Joan Roch lors du Bromont Ultra 2017 – Photo : Bromont Ultra
OCTOBRE 2017 – L’annonce de sa retraite de la course à pied l’an dernier avait généré une onde de choc. Joan Roch, figure emblématique et inspirante de l’ultra-marathon en sentier au Québec, figure médiatique et des réseaux sociaux aussi, avait arrêté net dans la foulée d’un ultra-trail en Australie. À la surprise générale, il était pourtant au départ de l’épreuve du 160 km de la dernière édition du Bromont Ultra. Distances+ s’est entretenu avec lui pour comprendre les raisons de ce retour.
Distances+ : Que s’est-il passé entre l’annonce de ta retraite de la course et ton inscription au Bromont Ultra?
Joan Roch : Je publiais sur ma page Facebook quelques extraits de mon livre (Ultra-ordinaire : Journal d’un coureur) sur les courses que j’avais déjà faites. Pour connaître les dates, je suis allé sur le site de chaque course, dont celui du Bromont Ultra. J’ai vu que c’était au mois d’octobre et je n’avais pas grand-chose sur mon calendrier. Je me suis dit « Pourquoi pas, si j’arrive à l’organiser? » J’ai pu me rendre à la course et faire la distance.
Comment as-tu repris la pratique de la course?
J’avais arrêté de courir du jour au lendemain en mai 2016 alors que c’était mon moyen de transport pour me rendre au travail. J’ai voyagé en vélo le reste de l’année, mais quand le pont Jacques-Cartier a fermé pour l’hiver, il ne me restait que le métro. Je suis retourné vers la course à pied à la fin de l’hiver parce que j’en avais marre de payer pour le métro, alors que ça prend à peine moins de temps que d’y aller à la course. Je sentais que la forme revenait tranquillement et Bromont c’était après six mois de reprise. Je me sentais prêt à essayer. J’avais envie de revivre cette expérience.
Est-ce que la compétition te manquait?
Le marathon de Longueuil passe juste devant chez-moi et un ami qui y participait s’est arrêté pour boire. Il m’a demandé lui aussi si les courses me manquaient et, honnêtement, à le voir courir avec la foule et l’ambiance de compétition, ça ne me tentait pas du tout et ça ne me tente d’ailleurs toujours pas. Bromont c’est comme une réunion de famille et il n’y a pas trop de monde une fois qu’on est dans la montagne.
Après 10 mois d’arrêt, est-ce que la reprise a été difficile?
C’est à peu près comme je m’en souvenais. Reprendre la course à pied c’est pénible et c’est resté pénible. Ce que j’ai retrouvé le plus vite, c’est le plaisir de courir pour aucune autre raison que de sortir et de prendre l’air. Je n’ai plus de montre maintenant, je cours et quand je suis arrivé, je suis arrivé. Je n’ai pas d’idée de la distance parcourue ni du temps que ça m’a pris.
Considères-tu être revenu à ta forme d’origine?
Je ne pense pas. Je l’ai vu avec Bromont, ç’a été quand même relativement difficile. Mais je n’ai pas trop perdu les adaptations que mon corps avait subies au cours des longues années d’entraînement. Ce n’est pas 10 mois d’arrêt qui ont fait disparaître tout ça. Si je m’y mettais de manière un peu plus intensive, probablement que je reviendrais au niveau d’avant, mais je n’ai aucune intention de faire ça.
Comment s’est déroulé ton 160 km au Bromont Ultra ?
Je savais à quoi m’attendre, mais aussi qu’il allait m’arriver quelque chose qui n’est jamais arrivé avant et ça n’a pas raté. Je suis arrivé au bout principalement à cause de mon expérience. Durant mon arrêt, je n’ai pas idéalisé le sport, je n’ai donc pas été surpris ni en bien ni en mal. J’en referais d’autres à un moment donné ou peut-être pas. J’ai récupéré de Bromont en deux ou trois jours seulement, le corps a une très bonne mémoire.
Sentais-tu une pression de performer avant ton arrêt?
Je n’avais jamais de pression de performance avant parce que je ne visais jamais les premières places. Ça m’est arrivé seulement pour les courses où il y avait relativement peu de concurrents. Ce que j’avais, c’était la pression de communiquer. J’ai coupé non seulement la course, mais également les réseaux sociaux. Maintenant, je cours juste pour moi.
Ton retrait des réseaux sociaux a donc été bénéfique ?
Ça m’a fait du bien de me déconnecter de tout ça. J’avais acquis une certaine visibilité, mais on est beaucoup à courir et à publiciser ce que l’on fait sur les réseaux sociaux pour des raisons qui sont quand même un peu obscures. Ce n’est qu’un loisir, qu’on court ou non, ça n’a absolument aucune importance. C’est pour ça que j’ai été un peu étonné de voir que les gens s’attendaient à ce que je continue de courir, alors que je n’avais jamais rien promis. Et quand je me remets à courir, ça suscite beaucoup d’intérêt. Les gens prennent vraiment ça à cœur la course à pied.
Quelle est ta lecture de l’évolution de la discipline, notamment avec une toute nouvelle génération de coureurs d’ici qui s’illustrent un peu partout?
J. R. : Je trouve que la notion de performance dans les ultras est totalement inintéressante. Le défi, c’est de s’entraîner pendant plusieurs années, de prendre le départ et d’essayer de finir. Si tu finis, tant mieux, si tu ne finis pas, ce n’est pas grave. Après, je ne pense pas que de le faire en 20 heures ou 40 heures fait une différence. On parle plus de ceux qui vont vite, mais ça ne m’allume absolument pas.
As-tu un autre projet de livre?
J’ai vraiment aimé l’écriture. Pour l’instant, je n’accomplis rien qui mérite que j’écrive sur quoi que ce soit. Si je voulais écrire, ce serait de la fiction, mais je ne sais pas si c’est dans mes cordes. Pour l’instant, la priorité et l’intérêt ne sont pas là, même si j’y pense, car l’écriture va toujours me travailler. Dans 5 ou 10 ans, si j’ai assez d’histoires reliées à la course à pied, je pourrais faire un second volume.
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