La course porte bien son nom, assure Yvan L’Heureux. « Euforia », c’est l’épreuve la plus longue et la plus folle de l’Andorra Ultra Trail, qu’il a complétées le 21 juillet dernier avec son partenaire de course Frédéric Goumard, et qui lui a procuré de véritables moments d’euphorie.
Même s’il s’agit de la course sur quatre jours « la plus tough » que le résident de Rivière-du-Loup ait jamais faite, Yvan L’Heureux explique que l’adversité du défi oblige à se forger une stratégie mentale, pour arriver au bout de ces quelque 233 km de course sans balise, hors sentier, avec des barrières-horaires très serrées.
« J’ai eu le mal des hauteurs, des nausées, le mal de tête, des étourdissements… J’ai eu de la misère à m’acclimater », énumère Yvan. Malgré tout, « tu atteins une profondeur, tu épures beaucoup tes pensées, tu tombes dans l’essentiel, dit-il. L’´´euforia´´, on l’a vécu à plusieurs moments. C’est tellement beau! »
Une revanche sur un DNF
Nichée au coeur des Pyrénées entre la France et l’Espagne, l’Andorre est un minuscule pays fait de montagnes et de vallées spectaculaires, que les coureurs de l’Euforia explorent en binôme indissociable. Si l’un des deux abandonne, l’autre équipier ne peut continuer.
Cette fois, Yvan L’Heureux s’est rendu au bout, après 102 heures de haute montagne, en symbiose avec Frédéric, un Français qu’il a connu lors de sa participation à la TransPyrenea en 2016. Il s’agissait d’une revanche pour l’acupuncteur québécois de 44 ans, qui avait dû abandonner lors d’une première tentative sur ce défi il y a deux ans.
« Il y avait de l’appréhension, confirme Yvan. Un moment donné, je me suis arrêté, j’ai pris Frédéric par les épaules, et je lui ai dit que ce n’était pas grave si on ne finissait pas. On est venu les yeux plein d’eau. On s’est dit qu’on allait la finir en y allant doucement. La pression est tombée et à partir de ce moment-là, on a profité de chaque moment. »
Quitte à rouler moins vite puisque, de toute façon, la vitesse n’est pas un objectif pour Yvan, qui se décrit comme un coureur « super lent ». Pour palier, il prépare « pendant des mois » ses compétitions, comme un « chirurgien de la course », ce qu’il n’a pas manqué de faire encore cette fois-ci.
Cet état d’esprit et cette préparation lui ont permis de vivre « un feeling très aérien, très dégagé, très libre », assure Yvan. « On a fini sans accro, sans bobos. Pas une seule ampoule au pied, pas une entorse, pas une bursite… rien. »
Courir à deux
Une quarantaine d’équipe ont complété le défi, qui les a menés à gravir une quarantaine de sommets, dont 5 pics au-dessus de 2900 m. Les participants ne pouvaient compter que sur quatre bases de vie, affronter 20 000 m de dénivelé positif et autant en mode descente.
Se mesurer à la montagne de façon aussi intense révèle tout ce que l’être humain a en lui, ses qualités, comme ses défauts, qui s’expriment parfois sur l’autre partenaire de course. « J’ai vu des équipes s’engueuler comme du poisson pourri », confirme Yvan. Mais Frédéric et lui ont su passer à travers ces quatre jours, pendant lesquels ils n’ont dormi que neuf heures, avec sérénité.
« Le mot d’ordre, c’est le respect et la dignité du partenaire, explique Yvan. Moi, j’ai été ´´à la ramasse´´ le premier jour et demi. Il m’a attendu. Les deux autres journées, c’est moi qui tirais. Fred était moins rapide la nuit, alors je prenais les devants. Tu ne peux pas aller à la vitesse que tu veux, tu dois respecter le rythme de l’autre », explique-t-il.
« Tu partages avec le coeur et l’esprit », ajoute Yvan, qui place cette compétition sous le thème de l’amour et de l’amitié. De la compassion aussi, envers soi, envers son partenaire. De l’humour, pour tester le moral de l’autre. « On se lançait des blagues. On se disait qu’on allait prendre une bière au sommet! »
De la famille enfin, car Yvan a fait le déplacement en Europe avec son fils Mael, 9 ans. Habitué à préparer les courses avec son père dans les semaines et les mois qui précèdent un événement, c’était la première fois qu’il l’embarquait dans l’aventure sur le terrain.
Chaque jour, il y avait des points de contact entre les coureurs et la petite famille de Frédéric, qui avait incorporé Mael pendant que son père était dans la montagne. « C’était un élément motivateur. Quand on se voyait, il me serrait fort, il m’aidait. Il m’a lavé le dos un moment donné. C’est beau de vivre ça en famille. »
C’est beau aussi de transmettre un tel héritage à son fils, on l’entend dans la voix d’Yvan, lorsqu’il évoque tout ce que son garçon a vécu en peu de temps. « Il a rencontré des Italiens, des Français, des Andorrans. Il a pris un p’tit accent français. Il a imbibé tout un bagage », dit-il. « C’était notre aventure en famille. »
L’Euforia est la première d’une série de grandes courses pour Yvan L’Heureux en un court laps de temps. Dans un peu plus d’un mois, il va participer au Tor des Géants, en Italie, une épreuve de 330 km et 24 000 m D+. Puis, en octobre, il sera du Big Dog’s Backyard Ultra, au Tennessee, une course de type « dernier survivant » (« last man standing »), un événement de l’original Lazarus Lake.
« Je vis une année de rêve », lance Yvan L’Heureux.
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