Ida Nilsson lors du marathon de skyrunning Zegama-Aizkorri 2018 – Photo: Silva.
Décembre 2018 – Alors que bon nombre de coureurs trouvent difficile de ne plus pouvoir courir ne serait-ce que quelques semaines en raison d’une blessure, Ida Nilsson a dû remiser ses espadrilles pendant cinq longues années, au moment même où elle connaissait une brillante carrière en athlétisme. La Suédoise est aujourd’hui la quatrième meilleure coureuse en sentier au monde… trois ans seulement après avoir couru son premier ultra! Distances+ s’est entretenu avec elle.
Ida Nilsson a l’impression que la vie lui a donné une seconde chance et elle en profite pleinement.
Au début des années 2000, la jeune athlète collectionnait les médailles sur piste, en cross-country et en steeple-chase (course sur piste avec obstacles) alors qu’elle étudiait à la Northern University de Flagstaff, en Arizona.
À l’époque, celle qui allait plus tard gagner la Transvulcania trois années de suite se spécialisait dans les distances variant entre 3 et 5 km. Elle ne connaissait strictement rien aux ultramarathons. « Pour moi, les ultramarathoniens étaient ces gens un peu fous qui faisaient juste tourner en rond sur une piste pendant vraiment très longtemps ou qui couraient 100 km sur la route, ce qui ne me tentait alors pas du tout », raconte-t-elle.
De retour en Suède après ses études universitaires, elle s’est entraînée encore plus intensément dans l’espoir de se qualifier pour les Jeux olympiques. Des blessures à répétition, dont une fracture de stress à la hanche, l’ont finalement obligée à arrêter complètement la course à pied, en 2009. Son monde venait de s’écrouler.
« Pendant un an, aucune activité n’était agréable parce que j’avais mal constamment, se souvient Ida. Je devais me contenter de faire de courtes marches. Par la suite, j’ai pu pratiquer plusieurs activités… sauf la course. J’ai fait du ski de fond, un peu de nage, du vélo et de la musculation. J’ai aussi fait beaucoup de randonnée lorsque je visitais d’autres pays, mais ce n’était en rien comparable à la course à pied. »
L’athlète de 37 ans, élevée dans une famille de coureurs, l’avoue : elle a pensé pendant un certain temps qu’elle ne pourrait plus jamais courir. « J’ai tenté de trouver des activités qui me rendraient heureuse malgré tout. Mais, au fond de moi, je gardais espoir que je pourrais au moins recommencer à courir quelque peu. »
De la piste aux sentiers
Le temps a finalement fait son œuvre. Après cinq ans de repos forcé, Ida Nilsson a pu pratiquer à nouveau le sport qu’elle aimait tant. Il n’était toutefois pas question pour elle de recommencer l’athlétisme en sachant qu’elle ne pourrait jamais atteindre le même niveau qu’avant. Comme elle avait toujours aimé courir en montagne, la course en sentier s’est peu à peu imposée.
Elle a d’abord participé à plusieurs courses sur route avant de s’élancer sur l’Ultravasan 90K, en Suède, en 2015, grâce à un ami qui l’avait inscrite… la veille de l’événement! « C’était une bonne chose parce que je n’ai pas eu le temps d’y penser. À ce moment, je n’avais aucune idée de ce que pouvait représenter une telle distance. Est-ce que j’allais pouvoir courir tout le long? Est-ce que j’allais être en mesure de terminer la course? Finalement, ça a bien été et j’ai terminé deuxième. »
L’année suivante, son amie Emelie Forsberg l’a convaincue de s’inscrire à la Transvulcania, aux îles Canaries, une course de 73 km et 4400 mètres de dénivelé. Et elle a gagné, devançant notamment Hillary Allen et Anna Frost.
Cette victoire lui a permis de se faire un nom sur la scène internationale de la course en sentier. Depuis ce temps, elle a défendu son titre avec succès à la Transvulcania en 2017 et en 2018, en plus de terminer première à l’Ultravasan 90 K et au 50 miles de la The North Face Endurance Challenge (TNFEC) California en 2017, première au marathon de skyrunning Zegama-Aizkorri cette année et troisième à la CCC de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, en août dernier.
Rim-to-Rim-to-Rim : un record vite battu
Ida Nilsson prévoyait courir à nouveau à San Francisco, en novembre dernier, lors de la TNFEC. D’intenses feux de forêt ont cependant forcé l’annulation de la course. Son plan B s’est imposé d’emblée.
Trois jours plus tard, l’athlète se trouvait sur le bord du Grand Canyon, où elle était souvent allée en randonnée lors de ses études universitaires à Flagstaff, une ville située à 90 minutes de là. Son objectif : établir un nouveau record de la double traversée, le Rim-to-Rim-to-Rim. Une longue sortie de quelque 67 km et 3000 mètres de D+ qu’elle a complétée en 7 h 29, fracassant le précédent record de 23 minutes.
Ce record n’a cependant pas tenu longtemps : cinq jours plus tard, l’Américaine Taylor Nowlin, 27 ans, lui a retranché trois minutes. « C’est une bonne chose parce que ça veut dire que je devrai tenter de battre à nouveau le record », a réagi Ida.
Un pas de recul en 2019
Comme tous les hivers depuis qu’elle court en sentier, celle qui réside maintenant en Norvège troque ses espadrilles pour des skimos. Elle se trouve présentement à Tignes, dans les Alpes françaises, où elle s’entraîne avec l’équipe nationale suédoise.
Dès février, Ida Nilsson remisera toutefois ses skis pour amorcer une longue saison de courses en sentier qui la mènera notamment au Costa Rica, où elle participera à la Coastal Challenge, une course par étapes de six jours totalisant 230 km et 10 000 m de D+.
Même si elle fait partie des meilleures de son sport, Ida Nilsson juge qu’elle a encore beaucoup à apprendre. « J’ai l’impression que j’ai été propulsée rapidement dans le monde de la course en sentier. Les premières années, j’ai seulement tenté de comprendre ce monde, les courses que j’étais en mesure de faire, comment je devais m’y préparer, etc. »
Après avoir couru des distances allant de 42 à 100 km, elle entend prendre un pas de recul en 2019 pour se concentrer sur la distance du marathon. Pour l’instant, elle dit avoir plus de plaisir lors des épreuves où elle peut courir vite la majeure partie du temps.
On devrait donc la voir sur la ligne de départ de quatre courses de la Golden Trail Series, Zegama-Aizkorri en Espagne, le Marathon du Mont-Blanc en France, Sierre-Zinal en Suisse et le Pikes Peak Marathon au Colorado. « Quand il y a trop de montées où l’on doit marcher, comme lors de longs ultras, je n’ai pas autant de plaisir, pour le moment du moins. Mais peut-être que je vais changer d’idée. Je pense que je vais tenter un 100 miles un jour. J’aime tellement courir et il y a tant de défis à relever… »
Passionnée par la nature et ce qu’elle a à offrir, Ida Nilsson compte également poursuivre le développement de Moonvalley, la petite entreprise de distribution de barres énergétiques et organiques qu’elle a récemment lancée avec ses compatriotes Emelie Forsberg et Mimmi Kotka.