Philippe Cloutier-Lévesque, le guerrier qui doit courir pour éviter la douleur

Philippe Cloutier-Lévesque
Philippe Cloutier-Lévesque (à gauche) lors d'un événement hivernal - Photo : courtoisie

Ce n’est pas la spondylarthrite ankylosante (SA) qui arrête Philippe Cloutier-Lévesque. L’athlète de 43 ans s’est donné l’objectif de réussir des courses d’endurance parmi les plus extrêmes à travers le monde jusqu’à ses 50 ans. Dans sa mire, le Marathon des Sables, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, la Diagonale des Fous, le Tor des géants, et, pourquoi pas, la Barkley!

Le diagnostic est tombé il y a cinq ans. La SA est une forme d’arthrite inflammatoire qui affecte la colonne vertébrale et les articulations sacro-iliaques. La maladie ne rend pas la vie simple tous les jours : certains matins, Philippe prend une bonne vingtaine de minutes au sortir du lit pour « revenir à la normale » et il descend les escaliers sur le côté.

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« La douleur est toujours présente. Ce n’est pas comme si on te plantait un couteau dans le corps, c’est juste que c’est pesant, je suis raide », explique-t-il.

La solution? Rester actif. « Si je ne bouge pas, je vais être obligé de prendre des injections d’anti-inflammatoires, dit encore Philippe. Pour moi, il y a un lien direct entre mon niveau d’activité physique et mon bien-être. »

« En restant actif, mes vertèbres ont moins de chances de se souder ensemble. Je n’ai pas de contrôle sur ma maladie, mais je peux rester actif », ajoute Philippe, qui réside à Saint-Lin-Laurentides.

D’ailleurs, son état en a pris un coup lorsqu’il a vu ses fonctions changer au sein de l’entreprise pour laquelle il travaille. Alors qu’il est mécanicien de chantier, il est passé à du travail de bureau. « Depuis un an et demi, je suis resté assis toute la journée, et j’ai vraiment détérioré depuis ce temps-là. »

En raison de la pandémie, il est comme tout le monde en télétravail, et a donc pu installer un poste de travail sur son tapis roulant. Il marche donc presque toute la journée, deux ou trois fois par semaine, ce qui lui fait du bien.

À fond dans les obstacles

Philippe Cloutier-Lévesque
Philippe Cloutier-Lévesque lors d’une compétition d’obstacles – Photo : courtoisie

« Ça ne fait pas longtemps que je cours, c’est depuis que je sais que j’ai cette maladie que j’ai repris le sport », raconte Philippe. Il s’est surtout tourné vers la course à obstacles, où il a commencé à avoir des succès, se plaçant fréquemment dans le top 5 des différentes courses auxquelles il a participé.

« J’ai fait tout le circuit des courses à obstacles au Québec, j’ai été un peu excessif, avec une douzaine de compétitions par saison. Ça a été un peu trop pour la vie familiale », confesse-t-il, alors qu’il est père de trois enfants.

Très en forme, lorsqu’il terminait une compétition, il la refaisait deux ou trois fois « pour le plaisir », les courses à obstacles étant souvent assez courtes. En 2017, il s’est classé deuxième dans la catégorie « open » sur un championnat du monde en Islande et 8e dans la catégorie élite.

« Pour moi, les obstacles c’est facile, mais la course, c’est plus difficile », explique Philippe, qui voit les changements liés à l’âge s’opérer dans son corps. Un peu moins impulsif, mais plus endurant, il s’est lancé dans l’ultra-trail et a complété quelques-unes des grandes courses québécoises comme le Québec Méga Trail ou l’Ultra-Trail Harricana, en plus d’avoir pris part au demi-marathon des Sables dans le désert d’Ica, au Pérou.

Victoire surprise sur la Big Wolf Backyard Ultra

Philippe Cloutier-Lévesque
Philippe Cloutier-Lévesque lors du Big Wolf Backyard Ultra, chez lui – Photo : courtoisie

Pour 2020, Philippe voulait faire trois grandes compétitions, soit une course à obstacle de 24 h à Terrebonne, le 160 km de l’Ultra-Trail Gaspesia, qui aurait été son premier « 100 miles », et la Big Wolf’s Backyard Ultra (BWBU). 

Si les deux premiers événements ont été annulés en raison de la pandémie, c’est finalement sur la BWBU qu’il s’est illustré en septembre dernier, en remportant l’édition virtuelle de cet événement unique en son genre.

Philippe Cloutier-Lévesque a en effet été « the last man standing », le « dernier debout » de cette compétition où les participants doivent, chaque heure, prendre le départ d’une boucle de 6,7 kilomètres, jusqu’à l’épuisement. 

Après 25 heures et un total de 166,7 km, Philippe n’avait plus d’opposant, et a donc été déclaré gagnant. S’il avait comme objectif de courir pendant 30 heures, il se dit satisfait tout de même d’avoir fait plus de 160 km.   

« J’ai vraiment embarqué dans le jeu », dit-il. Il s’était créé un point de ravitaillement à la maison avec une tente 10 par 10, un lit de camp et de la nourriture. Il s’était tracé un parcours dans son quartier, qu’il avait validé plusieurs fois pour obtenir la distance exacte.

Il a enfilé les boucles, heure après heure, par un beau samedi qui avait des airs d’été. Des amis sont venus l’encourager, même en plein milieu de la nuit.

Comme dans toute épreuve de longue distance, il a fréquenté les pensées noires et les envies d’abandon, mais n’a pas lâché. « Ce qui était terrible avec cette course virtuelle, c’est que je ne voyais pas les autres, alors je n’avais aucune idée s’ils se sentaient bien ou s’ils faiblissaient. »

En raison de la maladie, il avoue ne pas avoir été à son sommet de forme physique. Après 12 heures, les douleurs sont devenues importantes, et il a dû adopter une nouvelle stratégie alternant la marche et la course. « Ça a été un acharnement, mais je voulais atteindre mon objectif personnel. »

Après 25 heures, il s’apprêtait à repartir pour une nouvelle boucle, lorsqu’un ami, qui surveillait les réseaux sociaux, lui a dit « attend! Tu as gagné! » « Je n’étais pas prêt à arrêter, j’étais bien et heureux », affirme Philippe.

Avoir gagné, « ça a été un moment de fierté épouvantable! » lâche-t-il, en se rappelant l’émotion et les pleurs.

« Le concept de la Big Wolf’s, c’est ça que je recherche. Je veux faire des courses hors de l’ordinaire, pas des courses communes. Ça me pousse à me dépasser. Je n’irai jamais vers la facilité », lance-t-il.

En 2021, il est clair : « je vais tout faire pour être, encore une fois, le dernier homme debout » lors de la prochaine édition de la Big Wolf Backyard Ultra. Il devrait aussi reprendre ses objectifs sur la course de 24 h à Terrebonne, l’Ultra-Trail Gaspesia, et un retour au Québec Méga Trail.

Ameilie Samson a contribué à la recherche et à la rédaction de cet article.

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