La pandémie a chamboulé nos vies. Les athlètes ont dû s’adapter à l’annulation ou au report de la plupart des compétitions de trail dans le monde. Ils ont dû réviser leurs objectifs et adapter leur entraînement. En ce début d’année 2021, Distances+ a demandé à plusieurs coureurs inspirants de raconter comment ils vivent cette période inédite.
En 2019, l’ancienne championne du monde de trail Caroline Chaverot a décidé de mettre un terme à sa carrière de haut niveau en raison d’une santé vacillante et d’une fatigue harassante qui l’empêchait depuis deux ans déjà d’aller au bout de tous ses ultras. Elle qui avait presque tout gagné n’y arrivait plus. Jusqu’à perdre l’envie de courir.
Mais à sa grande surprise, sa santé s’est améliorée. Caroline a recouvré le goût de s’entraîner et la forme pour performer. Assez pour se raviser et rêver à se rendre de nouveau sur une ligne de départ. Son élan a malheureusement été brisé en 2020 en raison de la pandémie, quoiqu’elle a tout de même réussi à terminer 2e place du Trail Cenis Tour (59 km, 3400 m D+) en août dernier, la seule course à laquelle elle a pu participer.
En entrevue à Distances+, comme vous pourrez le lire ci-dessous, Caroline Chaverot confirme qu’elle court de mieux en mieux depuis un an et qu’elle est de retour, prête à renouer avec l’ultra-trail!
Pour celles et ceux qui auraient besoin de repères pour jauger l’athlète d’exception qu’est Caroline Chaverot, voici quelques éléments probants : sur les 53 courses qu’elle a terminées depuis ses débuts dans le trail running en 2012, elle en a remporté 32, soit plus de 60 %, et elle est montée 45 fois sur le podium (85 %). La championne du monde de trail 2016 a entre autres gagné, tenez-vous bien, l’UTMB, la CCC, la Hardrock, le MIUT, la Transgrancanaria, le Lavaredo, l’Eiger, l’Endurance Trail au Festival des Templiers, le 90 km du Marathon du Mont-Blanc ou encore l’Ultra-Race à la Maxi-Race et la Saintélyon.
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Distances+ : Avec du recul, comment as-tu vécu ton année 2020?
Caroline Chaverot : Cette année a été étrange, pour tout le monde. Le confinement, qui était assez strict en France, m’a permis de rompre avec la routine et de me poser des questions. J’ai ainsi réalisé que je ne me satisfaisais pas d’avoir arrêté la compétition et que je restais sur un sentiment d’inachevé. J’ai ainsi décidé de reprendre, avec pour objectif de participer à la TDS fin septembre. Ensuite, elle a été annulée, comme presque toutes les courses auxquelles j’avais décidé de participer. Donc j’ai continué à m’entraîner, avec une forme ascendante et un plaisir de plus en plus vif.
Que retiendras-tu et quels enseignements as-tu tirés de cette période insolite?
Cela faisait depuis l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 que l’on savait que, si l’on continuait à détruire les forêts, à parquer des milliers d’animaux dans des élevages intensifs et à urbaniser toute la planète, les pandémies allaient se multiplier. Et pourtant, on a continué droit dans le mur. J’en ai tiré beaucoup d’enseignements, assez déprimants, sur la nature humaine et le poids que l’on donne à l’économie par rapport au respect de l’environnement. Ma conscience écologique, déjà très forte avant cette pandémie, s’en est retrouvée très renforcée, avec l’envie de transmettre ces valeurs à mes enfants, mais aussi à mes élèves (Caroline est enseignante d’histoire et géographie dans le secondaire à Genève, NDLR).
Qu’est-ce que la pandémie et ses conséquences ont eu comme impact sur ta carrière de coureuse de haut niveau, d’autant que tu avais décidé d’arrêter la compétition avant de te raviser? Quelle est ta vision d’avenir à court ou long terme sur ta vie sportive?
C’est paradoxalement au moment où toutes les compétitions ou presque ont pris fin que j’ai souhaité reprendre. Mais jusqu’à cet hiver, j’ai beaucoup douté, en me demandant si j’en avais vraiment envie, si je ne me berçais pas d’illusions sur mes capacités, etc. Depuis quelques mois, je suis plus au clair : je pense que je suis, pour l’instant, capable de finir un ultra pas trop long, entre 80 et 100 km, et c’est pour l’instant mon seul objectif.
Je ne pense pas être capable de dominer la discipline comme je l’ai fait en 2016, mais j’ai envie de faire de mon mieux, et de courir plusieurs courses, jusqu’à être capable de finir un ultra un peu plus long.
Je ne me fixe pas d’objectif de résultat, j’ai juste l’envie de faire un chrono décent et de terminer pas complètement démolie. Mais, même si cela ne se passe pas comme prévu, ce n’est pas grave. J’ai retrouvé une bonne santé et le plaisir de courir, et c’est bien là l’essentiel. Et puis, je suis suffisamment l’actualité pour mesurer à quel point j’ai de la chance, en tant que femme, de pouvoir courir librement et de décider de ma vie comme je le fais. Dans le monde actuel, cela reste un privilège.
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Comment appréhendes-tu cette saison 2021? À quoi, au moment où l’on se parle, devrait-elle ressembler?
Comme tout le monde, je n’en sais rien! J’avais prévu plusieurs courses enthousiasmantes, comme la MaxiRace à Annecy, le 90 km du Mont-Blanc ou le Tour du Val d’Aran (Val d’Aran by UTMB, dans les Pyrénées espagnoles), mais si tout doit être annulé, je me concentrerai sur l’automne. J’aimerais bien faire la TDS, mais avec toutes ces annulations, je n’ai pour l’instant pas les points (pour avoir le droit de prendre le départ). Le MIUT a été reporté à l’automne, j’adorerai le faire.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
Si j’ai un message, c’est celui de se centrer sur le positif : le plaisir de courir, l’amour et le respect de la nature, la chance d’être en bonne santé!
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