Marie Leautey alias Lootie Run traverse les États-Unis de Seattle à New York

Elle fait le tour du monde en courant

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Marie Leautey fait le tour du monde en courant en transportant sa valise dans une poussette - Photo : courtoisie

Fin juin, à quelques jours de boucler sa traversée de l’Europe en courant, Distances+ s’était longuement entretenu avec Marie Leautey (alias Lootie Run) pour découvrir cette athlète hors du commun qui a débuté le 6 décembre 2019 un tour du monde en courant, en solo, au rythme d’un marathon par jour. Après plus de 15 000 km parcourus en Europe, du Portugal à la Turquie, Marie a réussi à entrer aux États-Unis pour s’élancer dans la traversée de son deuxième continent, l’Amérique du Nord d’ouest en est, à la seule force de ses jambes et de sa poussette. Partie de Seattle début juillet, elle continue son gigantesque périple et compte bien rallier New York avant la fin novembre. À la faveur d’un jour de repos, Distances+ a repris des nouvelles de cette femme incroyable, aux ressources inépuisables.

Arrivée en fanfare au bout de l’Europe

Marie Leautey
Marie Leautey parcourt un marathon par jour six fois par semaine – Photo : courtoisie

Lorsqu’elle a quitté son quotidien fin 2019, Marie prévoyait un parcours en Europe de « seulement » 7000 km environ pour rejoindre Istanbul, au plus court. Mais entre les confinements et les restrictions sanitaires, Marie a en fait couru 15 000 km sur le sol européen pour « attendre » que les frontières rouvrent. En s’éloignant de son itinéraire initial, elle a découvert des régions superbes, mais elle était pressée de voir enfin le bout de l’Europe.

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Elle a finalement rallié Istanbul le 24 juin, accueillie en grande pompe par le consul général de France dans les jardins du Palais de France. « C’était un des premiers événements que le consulat pouvait organiser depuis le déconfinement, alors ils ont mis les petits plats dans les grands avec ligne d’arrivée, petits fours et couverture médiatique », se souvient Marie. L’ultra-marathonienne n’est pas habituée à ces honneurs, mais elle a apprécié de clôturer en fanfare cette première page de son tour du monde.


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Elle avait prévu de se rendre ensuite en Australie, mais la plus grande île sur Terre étant fermée aux étrangers, elle a encore dû modifier ses plans. Elle a réussi à obtenir une dérogation de la World Runners Association pour poursuivre son voyage planétaire en cassant le sens logique de progression, mais rien n’est simple en temps de pandémie. Le sol américain était encore interdit aux Français arrivant de France, mais étonnamment, pour ceux qui avaient passé au moins 14 jours en Turquie, les frontières étaient ouvertes… Marie a opté pour cette option. Elle a pour cela dû séjourner six jours de plus en sol turc, hébergée par le consulat.

Elle a atterri à Seattle avec sa poussette le 6 juillet et s’est fait vacciner avant de prendre la direction de la grosse pomme.

Une découverte fabuleuse

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Marie Leautey traverse les États-Unis d’est en ouest, de Seattle à New York – Photo : courtoisie

« Je ne savais pas trop à quoi m’attendre sur les routes américaines, peut-être même que j’avais un peu peur, mais j’en suis à plus de la moitié de la traversée et tout est fabuleux », a-t-elle confié à Distances+, s’enthousiasmant autant des paysages que des personnes rencontrées durant ses pérégrinations. Cet émerveillement au quotidien est une source de motivation pour Marie qui court au moins un marathon quotidien. « Le kiff que je prends de savoir que, tous les jours, je pars à l’aventure! Ça aide forcément au niveau psychologique», confirme-t-elle.

Les longues lignes droites interminables des premiers États qu’elle a traversées ne l’ont pas effrayée. « La monotonie est bien apparente sur une carte et quand je planifiais mes parcours quotidiens, je me disais que ça allait être dingue de courir ainsi tout droit pendant 40 km, mais en fait je ne vois pas cette ligne droite, car autour de moi, ça change comme un film sur les côtés, explique-t-elle. Je vois toutes les diversités qu’offre la nature : les forêts verdoyantes du Minnesota, les grands lacs de l’Idaho, les paysages lunaires du Montana, les canyons magnifiques du Dakota du Nord… » Bref, Marie se régale et nous fait partager ces découvertes quotidiennes en publiant sur ses réseaux sociaux des petites vidéos retraçant la route et les photos du jour. 

Le saloon comme lieu de vie 

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Dans l’est des États-Unis, Marie Leautey a notamment découvert les saloons – Photo : courtoisie

Paradoxalement, dans ces États où la densité de population est très faible, Marie n’est jamais seule. « Ce qui est fou, c’est que je rencontre énormément de monde sur un continent où je ne connais personne. C’est très étonnant, aux antipodes de ce que j’ai vécu en Europe. Les gens sont très curieux et très bienveillants, ils n’hésitent pas à m’offrir le gîte et le couvert, à partager une bière. »

Et des bières, elle en boit un certain nombre, car après une demie journée de course à pied, il faut bien s’occuper et, ici, dans le nord des États-Unis, si rural, le seul lieu de vie et d’animation, c’est le saloon. Et forcément, lorsque Marie débarque dans ces établissements, elle dénote complètement. « Systématiquement, je suscite la curiosité, a-t-elle pu constater. Ils m’ont parfois croisée le matin sur la route avec ma poussette, alors ils veulent savoir ce que je fais là, mais toujours avec empathie. »

Dans ces endroits très isolés, il n’y a pas de touristes et jamais d’étrangers. Les gens du coin n’ont, eux-mêmes, jamais voyagé, dit-elle. « Ils sont bluffés par ce que je fais et aussi, souvent, émus quand je leur raconte mon histoire, car pour eux, faire 40 km, qui plus est à pied, c’est inconcevable, c’est une frontière qu’ils ne franchiront jamais. »

Une autre différence notable avec l’Europe, c’est le rapport à l’argent, constate Marie. « Ici, ils ont plus le réflexe de contribuer financièrement à l’aventure. Pas mal de mes nouvelles connaissances me mettent une liasse de billets dans la main “pour le voyage”, me précisent-elles ». Marie accepte ces dons, mais assure les reverser entièrement sur le compte de l’ONG « Women for Women association » qu’elle représente, ravie que le compteur des contributions décolle un peu. 

Par contre, il y a un des clichés américains auquel Marie aurait bien préféré éviter de se frotter, c’est celui de l’omniprésence des armes et de la défense de la propriété privée. On ne rigole pas avec cette notion dans cette partie des États-Unis. Marie avait bien vu quelques panneaux « propriété privée » sur la trace qu’elle avait choisi d’emprunter un matin, mais sans trop s’en soucier. Or, au bout du chemin, « je suis tombée sur un gars pas content du tout qui était en train de charger tous ses guns dans sa voiture pour a priori une partie de chasse et qui m’a expliqué que j’avais “trespassé”. Là, j’ai réalisé que j’avais commis une énorme erreur. » Car « trespass », aux États-Unis, c’est se rendre coupable de violation de propriété et c’est risquer de se faire tirer dessus sans vergogne, car le propriétaire est dans son bon droit et n’aura même pas besoin de prouver sa légitime défense pour expliquer son geste. « J’ai eu un gros coup de mou parce que j’ai senti que ça pouvait déraper, alors je n’ai jamais couru aussi vite de ma vie pour faire demi-tour », raconte-t-elle.

Tout roule ou presque 

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Marie Leautey court en poussant une poussette dans laquelle elle transporte ses affaires – Photo : courtoisie

Mis à part cet épisode malheureux, tout roule pour Lootie. Enfin presque. Arrivée sur le sol américain, elle a chargé sa poussette de 5 kg supplémentaires d’affaires de camping pour assurer son gîte et son couvert pendant les longues étapes sans croiser de motel. Malheureusement, sa poussette a rendu l’âme. « Au départ, je ne comprenais pas pourquoi tout était beaucoup plus difficile, je le sentais dans les bras, dans les cuisses. Je devais fournir un effort énorme. » La structure de la poussette était en train de complètement se dérégler, gênant les transmissions de force. Marie a par chance retrouvé le même modèle d’engin dans une petite boutique et c’est reparti pour quelques milliers de kilomètres avec « Bob n°2 ».

Sur le plan physique et mental, la globe-trotteuse se porte comme un charme. Après 18 000 km parcourus, toujours aucune alerte, aucune douleur, « c’en est désespérant », plaisante-t-elle.

Elle constate qu’elle est très régulière : elle parcourt le monde à une vitesse de 6’39 min par kilomètre (9 km/h) en Europe et de 6’38 aux États-Unis. Non seulement elle ne semble pas accuser les effets de la fatigue, mais elle s’autorise même des petites pointes de vitesse avec des moyennes de 5’50 sur ses dernières journées.

Alors que certains coureurs mettent des semaines à se remettre d’un marathon, Marie poursuit son rythme de six étapes hebdomadaires et se permet d’augmenter progressivement les distances quotidiennes. En Europe, elle n’avait que 6 ou 7 fois dépassé les 50 kilomètres par jour, ici elle programme au moins une fois par semaine de telles étapes avec un maximum à 64 km.

« Je ne cherche pas les limites, mais augmenter la charge me permet d’apprendre sur moi, ça me donne confiance, et si un jour je dois passer le cap des 65 km pour des raisons de sécurité, je suis capable de le faire, ça me permet de découper les étapes différemment si besoin ». 

Ce qui étonne aussi Marie, c’est son adaptation au niveau alimentaire et métabolique. Comme elle se nourrit vraiment de façon locale, elle est soumise à des régimes alimentaires très variés suivant les pays traversés : hyperglucidique en Italie, très riche en protéines et en lipides en Grèce, complètement déséquilibré aux États-Unis… « Ça n’a aucun effet, ni sur ma performance, ni sur ma récupération », constate-t-elle.

Sujet d’étude 

« Plus je cours, plus mon corps est fort, remarque-t-elle. J’aimerais bien savoir ce qui se passe à l’intérieur pour comprendre comment je résiste et je progresse au fil des jours. Pousser ainsi l’effort d’endurance sur plusieurs années, il n’y a personne qui le fait », insiste Marie qui aimerait bien « donner son corps à la science » pour obtenir des réponses. Son souhait a d’ailleurs été entendu. Elle a été très récemment contactée par une équipe de l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) qui va mettre en place un protocole de collecte de données autour de sa performance. 

Et après?

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Marie Leautey sur les longues lignes droites dans sa traversée des États-Unis en courant – Photo : courtoisie

Marie aurait bien aimé faire un crochet par le Canada et tout particulièrement le Québec en passant par les chutes de Niagara, mais lorsqu’elle a programmé sa route, les frontières étaient toujours fermées et c’est maintenant trop compliqué pour elle de modifier une nouvelle fois son itinéraire. Elle a déjà mis le cap au Sud et se dirige vers une deuxième partie du continent, bien plus densément peuplé, s’apprêtant à traverser de grandes villes comme Minneapolis, Chicago, Pittsburgh, Washington et bien sûr New York, où elle est attendue le 25 novembre.

Ensuite, si tout va toujours bien, elle se lancera dans la traversée de l’Amérique du Sud, qui sera comptabilisée comme son troisième « continent ».

L’aventure devrait prendre une autre dimension, car un ami va venir la rejoindre pour l’assister, en particulier dans la traversée des Andes.

Distances+ aura l’occasion de revenir dans un prochain article sur la suite du périple.


Si vous souhaitez suivre Marie Leautey sur sa route, elle publie tous les jours les données de son étape (photos, commentaires, données GPS…) sur son blog : lootie-run.com. Vous pouvez également la suivre sur les réseaux sociaux. Un lien est également disponible sur son site pour faire un don sécurisé pour l’association WFWI.