel au point d’en être un gagne-pain, ce ne fut pas toujours le cas.
« Lorsque j’étais ingénieur, j’ai assisté à une conférence de Pierre Lavoie sur l’importance de la santé. Plusieurs éléments de cette conférence m’ont ébranlé. J’étais dans le domaine du transport et du militaire alors que, ce que je voulais, c’était de contribuer moi aussi à améliorer la santé des gens. Ma conjointe est médecin et 80 % de son travail disparaîtrait si les gens mangeaient bien et faisaient de l’activité physique. »
C’est en développant un logiciel d’entraînement pour son entraîneur de course, Robin Richard-Campeau, que le déclic s’est fait. « Durant une longue sortie, je me suis dit : “Pourquoi ne pas m’associer à lui? J’ai déjà un pied dedans.” De son côté, Robin ne voulait pas desservir une clientèle débutante et intermédiaire, alors qu’il y avait beaucoup de besoins de ce côté. On a fait nos devoirs et j’ai fait le saut », explique celui qui est devenu entraîneur de course.
Une décision que Samuel Tousignant n’a jamais regrettée. « J’ai laissé beaucoup d’années d’études et un bon salaire pour me lancer dans une passion. Même aujourd’hui, c’est un bon trou dans le budget, mais c’est quelque chose que j’ai accepté, avoue-t-il. Mon entreprise, Pro-Forma, s’est développée par le bouche-à-oreille : chaque fois que j’entraînais un ami, il parlait de moi à une autre personne, et ainsi de suite. »
Un coureur hybride
Contrairement à bien des coureurs qui ont totalement délaissé la route pour le sentier, Samuel Tousignant combine encore les deux activités, un peu à l’image de l’athlète bromontois Alister Gardner. « C’est un de mes modèles et c’est un athlète qui m’inspire, dit-il. Je fais de la route la moitié de l’année et du sentier l’autre moitié. »
Il a d’ailleurs réalisé son meilleur temps à vie sur un 10 km sur route, à LaSalle, en mars dernier. Un exercice auquel devraient s’astreindre les coureurs en sentier, selon lui. « Tu n’as pas le choix d’avoir de la vitesse sur route pour performer en trail et plus ton entraînement sur route est long, plus ça va aider », précise-t-il.
Pour ses projets futurs, il a finalement décidé de mettre de côté sa participation à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. « C’est à la fin d’août et, comme j’ai trois enfants, c’est en plein dans la rentrée scolaire. Je tente de trouver une autre course en Europe, peut-être le Eiger Ultra Trail, en Suisse. C’est le 19 juillet 2019, le jour où je vais avoir 40 ans. Je prends ça comme un signe », conclut-il.