Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.
C’est au tour de Camille Bruyas, de l’équipe Salomon, de nous raconter son confinement.
L’athlète française de 28 ans, qui a eu le temps de remporter l’une des rares courses qui a eu lieu cette année, le Trail du Ventoux (45 km, 2300 m D+), a quelques belles victoires à son actif, notamment au Grand Raid de La Réunion où elle a remporté entre autres la Mascareignes en 2016 (65 km, 4040 m D+) et le Trail de Bourbon (111 km, 6200 m D+) en 2017. Elle a également gagné le challenge Ultra Tour des 4 Massifs (176 km, 12 000 m D+) 2017 ainsi que la Swiss Canyon Trail (111 km, 5500 m D+) et la Saintélyon 2019.
Camille a également signé un podium de prestige l’été dernier en terminant troisième de la CCC derrière Ragna Debats et Amanda Basham.
Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?
Camille Bruyas : Au début, c’est la nouveauté pour tout le monde. On pense que cela ne va pas durer trop longtemps et donc c’est l’occasion de ne pas remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même. Je suis donc positive et efficace dans cette première période de trois semaines. Niveau sport, j’en profite pour couper un peu. J’ai eu la chance de courir le Trail du Ventoux juste avant le confinement, donc le repos tombe bien. Et puis mes parents, qui travaillent dans le médical, tombent malades du Covid-19. Je suis alors au jour le jour, à distance, l’évolution de ce virus sur des personnes sans facteur de risque. Je me dis rapidement que ce confinement va être plus long que prévu. C’est la difficulté de ce confinement : la gestion de la durée. Comme en ultra. C’est une aventure avec des hauts et des bas et qui peut être plus longs que prévu.
Parle-nous de l’impact que cela a eu sur ta motivation.
Je vis au jour le jour. J’ai des périodes de baisse de motivation où l’efficacité n’est pas au rendez-vous. Puis, des jours plus dynamiques. Concernant l’entraînement, j’adore découvrir de nouveaux espaces, de nouveaux lieux d’entraînement et la vie en van était parfaite pour cela. Tu ouvres la carte en fonction d’où tu es et tu analyses. Là, c’est compliqué, bien que je peux vous décrire le kilomètre de mon rayon autorisé. Donc évidemment, je manque de motivation.
J’adore la compétition également, qui crée des rencontres, de l’émulation et des objectifs. Alors, idem, je m’entraîne à l’envie du jour. Parfois, je ne fais rien. Au mieux je fais un footing d’une heure, et un peu de renforcement. Je suis concrètement limitée, comme tout le monde. À part ceux qui ont et qui adorent le home trainer.
Pour parler plus de sport, ce qui nous préoccupe « tous », je pense que cela ne doit pas passer après tout le reste. C’est important de se dépenser physiquement pour notre santé mentale. Effectivement, il y a plus grave que notre sport à nous, mais je pense que pour le bien-être de tout le monde il faut pratiquer une activité quotidienne.
As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?
J’avais organisé ma première partie saison autour du Lavaredo Ultra Trail dans les Dolomites en juin et l’UTMB fin août. Le Lavaredo est annulé, l’UTMB pas encore. Je ne sais pas si j’aurais envie de faire un 100 miles fin août pour un nouveau « début de saison » au risque de me blesser.
J’ai du mal à me projeter, car nous ne savons même pas s’il y aura des courses cette année. Si oui, et je l’espère, nous allons réorganiser la saison fin mai. Ce ne sont pas les idées qui manquent. J’avais envie de retourner à Cap Town, sur le 100 km, en fin de saison si tout allait bien, ça deviendra peut-être mon objectif de saison finalement. Il y a également les Templiers ou encore le report de la Transvulcania.
Sans parler de retour à la compétition, j’ai hâte de retrouver ma liberté et partir rouler, courir où j’ai envie. Une traversée du massif des Bauges, en Savoie, et de la Chartreuse en Isère, afin de relier Annecy à Grenoble, avec une copine est déjà tracée. Le moment de se faire de jolis défis, surtout à côté de notre future maison dans les Bauges. On a hâte!
Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?
La patience. Je crois que ce n’est pas une mes qualités premières et que je suis en train de l’apprivoiser. Cette période permet surtout de se rendre compte de la liberté que l’on a au quotidien. Et là, on nous interdit tout. Même de travailler pour certaines professions. Heureusement, on ne nous interdit pas de manger (rires).
Un des points positifs est que l’on n’a pas besoin de grand-chose pour être heureux, juste de la liberté. Et que la planète nous remercie. Je ne veux pas faire de jugement écolo ou autre, car je ne suis pas irréprochable, mais juste des gestes quotidiens et surtout savoir se remettre en cause, essayer de ne pas agir sans réflexion sur l’impact de nos actions.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
Continuez à courir, et à sourire, ça ne coûte pas cher et ça fait toujours plaisir. Mais ne vous prenez pas la tête! En tant que physio, j’ai également envie de vous dire : attention à la reprise, n’ayez pas les yeux plus grands que le ventre!
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