Clare Gallagher lors de sa traversée du parc Zion en Utah à l’automne 2018 – Photo : Davis Brendan
On l’a vue dans le film documentaire À la croisée des chemins, dans le cadre du festival Trails in Motion 2018. Enjouée, brillante, grande amatrice de crémage à gâteau comme ravitaillement lors de ses courses, Clare Gallagher se destinait à des études de médecine lorsqu’elle a pris conscience que le chemin sur lequel on voulait la pousser la rendrait malheureuse.
Choisissant finalement la course en sentiers, elle est rapidement devenue une étoile montante de calibre mondial, gagnant de nombreuses courses et battant plusieurs records. Distances+ s’est entretenu brièvement avec la jeune athlète de 26 ans, qui ne cache pas sa grande ambition pour les années à venir.
Motivée par la performance
Clare Gallagher s’est notamment fait remarquer pour avoir remporté, avec le deuxième meilleur temps enregistré chez les femmes à ce jour, la Leadville Trail 100 (160 km, 4800 m D+) au Colorado en 2016, de même que la CCC (101 km, 6100 m D+) en 2017. Après un abandon décevant à l’UTMB et une année 2018 en dents de scie, elle souhaite revenir en force en 2019.
« Je suis très compétitive donc tenter de gagner des courses de haut calibre et battre des records, chercher à atteindre l’ultime limite que mon corps peut atteindre, c’est aussi ce qui me motive », admet celle qui vise éventuellement gagner la Western States cet été et battre un jour le record de la Leadville 100 chez les femmes.
Un record de la traversée du parc Zion
Elle a d’ailleurs terminé l’année 2018 avec un nouveau record, sa plus grande fierté. Le 19 novembre dernier, Clare a en effet battu le meilleur temps connu chez les femmes sur la traversée du parc Zion en Utah, un parcours de 79,2 km qu’elle a couru en 8 h 01 min et 24 s. Pour y arriver, elle a pu compter sur l’aide de son ami Hayden Hawks, qui détient le record de la traversée chez les hommes.
« Les jours où je me sens vraiment en forme et que je n’ai pas de problème d’estomac, je peux me pousser à des extrêmes assez profonds », confie la jeune athlète, qui juge que sa plus grand force est sa capacité mentale à amener son corps à la limite du possible.
Il faut savoir que Clare souffre aussi d’une insuffisance thyroïdienne, la maladie de Hashimoto, ce qui signifie qu’elle devra prendre des médicaments pour la thyroïde toute sa vie et qu’elle a parfois du mal à contrôler sa fatigue, sa température et son appétit.
Une athlète engagée pour l’environnement
La traversée du parc de Zion cet automne n’était cependant pas prévu au programme de Clare. Elle visait plutôt un podium au 50 miles de la course The North Face Endurance Challenge California, où elle avait terminé deuxième en 2017. Mais les feux de forêt dans le secteur de San Francisco qui ont entraîné l’annulation de l’épreuve, l’ont obligée à réviser ses plans au dernier moment.
« C’est vraiment préoccupant ce qui se passe avec notre planète. Il faut en parler et sensibiliser les gens aux changements climatiques », croit l’athlète qui est aussi très impliquée pour la protection de l’environnement. Elle est d’ailleurs ambassadrice de la marque Patagonia, reconnue pour son militantisme environnemental, en plus d’avoir étudié en écologie à l’Université de Princeton.
Clare profite ainsi de la tribune que lui offrent les médias sociaux et sa notoriété grandissante pour sensibiliser les gens à l’environnement et à diverses causes politiques qui lui tiennent à coeur. « Je pense que la course est une belle façon de se connecter avec la nature. Et plus il y aura des gens qui vont faire ces liens, plus on pourra changer les choses pour améliorer la qualité de l’air que nous respirons. »
Cette possibilité d’avoir une influence positive pour la protection de l’environnement la motive à continuer à performer. « Si je continue de me démarquer, je vais avoir toujours un peu plus d’oreilles pour écouter ce que j’ai à dire à ce sujet », estime Clare, qui s’implique aussi auprès de la série de courses Running Up For Air qui visent à amasser des fonds et sensibiliser la population afin d’améliorer la qualité de l’air de ceux qui vivent le long du massif montagneux de la chaîne Wasatch.
Un abandon décevant à l’UTMB
Le record de la traversée du parc Zion a également permis à Clare de terminer l’année en beauté, après avoir dû arrêter en beau milieu de course lors de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, à la fin août, remportée par l’Italienne Francesca Canepa. « J’étais bien partie, mais j’ai commencé à expulser des fluides corporels à une vitesse étonnante », avait-elle expliqué sur son compte Facebook en guise d’explications après la course.
« Cela a duré environ trois heures, jusqu’à ce que j’arrête de manger pour tenter de voir ce qui atténuerait le problème, mais j’ai pris froid. Je suis arrivée à Courmayeur (78 km) et j’ai laissé tomber, sachant que je n’avais ni le ventre ni les jambes pour faire 90 km de plus autour de la montagne », a-t-elle poursuivi.
Clare confie d’ailleurs que c’est sur les distances un peu plus courtes qu’elle se sent plus confortable, comme les 50 km et 80 km, où elle peut mettre davantage en valeur la rapidité qu’elle a acquise plus jeune comme coureuse sur piste. Elle apprécie de la même façon les courses roulantes, comme celles de la série The North Face Endurance Challenge, qui se courent bien comparativement à des courses techniques comme l’UTMB.
Le Colorado comme terrain de jeu préféré
Interrogée sur ses endroits de prédilection pour courir, Clare n’hésite pas à parler de la boucle de Buffalo Mountain, dans les environs de Sylverthorne, près de Boulder, où elle habite. « J’adore mon chez moi. J’adore le Colorado », s’enthousiasme-t-elle.
Elle se plait aussi énormément à découvrir davantage l’ouest des États-Unis depuis deux ans. « J’apprends sur l’histoire des autochtones et à quel point la course faisait partie intégrante de leur culture. Courir dans cette région m’ouvre vraiment les yeux sur une belle culture, mais aussi sur un atroce génocide. Je suis honorée de courir sur cette terre. »
La Western States dans la mire pour 2019
Qu’est-ce que l’année 2019 lui réservera? Ce n’est pas tout à fait encore décidé. Elle traîne une blessure au genou qu’elle doit soigner et elle souhaite améliorer son alimentation, notamment grâce aux conseils de son coach David Roche. « Ma diète est tellement mauvaise, je me demande comme je fais pour m’alimenter de la sorte. Ça doit venir de mes gènes américains », dit-elle en riant.
Le début de l’année devrait la conduire à la Western States, en juin, après une participation à plusieurs courses aux États-Unis, telles que la Evergreen, Lake Sonoma, Chuckanut et les trois courses de Running Up For Air.
Son calendrier de courses devrait se confirmer sous peu pour le reste de l’année, sans doute avec de plus en plus de voyages à l’étranger, peut-être même au Canada, où elle a reçu une invitation pour l’Ultra-Trail Harricana.
Quoiqu’il en soit, elle ne manquera certainement pas une occasion de courir. « J’aime tellement courir, plus que n’importe quoi d’autre. Si je pouvais seulement faire ça et ne rien faire d’autre, je serais totalement heureuse », conclut-elle.
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