Dorian Louvet, un traileur ambitieux en plein apprentissage

Portrait

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Dorian Louvet a participé à la 11e édition du Dodo Trail à l'Île Maurice - Photo : Dodo Trail

La végétation est dense, étouffante presque, un tunnel de branches, de lianes, de feuilles d’ébéniers et de tamariniers. Au détour d’un sentier escarpé, la flore luxuriante s’estompe le temps de quelques pas. Le littoral de l’Île Maurice apparaît enfin, au loin, léché par les eaux turquoise de l’océan Indien. On aperçoit le Morne Brabant, montagne étonnante de forme monolithique, inscrite depuis 2008 au patrimoine mondial par l’Unesco.

À deux jours du Dodo Trail, Simon Desvaux de Marigny, quatre fois vainqueur de l’épreuve reine de l’événement (un 50 km pour 3500 m D+), emmène d’autres coureuses et coureurs en balade afin de reconnaître une partie du parcours de la 11e édition. Ils montent depuis la route de Chamarel vers le piton de la Petite Rivière Noire, le plus haut sommet de l’île, à 828 mètres d’altitude. Dans le sillage du champion local, Manon Bohard, Maud Combarieu, Christophe Le Saux ou encore Cédric Chavet s’amusent avec les multiples pièges du chemin, des roches et des racines glissantes qui ralentissent l’ascension. 

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Derrière eux, Dorian Louvet peste avec ironie : « Ça va, c’est roulant ! Ça sera vite plié ! » L’ancien candidat de Koh-Lanta, toujours très naturel, a la vanne facile. Ces derniers mois, ce spécialiste du 3000 m steeple et marathonien accompli – 2 h 23 au Marathon de Paris 2023 – s’est donné l’ambition de performer en trail. Confronté à la technicité des massifs mauriciens, l’athlète normand reconnaît d’emblée que le profil du Dodo Trail n’est ni à son avantage, ni un choix de course judicieux dans le cadre de sa préparation à l’OCC, un des formats de l’UTMB (55 km, 3400 m D+) sur lequel il s’alignera pour la deuxième fois fin août. « Qu’importe, j’ai quand même envie de découvrir et d’en profiter », s’enthousiasme-t-il. 

Spontané et intrépide, Dorian Louvet n’est pas du genre à dire non à un défi supplémentaire. En octobre dernier, alors qu’il devait participer avec d’autres aventuriers de l’émission de TF1 au relais Zembrocal, l’agent SNCF – actuellement en disponibilité – se dit que c’est dommage de voyager jusqu’à La Réunion sans courir le mythique Grand Raid dans sa globalité. Neuf de tout ultra-trail, il a donc finalement pris le départ de la Diagonale des Fous, qu’il a bouclé en 42 h 20, au bout de lui-même. « J’en suis fier et j’en garde un souvenir extraordinaire, ponctué de moments tellement difficiles qu’ils n’en sont que plus beaux, témoigne-t-il. Mais avec mon passé de sportif de haut niveau, être finisher ne nourrit pas mon besoin de performer, j’en veux davantage ! »

Découverte du trail avec Mathieu Blanchard

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Dorian Louvet à son arrivée de l’OCC 2022 – Photo : Nicolas Fréret / Distances+

Celui que tous ses proches surnomment « Dodo » est avant tout un compétiteur. Éduqué à la gagne en tant qu’ailier sur les terrains de football, l’apprenti traileur vient à l’athlétisme sur le tard, à 18 ans. Sur le tartan, il bricole, s’essaye à toutes les distances, avant de découvrir le steeple un peu par hasard, pour « boucher les trous » lors d’une compétition. Il se plaît dans cette discipline qu’il juge moins monotone que les autres, qui oblige aux relances après chaque franchissement de barrières et semble correspondre à ses qualités athlétiques. Le voilà pour un temps sur des rails : les cross l’hiver et le 3000 m steeple l’été. 

À la ville, le jeune homme, déjà pompier volontaire, rêve de devenir professionnel. Manque de chance, son bac en poche, le concours est gelé pendant trois ans. Dorian Louvet frappe alors à la porte de la SNCF et intègre l’entreprise en tant que contrôleur. Ce métier lui va bien. Ses horaires décalés lui permettent de s’entraîner sans trop de contraintes et donc de progresser plus vite. En 2016, il décroche un titre de champion de France national sur 3000 m steeple avant de se classer sixième aux championnats de France élite l’année suivante. 

À l’époque, il ne faut pas lui parler de longues distances, c’est à peine s’il consent à s’élancer sur des 10 km, sur lesquels il bat pourtant son record en 2017, avec 30’ 30’’ au compteur. Mais « j’avais la sensation d’avoir fait le tour, de me lasser, confie-t-il. J’avais besoin d’un nouveau challenge dans ma vie et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’opportunité de faire Koh-Lanta. » Quelques mois après la fin du jeu, il s’essaye à la course en sentier avec un autre candidat de sa saison devenu depuis l’un des meilleurs ultra-traileurs au monde. Au matin d’un séjour dans les Alpes, son ami Mathieu Blanchard lui prête un sac d’hydratation et des bâtons et l’emmène sur le parcours du Marathon du Mont-Blanc. « J’avais kiffé et on s’était éclatés. Je me souviens que Mat m’avait dit que je devrais tenter de m’y mettre ».

Trois ans plus tard, le routard est revenu sur le tracé de cette course phare de la vallée de Chamonix, cette fois-ci avec un dossard. Le 25 juin 2023, quelques jours avant le Dodo Trail, il en termine en 4 h 22, 42e au classement général, un résultat intéressant étant donné la forte densité du plateau élite. Un mois plus tôt, Dorian Louvet était allé chercher une troisième place sur le Trail des Pèlerins, le 34 km du  tout nouveau Trail Alsace Grand Est by UTMB. « Je suis un coureur rapide et ce sont ces aptitudes que j’aimerais pouvoir transférer sur le trail, explique-t-il. Sur des formats inférieurs ou équivalent à 50 km, je veux pouvoir me rapprocher des meilleurs. »

Ce qu’il vise aussi, c’est l’aventure, « aller chercher loin en (lui) », retrouver des émotions qui l’ont tant bouleversées lors de sa participation à Koh-Lanta ou encore au Marathon des Sables, en 2021. Une édition marquée par une chaleur accablante, une épidémie de gastro-entérite et un taux record d’abandons, supérieur à 40 %. « C’est ça qui m’attire dans le trail, sortir de ma zone de confort, beaucoup moins les paysages, avoue-t-il. Je suis un citadin qui ne ressent pas forcément ce besoin de nature et d’évasion mis en avant par la plupart des pratiquants. »

« Aujourd’hui, j’ai découvert un sport »

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Premier DNF pour Dorian Louvet au Dodo Trail 2023 – Photo : Dodo Trail

Le 15 juillet, à 5 h du matin, 252 participants sont réunis pour le départ du Dodo Trail sur une route peu éclairée, au pied du Morne Brabant. Une pluie d’hiver australe tombe par intermittence. En première ligne, « Dodo » est emmitouflé dans une veste imperméable verte, capuche sur la tête, pas bien réveillé. Il sait qu’il part pour plusieurs heures, qu’il ne va pas pouvoir courir à sa guise et que les sentiers de l’Île Maurice vont jouer avec ses nerfs. Dans ce dédale humide et exigeant, il faut être concentré en permanence et savoir s’armer de patience. 

Ce jour-là, le marathonien n’en a pas eu suffisamment. Après une vingtaine de kilomètres et autant de chutes, il décide de jeter l’éponge, à la fois éreinté et prudent pour la suite de sa saison. Rapatrié sur la zone d’arrivée, le jeune trentenaire affiche une mine défaite. C’est la première fois qu’il abandonne lors d’une compétition. « C’est très frustrant et dur pour l’ego, confesse-t-il. Mais aujourd’hui, j’ai pris une leçon, j’ai découvert un nouveau sport. En peu de temps, j’ai vécu des moments de galère totale, incapable d’avancer. Je me prenais les pieds dans des racines, des roches, de la boue, je ne faisais que glisser. Un carnage ! »

Quelques heures plus tard, à Tamarin et sous un soleil revenu, Simon Desvaux de Marigny franchit la ligne en première position. Une cinquième victoire sur ses terres, en 6 h 07. Chez les femmes, Manon Bohard s’impose malgré une cheville douloureuse. Impressionnante troisième au scratch, elle devance Maud Combarieu, vainqueure l’an passé. « Je ne sais pas comment ils font, tous, s’étonne encore Dorian Louvet. J’en ai vu me doubler dans des descentes avec une telle aisance, à des endroits où j’étais quasiment à l’arrêt. J’ai encore beaucoup à apprendre. »

Sa déception ne l’empêche pas de reconnaître l’authenticité d’un parcours « atypique et sauvage », « cette impression d’être perdu au milieu de la jungle avec ici ou là des cordes pour t’aider à monter et à descendre ». « Quand tu aimes ça, quand c’est ton truc, ce trail à l’Île Maurice doit être une expérience de dingue », conclut-il, dépité mais lucide.

Un top 15 sur l’OCC ? 

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Dorian Louvet à l’arrivée de l’OCC 2022 – Photo : Nicolas Fréret / Distances+

Dès le lendemain, celui qui est aussi coach sportif se venge sur le tapis de course de l’hôtel, agacé que la machine le bloque à 15 km/h. Plutôt que de le dégoûter, son échec de la veille lui a donné envie de s’entraîner avec davantage de rigueur et de discernement, de moins se laisser happer par sa passion du sport et son hyperactivité qui le poussent à dire « oui » à la plupart des événements qu’on lui propose. De revoir, aussi, une hygiène de vie qui ne coïncide pas toujours avec sa soif de performance. Il ne veut pas passer à côté de l’objectif de sa saison de trail, fin août, à Chamonix.

Pour lui, l’OCC sera même un marqueur, une jauge de sa progression dans la discipline par rapport à l’été précédent. En 2022, l’athlète est arrivé sur la course mal préparé et a pris « une grosse claque ». Perclus de crampes, notamment dans la dernière descente après La Flégère au cours de laquelle il perd une trentaine de places, Dorian Louvet en finit presque en marchant, au courage. Un scénario qu’il refuse de voir se reproduire. « Je ne serai satisfait que lorsque je parviendrai à signer un top 15 sur ce type de course, admet-il. C’est quelque chose qui ne me paraît pas impossible, il faut juste que je bosse un peu plus. » Y parviendra-t-il dès cette année ? Réponse le 31 août prochain.

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Dorian Louvet lors du HMDS à Fuerteventura – Photo : HMDS

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