Camille Bruyas et François D’haene, qui avaient respectivement remporté les épreuves de 43 km et de 110 km de la Volvic Volcanic Expérience en 2022, n’ont pas pu courir au pays des volcans d’Auvergne comme prévu cette année. Ils sont tous les deux blessés et au repos forcé. Camille Bruyas doit se faire opérer début juin d’une endofibrose de l’artère iliaque externe (la même lésion qui avait contraint Blandine L’hirondel à prendre une pause médicale l’an dernier) qui l’oblige à mettre sa saison entre parenthèses et à renoncer à son principal objectif, la Western States. Quant à François D’haene, il est toujours en rééducation intensive à la suite d’une grave fracture de la cheville en novembre dernier. Il se doit d’être patient le temps que son articulation entre la jambe et le pied se consolide. Les deux champions étaient toutefois présents à Volvic pour assurer leur rôle d’ambassadeurs de la VVX. Le meilleur ultra-traileur tricolore a d’ailleurs accepté à cette occasion de revenir pour Distances+ sur cette blessure qui l’a éloigné des sentiers et a hypothéqué sa saison 2023. Il fait le point sur sa détermination à récupérer ses capacités et évoque son futur et son retour à la compétition à moyen terme avec optimisme. Interview.
Distances+ : Revenons à cette journée critique du 18 novembre. Comment as-tu réagi quand tu as pris conscience de la gravité de la blessure (« fracture franche de la jambe au niveau des malléoles » à la suite d’un mauvais appui du pied)?
François D’haene : J’ai eu la chance d’être opéré le jour même de la cheville par un chirurgien en qui j’ai une très grande confiance. Il m’a impliqué dans l’opération, m’a expliqué toutes les étapes de la chirurgie. Il m’a tout de suite assuré que je pourrai recourir, mais aussi que ça prendrait beaucoup de temps avec des délais incompressibles entre chaque phase. Il m’a fixé des objectifs progressifs, réalisables. Donc j’ai su tout de suite que la blessure était importante.
Dans ton livre « La vie courante » (publié début mai aux éditions Paulsen), tu insistes sur l’importance de tes proches. « On court au moins autant pour les autres que pour soi et quand toute une famille ou une équipe se décarcasse pour toi, c’est une joie immense d’en faire autant pour elles », écris-tu. Comment ta famille a vécu ces longs mois difficiles ?
Évidemment, j’ai pu compter sur le soutien de tous mes proches, mais il y a eu des moments compliqués pour tout le monde ! Les enfants n’ont pas l’habitude de voir Papa sur le canapé quand ils rentrent de l’école. Ils ont plutôt l’habitude de regarder par la fenêtre et de demander sur quel sommet je suis… Forcément, ils ont ressenti nos tensions, nos doutes.
Qu’est-ce que tu as fait durant ta convalescence, toi qui ne t’étais jamais vraiment arrêté durant ta carrière d’athlète ?
Au début, je pensais que j’allais avoir beaucoup de temps pour moi, mais en fait, pas du tout ! Par contre, contraint et forcé, j’ai été plus présent à la maison. Mais la rééducation m’a pris beaucoup de temps. J’ai essayé de faire les choses à 100 %, sérieusement. Tous les jours, c’était 1 h de pressothérapie le matin, 2 h de kiné, en me déplaçant en navette ou en stop, retour à la maison, nouvelle séance de bottes… J’ai passé mes journées à me soigner.
J’ai également programmé trois passages de 15 jours au Centre de rééducation de Capbreton (le CERS, le Centre européen de rééducation du sportif, NDLR) avec des objectifs précis à chaque fois : enlever les béquilles, retrouver une marche symétrique et, lors du dernier séjour, travailler sur les appuis latéraux, faire de la pliométrie et retrouver la course à pied. Pendant ces séjours, j’étais vraiment focus sur moi, j’avais une vraie vie d’athlète et d’ascète, ce que je ne fais pas en temps normal. Tu coupes le téléphone, tu t’entraînes, tu manges, tu fais la sieste et tu recommences.
Tu évoques aussi dans ton bouquin tes liens avec ton entraîneur, Christophe Malardé, avec qui tu dis avoir une relation spéciale. Tu n’attends pas de lui qu’il te fasse un plan pour gagner l’UTMB, mais plutôt qu’il t’accompagne dans ta démarche, au quotidien, dans ton projet global et personnel autour de l’ultra, qu’il s’adapte à tes envies. Comment avez-vous travaillé ensemble pour dépasser cette épreuve de la blessure qui t’a obligé à t’arrêter totalement ?
Normalement, avec Christophe, on échange pas mal pour fixer les blocs d’entraînement, les grandes lignes, les objectifs de la saison en cours et celles à venir. Cet hiver, évidemment, les plans ont changé. On n’avait pas tellement matière à travailler ensemble. Je ne me suis fixé qu’une priorité : le travail analytique de la cheville, retrouver de la mobilité, de la symétrie au niveau des appuis, de la force… Ce travail de reconstruction n’était pas compatible avec un travail de fond aérobie.
Penses-tu pouvoir revenir encore plus fort qu’avant ta blessure ?
Déjà, j’ai très envie de revenir. Je fais tout pour. J’aimerais bien que l’adage « ce qui ne tue pas rend plus fort » se vérifie, mais il va falloir encore un peu de temps. Par contre, je sais déjà que j’ai une énergie folle. Sur le vélo, par exemple, j’ai des super sensations.
Mais je ne me projette encore sur aucune course. Cette année, m’aligner sur un ultra me paraît peu sérieux. Tant que je n’arriverai pas à courir 4-5 heures sans compenser, sans avoir la cheville qui gonfle, ce ne sera pas possible.
Sans parler nécessairement de 2023, quelle course te fait rêver ? Ou quelle tentative de FKT ?
Le TOR des Géants m’attire beaucoup, mais c’est à programmer très sérieusement.
J’ai également plein de projets dans les cartons, plein d’endroits où je ne suis pas allé, en particulier un grand trip en Himalaya (où Kilian Jornet est en expédition au moment d’écrire ses lignes, NDLR). Pas uniquement pour faire un one shot, mais je pense à un projet plus global. J’ai échangé des dizaines de fois avec Bruno Poirier (coureur de fond, organisateur de multiples ultras dans la chaîne himalayenne tel que l’Annapurna Mandala trail, l’Himal Race ou l’Annapurna Ultra Mountain, NDLR) sur les cartes, les tracés possibles, mais pour l’instant il faut que je récupère totalement.
« C’est à nous, les coureurs d’expérience, de montrer aux autres que personne n’est invulnérable, que le corps doit être ménagé pour durer et qu’il est primordial d’en prendre soin, qu’il faut juste essayer de garder un minimum de bon sens », écris-tu. C’est pour cette raison que tu n’as pas pris le départ de l’une des courses de la VVX cette année ?
Tout à fait, je ne veux pas encore me projeter. Par contre, c’est toujours un vrai plaisir de venir passer quelques jours sur Volvic. L’équipe est super sympa, j’aime cette région assez rustre, avec du caractère, du terroir. Le concept « venez pour courir, restez pour découvrir » est vraiment intéressant. Quitte à se déplacer, c’est bien de « rentabiliser » ce déplacement, de profiter pleinement d’un long week-end pour apprécier la région et tout le programme concocté par l’organisation.
Écoutez La Bande à D+ sur votre plateforme de podcast préféré ou en cliquant ci-dessous 👇