Nathalie Mauclair – Photo tirée de Facebook
ENTREVUE EXCLUSIVE
Distances+ s’est entretenu avec l’athlète qui a remporté l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) en 2015, ainsi que les championnats du monde de trail et la Diagonale des Fous deux fois, mais qui a connu un léger recul en 2016. Pour mieux rebondir?
Une vilaine chute. Au 12e kilomètre de sa course la plus importante de la saison, les championnats du monde de course en sentier, au Portugal, Nathalie Mauclair est tombée.
L’athlète française de 46 ans s’est alors rendu compte qu’il serait difficile de conserver son titre de championne du monde, qu’elle tentait de ravir pour la deuxième année consécutive et pour la troisième fois de sa carrière.
« C’était au tout début de la course! Il y avait plein de cailloux, et je savais que c’était une descente dangereuse pour moi », dit Nathalie. Les descentes, c’est sa grande faiblesse, reconnaît-elle. Puisqu’il n’y a pas de dénivelé dans sa région, la Sarthe, elle s’entraîne toujours sur le plat.
« C’était la nuit, j’ai abordé la descente avec un peu d’appréhension, et puis voilà, j’ai chuté, explique-t-elle. Je me suis fait mal à une côte et j’ai eu un traumatisme au niveau du diaphragme. » Toutes les séances d’hypnose qu’elle a suivies, à se voir comme une petite chèvre qui gambade dans les pentes, n’auront pas été d’une grande utilité cette nuit-là. Finalement, elle a terminé juste au pied du podium, en quatrième position.
« Je me suis dit : Mince! J’ai mobilisé beaucoup de temps et d’énergie pour une quatrième place… C’est un peu médiocre, quoi! Ça vient alimenter la déception! »
Sereine malgré tout, elle est fière d’avoir contribué à ramener en France la médaille d’or des équipes nationales. Avec ses compatriotes Caroline Chaverot et Aurélia Truel, elles ont cumulé le plus court temps de course collectif.
Grande gagnante de l’UTMB 2015
Les émotions vécues au Portugal n’avaient rien à voir avec celles que Nathalie a vécu l’an dernier à l’UTMB, qu’elle a remporté chez les femmes. Après 25 h 15 min, elle est passée sous l’arche à Chamonix et s’est assuré une place au firmament des vedettes de la course en sentier.
« J’ai vécu quelque chose de formidable en terme d’émotions, de souvenirs de course, de beauté de paysage », se souvient Nathalie, qui n’hésite pas à qualifier de plus beau moment de sa carrière d’athlète cette victoire. « L’accueil à Chamonix était fabuleux, avec le public qui m’acclamait sur plus de deux kilomètres. C’était un moment très, très fort! »
Pour ne pas altérer la grandeur de ses souvenirs et l’impact de ses émotions, Nathalie sait qu’elle ne retournera plus à l’UTMB. « Si j’y retourne, il y aura forcément une déception. Ce que j’ai vécu, c’est vraiment trop beau. Je ne le referai pas. »
Le Marathon des Sables en toute insouciance
Par contre, de façon presque nonchalante, Nathalie s’était inscrite au Marathon des Sables 2016, au Maroc. Celle qui a aussi gagné deux fois la Diagonale des Fous de l’ile de La Réunion, chez les femmes (2013-2014), s’est dit que ce défi était à sa mesure.
« Je me suis inscrite sans avoir vraiment regardé, avoue-t-elle en riant. Je me suis dit que j’étais capable de faire 170 km sans arrêt, alors faire 260 km en cinq jours, c’était faisable! »
Mais le Marathon des Sables est un raid bien différent. Il faut porter dans son sac à dos un équipement assez lourd et endurer des températures extrêmes. « Oh là là! Je n’avais pas pris toute la mesure! », dit Nathalie, qui a mis les bouchées doubles à l’entraînement en début d’année pour être fin prête.
Elle a terminé deuxième et, au passage, a découvert en elle de nouvelles ressources. « J’ai appris que j’avais de grandes capacités d’adaptation. Je ne savais pas que je pouvais courir dans le sable, et j’ai été capable de le faire. Aussi, j’ai réalisé ma capacité à me mettre entre parenthèses, c’est-à-dire à me consacrer totalement à ce que je fais », dit-elle.
« Au cours du Marathon des Sables, on vit une aventure, on vit le moment présent. Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que pendant cette semaine-là, on est coupé de la réalité de notre quotidien. On n’a pas d’informations sur notre monde et notre société. On est dans l’immersion de notre course. Ça amène à une découverte de soi-même. »
Une ascension tardive
Des découvertes, Nathalie en a déjà fait beaucoup dans sa vie. La plus importante, et la plus surprenante, c’est assurément la découverte de ses capacités d’athlète, à l’âge de 40 ans.
Car c’est là l’un des phénomènes les plus étonnants : Nathalie Mauclair ne court que depuis six ans! « Oui, des fois, il faut que je me pince! C’est quand même fabuleux : je ne savais pas que j’avais ces capacités-là. Je ne connaissais pas le plaisir de faire du sport à ce niveau-là », dit-elle.
Il faut revenir en arrière. C’était un 31 décembre, et plusieurs coupes de champagne avaient été vidées. Un ami a lancé à Nathalie, qui ne pratiquait pas sérieusement de sport, l’idée de faire le Marathon de la Baie du Mont Saint-Michel, quelques mois plus tard. Il avait lieu le jour même de son anniversaire.
« J’allais avoir 40 ans et je me suis dit que ce serait bien de relever ce défi pour passer une nouvelle dizaine », dit-elle. Elle découvre alors ses capacités insoupçonnées en endurance et en résistance, et termine le marathon
en 2 h 54 min.
Quelques mois plus tard, elle fait un deuxième marathon en 2 h 49 min, et décroche du coup le titre de championne de France chez les vétérans! « J’ai attrapé le virus de la course à pied », reconnaît-elle.
Elle passe rapidement à la course en sentier et se lance dans les ultras, en « grillant quelques étapes ».
L’âge n’a donc jamais été un obstacle pour Nathalie Mauclair. « Je suis âgée, pour une coureuse, mais “physiologiquement”, je suis jeune. Je n’ai pas toute cette fatigue physique et mentale d’avoir couru pendant des années, alors j’ai une certaine fraîcheur. »
A-t-elle atteint le maximum de ses capacités? « Je pense pouvoir rester à un bon niveau international pendant au moins encore deux ans. »
L’équilibre repose sur un état d’esprit
Deux autres années à tenter de garder le fragile équilibre qu’elle a réussi à maintenir dans sa vie. Mère de deux enfants, âgés de 9 et 13 ans, elle concilie la vie de famille avec le travail et le sport.
Il aura fallu, au passage, passer à un emploi à temps partiel. Travaillant dans un centre de réadaptation, auprès d’une clientèle d’accidentés, de personnes obèses ou alcooliques, elle est à même d’apprécier sa chance d’avoir la santé et la force mentale pour faire du sport de haut niveau.
« Parfois, c’est difficile de concilier la vie de maman, de sportive et de professionnelle. Des fois, je me dis que j’enlèverais bien un peu du “professionnel”. Mais ce qui est vraiment important, c’est que j’ai une vie normale. C’est cet aspect qui, parfois, fait en sorte que je sers de modèle. J’arrive à faire des choses extraordinaires en compétition, mais je suis aussi une professionnelle et une maman. »
Ce sont les femmes que Nathalie rencontre qui le lui disent. Elle les inspire, quand elles la voient jongler avec les balles de la vie quotidienne et du sport. Mais si son mode de vie est une inspiration, son message ultime, sans aucun moralisme, est tout de même confrontant pour ceux qui se plaignent ou qui restent assis.
« Mon message, c’est de dire aux gens de prendre soin de soi, de profiter du monde, de notre belle planète, de tout ce qui nous entoure, de ne pas l’abîmer, et d’en profiter en allant courir dans les sentiers! »
Tout simplement.
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