Ludovic Pommeret : la surprise de remporter « enfin » l’Ultra-Trail du Mont-Blanc

27/08/2016 UTMB 2016 UTMB CHAMONIX ARRIVAL Ludovic POMMERET (FRA) takes 1st place © UTMB¨ - photo : Pascal Tournaire
Ludovic Pommeret, aidé de sa fille, au fil d’arrivée de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc en août 2016 – Photo : UTMB / Pascal Tournaire

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ENTREVUE EXCLUSIVE

Gagner l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), ça ne change pas le monde, sauf que… « j’ai quand même pas mal plus de sollicitations et d’invitations », dit Ludovic Pommeret, vainqueur de l’épreuve reine de l’ultramarathon en sentier cette année. Distances+ revient sur sa saison 2016 avec lui.

Le 28 août dernier, en 22 heures tout rond, le Français de 41 ans a inscrit son nom sur la liste des rois de l’ultra en terminant cette épreuve qui lui avait déjà fait connaître les échecs. En 2004 et en 2005, il avait dû abandonner, avec des blessures.

En 2010, le temps était tellement mauvais que l’organisation avait tout simplement annulé la course. En 2012, il ne faisait pas beau non plus, et Ludovic avait terminé 21e. « Avec tout ce qui m’était arrivé, cette fois, je m’étais dit que j’allais jusqu’au bout, coûte que coûte », dit-il.

Gagner cette course, sous l’œil de milliers de spectateurs et de caméras du monde entier, ça ne change pas le monde, surtout que la première place vient avec un bon d’achat de quelque 500 euros, et c’est tout. Mais la victoire apporte son lot de satisfaction intérieure. « De la fierté, c’est sûr, dit Ludovic. L’UTMB, c’est quand même une course qui a un rayonnement international. C’est une grande course, connue par beaucoup de gens. Même des gens qui ne sont pas dans le milieu me reconnaissent et me parlent. »

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Le titre de vainqueur apporte aussi de la pression. Maintenant, quand il participe à une course, Ludovic sent bien que les autres coureurs « veulent battre le gagnant de l’UTMB ». Il l’a senti notamment aux championnats du monde de trail, au Portugal, en octobre dernier. Ludovic y a obtenu la cinquième place.

Au moment de faire cette entrevue, il revenait des États-Unis pour une tournée promotionnelle avec son commanditaire. Il s’apprêtait à repartir pour la Chine et Hong Kong, afin de participer à une course. Oh non, ça ne change pas le monde!

« On se sert un petit peu de ça pour voyager! On va quand même là-bas pour faire une course. J’aime bien le combo “course-voyage”. » Qui ne l’aime pas!

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Ludovic Pommeret – Photo tirée de Facebook

Ce n’était pas gagné d’avance

Ludovic Pommeret est conscient qu’il ne comptait pas parmi les favoris lorsque le départ a été donné à Chamonix. L’UTMB est, de toutes les épreuves du calendrier de compétition, celle qui attire le plus grand nombre de coureurs de l’élite, de la plus haute élite. « Sur papier, j’étais relativement loin. J’étais un outsider. » On ne le voyait donc pas vraiment venir. « Je m’étais dit qu’un podium, ce serait bien. »

C’était un peu la surprise, mais aussi la joie de le voir arriver. Surtout qu’en cours de route, les difficultés se sont accumulées.

Après avoir pris un départ rapide — il était deuxième au premier poste de ravitaillement —, les choses se sont gâtées. Mal de ventre et nausée l’ont surpris, ce qui a laissé la chance à une cinquantaine de coureurs de passer devant lui.

« C’était fini pour faire une belle course », dit Ludovic, qui a ingéré quelques médicaments autorisés pour tenter de faire passer la douleur. « Je n’arrive pas trop à m’expliquer ce mal de ventre. Je ne pense pas avoir mangé quelque chose de spécial. C’est peut-être la chaleur, c’est peut-être la pression aussi. »

« J’ai fait ce que je fais d’habitude. Je cours avec de l’eau et des gels. Je n’ai pas changé mes habitudes. »

Il faut dire que l’ultra de plus de 100 km, ce n’est pas la spécialité de Ludovic. Ingénieur informatique, travailleur à temps plein, père de deux adolescentes, il se concentre plutôt sur les courses de 50 à 80 km, et plutôt à l’échelle européenne.
« Je trouve plus de plaisir sur des courses de 80 km. Les fois où je fais des ultras, je trouve ça tellement dur! », dit-il.

« Mais l’ultra, on y prend goût, parce que c’est tout un effort et il y a toujours des rebondissements intéressants. » Il ne faut pas oublier ses deux podiums à la Diagonale des Fous, à La Réunion. En 2009 et en 2014, il a terminé deuxième. Les ultras, c’est bien, surtout quand les résultats sont là.

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Ludovic Pommeret lors des championnats du monde de trail au Portugal – Photo : Armando Vieira

L’émotion à la ligne d’arrivée

N’empêche, cette victoire à l’UTMB est une belle victoire. « J’ai gagné beaucoup de courses dans ma vie, dit Ludovic. J’en ai gagné surtout au niveau local, et un petit peu à l’étranger, comme au Japon et à Hong Kong, mais je n’avais pas de grand titre marquant. »

Voilà qui est fait. En 2016, « c’était l’année où il fallait que j’y aille », dit Ludovic, qui n’est pas certain que son calendrier de courses lui aurait permis d’accumuler les points nécessaires pour compétitionner en 2017.

Tous ceux qui ont vu en personne ou en vidéo les arrivées sous l’arche des vainqueurs savent à quel point elles sont presque surréelles. Alors qu’une musique de Vangelis très dramatique joue dans toute la ville, le coureur s’élance au milieu des colonnes de spectateurs en liesse. Les flashs crépitent de partout alors que le gagnant savoure, les bras en l’air, sa victoire. Ludovic a vécu tout cela, frissonnant de part en part.

« L’émotion d’arrivée, c’est assez dur à décrire! Ce scénario de course a été improbable, avec pas mal de rebondissements. J’étais surpris d’être à cette position sur la ligne d’arrivée. Avec cet état de fatigue avancée, c’est… de la joie! On se demande si on n’a pas aussi de la peine, de mettre fin à ça, d’être arrivé, quoi… Mais bon, on est content que ça s’arrête, c’est certain!

Il y a la joie de partager avec tous les gens qui sont sur le bord. Dans les derniers kilomètres, c’est une file ininterrompue de spectateurs sur le côté. On n’est pas trop loin de l’arrivée, il ne peut plus nous arriver grand-chose. Il y a cette musique qui galvanise l’émotion. Oui, vraiment, c’est très difficile de décrire ce que l’on ressent… c’est de la joie! »

Des années d’amélioration

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Photo tirée de Facebook

Il faut croire que la supervision d’un entraineur aura beaucoup aidé Ludovic à atteindre le sommet. Depuis un an et demi, il a remis son sort entre les mains d’un professionnel qui le guide, analyse ses performances et le réoriente au besoin. Il dit avoir notamment beaucoup progressé sur le plat, lui qui est très habitué à courir en montagne. Pas étonnant, il habite dans le pays de Gex, à un jet de pierre de la frontière suisse, dans les montagnes.

« Je ne suis performant ni en montée, ni en descente, ni sur le plat, dit en riant Ludovic. Mais je n’ai pas de gros défaut nulle part! Je suis un coureur complet. Alors ça me donne un avantage sur ceux qui performent seulement dans l’une ou l’autre des catégories.

Est-ce que je suis sur un palier ou si je vais progresser? Je ne sais pas. On dit souvent que lorsqu’un athlète fait une bonne saison, la saison suivante est plus difficile. J’espère ne pas trop descendre la saison prochaine, parce que j’ai vraiment progressé les deux dernières années », dit Ludovic.

Au détour de cette question, on le sent rempli de cette assurance tranquille des gens qui ont accompli, qui ont vécu et qui ont bâti. Pas trop inquiet, presque avec légèreté, Ludovic Pommeret regarde la saison à venir en sachant qu’on ne peut plus lui enlever ce qu’il a accompli. Il vise à se qualifier de nouveau pour l’équipe de France. Il espérait être sélectionné à la loterie de la Hard Rock 100, ce qui ne s’est malheureusement pas produit.

Il aura donc à planifier sa saison 2017 sans cette course majeure, et sans l’UTMB non plus. En effet, Ludovic Pommeret n’ira pas défendre son titre. Il a prévu, depuis longtemps, d’aller célébrer l’anniversaire de sa grand-maman, à peu près au même moment. On ne rate pas le 90e anniversaire de sa grand-mère.

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