Mathieu Blanchard remporte une course d’une difficulté extrême dans la forêt tropicale guadeloupéenne

Traces du Nord Basse-Terre

Mathieu Blanchard passe la ligne d’arrivée des TNBT 2018 en vainqueur – Photo : courtoisie

Mathieu Blanchard avait décidé de lancer sa saison d’ultras dans les Antilles françaises, là où il a grandi, en Guadeloupe. Le Montréalais retournait sur l’île de son enfance davantage pour réaliser un gros entraînement, préalable à une année animée. Et il a gagné la course, bouclant en 29 h 31 les 154 km des Traces du Nord Basse-Terre à travers entre autres une dense forêt tropicale. Mais il ne s’attendait pas à vivre cette expérience de fous, potentiellement traumatisante, dans laquelle il s’est mis en danger.

À chaud, Mathieu Blanchard semblait avoir été fortement ébranlé par cette épreuve qu’il venait de remporter. En manque de lucidité, il avait du mal à mettre des mots sur cette aventure apparemment hors du commun.

« J’ai jamais fait un truc aussi dur de toute ma vie », avait-il lâché après avoir passé la ligne d’arrivée. Puis, plus rien. Mathieu, qui était venu en Guadeloupe sans aucune prétention, sans se mettre de pression, a eu besoin de temps pour digérer ce qu’il avait traversé dans la jungle. « J’ai puisé très profond », a-t-il raconté à Distances+ une semaine après sa victoire. « Cette course est à classer « hors catégorie » selon moi. Sur une échelle de niveau de difficulté de 1 à 10, je lui mets 10! »

La Diagonale des fous serait facile à côté des TNBT

Avant le départ, quatre coureurs d’ultras expérimentés l’avaient prévenu que la Diagonale des fous était « beaucoup plus facile » que les Traces du Nord Basse-Terre (TNBT). Il n’a jamais pris le départ du Grand Raid, qui traverse l’île de La Réunion, mais il reconnaît que, sur le coup, ça l’a un peu inquiété. Et il a assez rapidement eu la confirmation que le TNBT ne serait pas qu’une partie de plaisir.

D’abord parce que le parcours est techniquement hors-norme. « On parle ici de « traces » et non de sentiers, ce n’est pas pour rien, souligne Mathieu Blanchard. Ces passages sont très peu empruntés, la nature règne en maître et le fait sentir. Et il faut ajouter à cela le passage de l’ouragan [Maria, mi-septembre dernière]. Certaines sections étaient de la course à obstacles naturels. Il y avait des troncs, des lianes, de la boue jusqu’aux genoux, il fallait ramper et escalader pour avancer. » Escalader n’est pas une exagération, a pris la peine de préciser l’athlète Salomon, qui a dû grimper et descendre plusieurs « murs ». À tel point qu’il lui a parfois fallu 30 minutes pour ne parcourir qu’un seul kilomètre.

Après s’être perdu, et avoir retrouvé son chemin un peu par hasard, notamment en compagnie du Québécois Félix Guèvremont – qui a plus tard été contraint à l’abandon comme la moitié des autres participants -, il s’est attaqué seul à la jungle et a parcouru ainsi 90 km jusqu’à Deshaies. Lorsqu’il est arrivé à la base de vie de Pointe-Noire, il a bu deux litres d’eau en moins d’une minute, se souvient-il. « Tout le reste du parcours a été un mix de plages où le soleil chauffe fort et les pieds s’enfoncent dans le sable, quelques champs de cannes à sucre, des bananeraies et quelques mornes, les montagnes antillaises. »

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Mathieu Blanchard est arrivé avec 7 heures d’avance sur le deuxième des TNBT 2018 – Photo : courtoisie

Conditions extrêmes

En décembre dernier, Mathieu avait remporté la TransMartinique, mais ça ne l’a pas empêché, deux mois plus tard, de subir le « climat extrême » de cette partie de la Guadeloupe. « J’ai eu très froid en altitude, à la limite de l’hypothermie, et très chaud en bas », raconte-t-il. Par rapport à sa course en Martinique, il a trouvé que cet ultra en Basse-Terre était « plus technique, plus froid, plus chaud et plus long ». Rendez-vous compte, il a parcouru en fin d’année dernière 138 km en 19 h 36 sur l’île voisine. Il lui aura fallu courir 10 heures de plus pour seulement 16 km de plus! Et il a terminé plus de 7 h avant le deuxième.

Si Mathieu Blanchard est un coureur élite avec un potentiel énorme, il est le premier à dire, d’une certaine manière, qu’il est encore un « débutant » dans la course en sentier. En ce sens, cet ultra aura été pour lui une « grosse leçon ».

« J’ai souffert, reconnaît-il. C’est certain que le parcours est impitoyable et que tout ultra-traileur va passer par des moments extrêmement difficiles ici, mais j’aurais largement pu limiter cela en préparant mieux ma stratégie de course. »

« Grosse leçon »

Il regrette aussi d’avoir « mal analysé le parcours ». Ce qui aurait pu avoir de graves conséquences s’il n’avait eu quelques connaissances en matière de survie, se félicite-t-il. « J’ai manqué trois ravitaillements en début de parcours, ce qui m’a valu la souffrance de ne pas boire et manger pendant presque 12 heures! J’ai eu très peur. »

« Malgré la stratégie de rester économique, tu t’exténues dans tous les cas, explique-t-il, car il faut que tu avances dans ce labyrinthe, et même au ralenti, tu t’épuises. »

Peu de temps après la course, Mathieu avait publié plusieurs photos de l’état de ses jambes, coupées de partout. « Les végétaux sont tellement denses sur ces « traces », parfois très coupants, que tu ne peux éviter les écorchures. Je porterai des bas montant jusqu’aux genoux la prochaine fois », promet-il, en transformant immédiatement ses erreurs en acquis pour la suite.

Photo: Mathieu Blanchard
Photo : Mathieu Blanchard

« Je suis aussi allé visiter des limites intérieures bien plus lointaines qu’auparavant », a-t-il confié à Distances+, en soulignant qu’il éprouvait « de la gratitude d’être arrivé au bout de cette aventure », et qu’il avait « pris beaucoup d’expérience ».

Mathieu Blanchard va se souvenir longtemps de son retour en Guadeloupe. Il a quitté l’île dans un intense état de fatigue, mais sans aucune blessure. Il a récupéré tant bien que mal et passé une fin de semaine « en hibernation », il dit avoir réussi à récupérer et être « prêt à reprendre, avec un mental plus fort ».

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