Comme une amazone des temps modernes, Jessy Forgues, 31 ans, attaque les défis avec détermination, en cumulant les rôles de maman, de policière et, depuis peu, d’ultramarathonienne.
Lors de l’édition 2016 de l’épreuve reine de 125 km de l’Ultra-Trail Harricana (UTHC), qui se tenait le 10 septembre dernier dans Charlevoix, l’athlète sherbrookoise est passée sous l’arche d’arrivée après 14 heures et 41 minutes de course, obtenant ainsi la première position chez les femmes, mais aussi, à la stupéfaction générale, la troisième place au classement général. Elle avait déjà remporté la première place chez les femmes, l’an dernier, au 65 km.
En entrevue, Jessy nous révèle que courir 125 km, c’est en quelque sorte un cadeau. « C’est du temps juste pour moi, dit-elle. C’est une façon de célébrer la santé ». Pour elle, courir, c’est rendre hommage à la vie. « Je suis chanceuse de pouvoir courir, d’avoir la capacité de le faire. »
Car la santé n’est jamais acquise, et Jessy en sait quelque chose. « J’ai perdu ma mère il y a quelques années, à cause d’un cancer, confie-t-elle. Depuis, ma vie a complètement changé ».
Elle pense énormément à celle-ci lorsqu’elle court de longues distances. « Ma mère m’accompagne. Je la sens proche, je sais qu’elle est là, avec moi. »
Ses deux jeunes enfants, Elyanna et Loik, occupent également une grande place dans ses pensées. « Comme ils ne pouvaient pas être là, ils m’ont écrit un mot que je devais ouvrir seulement avant d’aller prendre la navette menant à la ligne de départ ». C’est ainsi qu’elle a découvert des bisous, des cœurs et 125 « je t’aime », sur deux bouts de papier jaune comme le soleil. « Comment ne pas avoir de l’énergie après la lecture de ces beaux messages! » s’exclame Jessy.
L’entraînement à un rythme de vie effréné
Cela fait déjà quelques années que Jessy pratique la course à pied, mais depuis deux ans, elle s’y met de façon de plus sérieuse. En entraînement, elle tente de reproduire au mieux les conditions des événements auxquels elle participe.
La conciliation de ses entraînements avec son travail de policière à la Ville de Sherbrooke complique un peu les choses. Ses horaires étant changeants, parfois de jour, parfois de nuit, elle avoue que son travail n’est pas de tout repos. « Ce n’est pas évident. Je dois parfois me résigner et courir sur la route, pour concilier mon temps d’entraînement avec mon horaire, mais je privilégie et je préfère de loin les sentiers et les montagnes. » Elle a d’ailleurs la chance d’avoir un des plus beaux terrains de jeu pas très loin de chez elle, le mont Orford.
Un hommage aux femmes
En échangeant avec Jessy, on comprend que son dernier exploit à l’UTHC était en quelque sorte un hommage aux femmes. Malgré le stress et leurs horaires chargés, elles trouvent le temps de prendre soin d’elles.
De plus, Jessy voulait prouver que les femmes peuvent tout réussir. « Je voulais montrer c’est quoi courir comme une fille », dit-elle, reprenant ainsi une expression péjorative, mais en transformant le sens. « Nous sommes bonnes. Il faut avoir confiance en nous. » Ce sont des propos de circonstance, puisque cette année, l’UTHC avait comme thématique l’ultratrail au féminin.
Le pouvoir de la gomme
Quand on lui demande comment elle gère la distance sur une course aussi longue, Jessy éclate d’un grand rire et répond : « En mâchant de la gomme! »
« Un paquet contient 12 gommes. Chaque 10 km, je déballe une nouvelle gomme! C’est fou, mais c’est très concret. Ça me permet de visualiser ce qui est fait et ce qui reste à faire. » Signe que, même sur une si longue distance, les petites choses ont leur importance.
Jessy encourage les femmes à poursuivre leurs rêves sportifs. Elle croit sincèrement que tout est accessible pour celles qui le veulent. Il faut certes y mettre des efforts, mais si on se fie à elle, courir comme une fille, ça peut mener loin! Tant que l’on n’oublie pas son paquet de gomme…