Mathieu Blanchard avait terminé l’année 2017 avec une éclatante victoire à la TransMartinique, dans les Antilles françaises, et c’est sur l’île voisine, en Guadeloupe, qu’il lancera officiellement sa saison 2018 cette fin de semaine. Une saison qui aura comme point d’orgue le mythique Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) et qui pourrait bien être un tremplin vers les sommets internationaux pour l’athlète d’élite de l’équipe Salomon.
Après la TransMartinique, l’athlète Distances+ 2017 a marqué une pause,
« trois semaines au total, a-t-il précisé. J’en avais besoin parce que je ne m’arrête jamais. Je n’ai même pas fait d’abdos ou de vélo. Je pensais que j’allais devenir fou, mais en fait, pas du tout. En plus, j’avais de petites périostites, des tensions dans les tendons d’Achille et de petits trucs parasites qui ne m’empêchaient pas de courir, mais quand j’ai repris la course, ça m’a surpris de n’avoir aucune douleur. »
Il a repris l’entraînement « crescendo, avec un peu de piste et beaucoup de course au feeling » et en moins d’un mois, il courait déjà 150 km par semaine. Fin janvier, il a fait le 20 km du Trail de la Nuit polaire. Il a terminé deuxième derrière son ami Charles Benoit.
Ce vendredi, il sera au départ des Traces du Nord Basse-Terre, un ultra de 154 km et 6 400 m de dénivelé à travers la forêt tropicale, les plages des Caraïbes et les champs de cannes à sucre. Mais Mathieu a prévenu qu’il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il fasse une performance sur l’île de son enfance. « J’y vais pour la faire très, très relax, assure-t-il. La saison va être longue, alors je vais y aller cool. Je vais marcher dans toutes les montées et je ne vais pas descendre à 300 km l’heure pour ne pas risquer de me vriller une cheville. »
Cet ultra-trail guadeloupéen avait été remporté l’an dernier par le populaire népalais Sangé Sherpa.
Mathieu Blanchard a commencé la course en sentier en septembre 2016 et début 2017, il était déjà sélectionné par la marque Salomon pour participer à un camp d’entraînement pour les futurs coureurs en sentier d’élite. « Ça a chamboulé tous mes plans, se souvient-il. J’ai couru l’année dernière sans aucune planification. C’était au jour le jour, au rythme des invitations. Je participais à des courses très proches dans le temps. Franchement, c’était un peu le bordel, dit-il en riant. Alors, cette année, je me suis fait une planification complète, avec au moins un mois de repos entre les courses et des cycles d’entraînement qui intègrent une semaine d’arrêt complet après chaque course. »
Objectif UTMB
Fin mai, Mathieu s’envolera pour l’Europe afin de prendre le départ de l’Azores Trail Run, au Portugal, une course de 125 km pour 5 000 m de dénivelé, inscrite au calendrier Discovery de l’Ultra-Trail World Tour. « Je suis excité parce que je ne suis jamais allé aux Açores, s’enthousiasme-t-il. Ce sera une course d’entraînement, mais c’est sûr que je vais la faire à fond. Il y aura de bons coureurs et ce sera un bon test pour avoir des repères en vue de l’UTMB. » D’autant que le terrain sera rocailleux, comme dans les Alpes.
En juin, Mathieu Blanchard s’est engagé à courir deux nouvelles courses de la Belle Province, à savoir le 50 km du Trail La Clinique du Coureur, et le 100 km du Québec Méga Trail, la seule « grosse course au Québec » qu’il prévoit faire cette année. « Mon objectif, ce sera d’aller à fond. Les meilleurs coureurs du Québec seront présents. Il va falloir s’accrocher », commente-t-il.
En juillet et en août, il se concentrera sur sa fin de préparation. Il pense aller notamment faire de longues sorties avec du dénivelé dans les Adirondacks et les White Mountains. Il participera aussi à la Trans Vallée X, qui « s’aligne parfaitement avant l’UTMB ». Il l’a gagnée l’an passé. Ce sera sa dernière course d’intensité,
deux semaines avant le Mont-Blanc. « Je vais courir à fond dans toutes les parties non techniques », explique-t-il.
Flirt avec l’élite mondiale
L’UTMB, il envisage de le courir « à fond » — oui, c’est assurément son expression préférée —, mais il estime ne pas (encore) être au niveau de l’élite, comme
Xavier Thévenard, seul athlète au monde à avoir remporté toutes les épreuves individuelles de l’UTMB (UTMB, TDS, CCC et OCC), qui sera au départ lui aussi. L’été dernier, Blanchard a couru le 80 km du Marathon du Mont-Blanc et il avait l’impression d’être « une grand-mère » à côté de Thévenard, qui a remporté la course en 11 h 03. Mathieu s’était illustré dans cette course internationale très relevée en terminant 26e, un peu plus de trois heures derrière le champion français de l’équipe Asics.
« Je vais faire ma course, je vais partir fort les 10-15 premiers kilomètres, puis prendre mon rythme. Je veux finir. Ça reste l’objectif numéro 1 de toutes mes courses. Et puis, ma famille va être là (Mathieu Blanchard vit au Québec, mais il est français). Je veux être accueilli. J’en rêve. Les occasions comme celle-là sont rares. »
Fin d’année nomade
À son retour au Québec, Mathieu songe à filer dans la région de Charlevoix pour être présent à l’Ultra-Trail Harricana, « comme bénévole ou pour courir la “petite” course (le 28 km) tranquille, mais on verra, parce que je ne sais pas dans quel état je serai », souligne-t-il.
En octobre, le programme sera chargé. Il a été fraîchement invité au Maroc pour courir l’Ultra-Trail Atlas Toubkal, une course de 105 km pour 6 500 m de dénivelé qui l’amènera au-dessus de 3 500 m d’altitude dans le Haut Atlas. Puis, il passera de l’Afrique à l’Amérique centrale pour aller courir au Guatemala. « Là, c’est un trip de potes », dit-il, en précisant qu’il y aura Marianne Hogan (avec qui il a gagné l’été dernier la Transalpine en équipe mixte), Thomas Duhamel et Charles Benoit.
Et tous ces coureurs d’élite se retrouveront en décembre en Martinique, comme en 2017, où Mathieu avait fêté ses 30 ans. Il tentera de défendre son titre.
Top 10 mondial d’ici cinq ans
En 2019, « j’aimerais vraiment participer aux courses de l’Ultra-Trail World Tour.
Je préfère y aller avec un peu d’expérience », a-t-il expliqué, raisonnable.
Le coureur Salomon est très ambitieux. « Sur un horizon de cinq ans, j’aimerais faire un top 10 [au classement général de l’Ultra-Trail World Tour], prévient-il. C’est en courant aux côtés d’athlètes de haut calibre, comme l’Américain Max King et l’Espagnol Tofol Castanyer, et en constatant qu’il était à l’aise, qu’il s’est rendu compte qu’il avait les moyens de ses ambitions.
Reste un problème majeur : « Il manque du gros dénivelé à mes entraînements, déplore-t-il. Il faut arriver à en faire beaucoup plus pour être capable de rivaliser avec les meilleurs dans les Alpes, par exemple, où les montées sont très longues. » Le genre de pentes qu’il devra affronter l’été prochain, lors de l’UTMB.