Thibaut Baronian et Baptiste Chassagne, deux petits nouveaux de l’équipe de France de trail

Interview croisée

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Les champions de France de trail court et long 2023, Thibaut Baronian (premier plan) et Baptiste Chassagne

L’un faisait déjà rêver la communauté française du trail quand l’autre commençait à chausser ses baskets. Thibaut Baronian et Baptiste Chassagne ont en commun leur passion de la course en montagne. Ils se sont liés d’amitié lors d’une reconnaissance des parcours des championnats de France de trail. Ils ont tous les deux remporté le titre dans la foulée au Trail de la Cité de Pierres en mars. Sur le court pour le premier, sur le long pour le second. Une première pour l’un comme pour l’autre. Thibaut et Baptiste, les deux nouveaux visages de l’équipe de France masculine de trail, ont joué pour Distances+ le jeu de l’interview croisée avant les mondiaux d’Innsbruck où ils inaugureront leur sélection, respectivement jeudi 8 et vendredi 9 juin. Et vous allez le lire, les deux petits nouveaux n’ont pas la même vision du maillot tricolore.

Distances+ : Baptiste, que signifie pour toi cette première sélection en équipe de France ?

Baptiste Chassagne : Pour moi, c’est simple : j’ai trois rêves d’athlète et honorer le maillot tricolore en est un, aux côtés d’une victoire à la Saintélyon et d’un podium à l’UTMB. Je dis bien honorer le maillot. j’avais déjà eu l’opportunité de rejoindre l’équipe de France pour les Championnats du monde de 2022 en Thaïlande, mais j’avais choisi de ne pas accepter cette première sélection, car justement, je n’estimais ne pas être en capacité d’honorer ce maillot à ce moment-là. J’ai toujours été très connecté avec les valeurs que transmettent les équipes de France, dans tous les sports. J’ai été biberonné au maillot bleu. C’est impossible pour moi de ne pas donner tout ce que j’ai pour mon pays. 

Thibaut, te retrouves-tu dans cette vision ?

Thibaut Baronian : Dans un autre sport, je pourrais avoir la même vision, mais pas forcément dans le trail. Venant du ski nordique, l’équipe de France, cela me parle. Dans les sports qui sont historiquement gérés et structurés par des fédérations, tu es au plus haut niveau si tu représentes ton pays. En trail, ce n’est pas structuré de la même manière. Tu peux être dans le très haut niveau sans pour autant porter ce maillot. Ce n’était pas un rêve pour moi, mais c’est aujourd’hui une belle opportunité, un gros challenge et, certainement, à la clé, une belle expérience et une fierté. Mais je ne vois pas cette sélection comme si j’étais un athlète dans le foot ou le hand, ça, c’est sûr !

Thibaut Baronian
Thibaut Baronian, le champion de France de trail court 2023 – Photo : Justin Galant

Baptiste a dit être prêt à honorer cette sélection, mais en ce qui te concerne, Thibaut, après presque 10 années dans le haut-niveau en trail, pourquoi était-il temps de jouer une qualification ?

Tout marchait bien cette année pour que je tente la « qualif », que ce soit dans l’emploi du temps, le format de la course et sa localisation en Europe. Je ne sais pas si ça se reproduira dans le futur, mais j’avais envie de saisir cette opportunité.

Toi qui es dans le milieu depuis longtemps, vois-tu la portée de ces grands championnats s’élargir ?

Je pense que les deux dernières éditions des « Monde » (2019 au Portugal et 2022 en Thaïlande, NDLR) ont fait du bien à l’image de ces événements. Ils sont plus médiatisés, il y a plus d’athlètes de premier rang qui s’y déplacent. Ça porte la compétition et ça lui donne plus de crédibilité. Forcément, cela donne aussi plus envie d’y participer. Cette année, à Innsbruck, avec une organisation (celle de l’Innsbruck Alpine Trailrun Festival) qui sait proposer une belle course, cela va dans le bon sens. 

Baptiste, on décèle une réaction ?

C’est vrai que je ne me suis même pas posé la question du parcours (rires). Je voyais le maillot, peu importe la course. Même si c’était un 10 km je me préparerais en conséquence. Je ne ressens même pas de pression. Je sens que je vais réussir, que je vais me surprendre. La pression était plus sur les Championnats de France (qualificatifs pour les Championnats du monde), pas sur les « Monde ». 

Est-ce pour toi la course la plus légitime du trail running ?

Oui, je le pense vraiment. Les titres nationaux et internationaux, pour un public de non-initiés, ça parle. Quand tu dis que tu as gagné Sierre-Zinal ou Zegama, moins. Le maire de ta ville ou le pote de tes potes ne connaissent pas ces courses. Les titres te positionnent d’une certaine manière. Tu vois, quand on présentera Thibaut, on dira désormais, « Baronian, champion de France de trail 2023 ».

Ça a de la valeur, ça, pour toi, Thibaut ?

Oui, ça en a pris tout du moins et je ne pensais pas que ça en prendrait autant. Je ne m’en rendais pas forcément compte avant le Championnat de France en réalité. Depuis, je me rends compte que ça parle à tout le monde.

Si on pousse la réflexion, cela pose finalement la question : qu’est-ce qui est le plus important, la reconnaissance par ses pairs ou par le grand public ?

Baptiste Chassagne : moi ce que je vois, c’est le cercle vertueux de la performance. Une reconnaissance par le grand public, d’une certaine manière, signifie plus de sponsors, plus de temps pour s’entraîner et donc plus de résultats sur des courses qui sont peut-être plus valorisées par les spécialistes et moins connues hors du « sérail ».

Est-ce que derrière vos deux visions, il n’y a pas aussi vos positionnements dans vos carrières respectives qui transparaissent. Thibaut, tu es bien installé dans une équipe très forte (Salomon). Baptiste, tu as émergé année après année dans une équipe plus jeune (Sidas-Matryx). Qu’en pensez-vous ?

Thibaut Baronian : c’est vrai que Baptiste est peut-être plus jeune dans les têtes de peloton, quand moi j’ai déjà quelques podiums importants derrière moi.  Donc oui, pour moi, un podium aux « Monde » ne serait pas plus fort que mon podium à Zegama en 2019.

Baptiste Chassagne
Baptiste Chassagne, le champion de France de trail long 2023 – Photo : Justin Galant

On voit une grande complicité entre vous, est-ce que décrocher cette sélection ensemble à une saveur particulière ?

Baptiste Chassagne : honnêtement, la magie de ce week-end qualificatif aux Championnats de France au Trail de la Cité de Pierres, où nous gagnons tous les deux, restera gravée. Nous avions fait un week-end de reconnaissance ensemble en amont et on avait beaucoup échangé, j’avais beaucoup appris. Avec Thibaut, on ne se connait pas depuis si longtemps, mais je ne mesure pas la force d’une amitié au nombre des années. Porter le maillot pour la première fois ensemble, c’est la cerise sur le gâteau.

Thibaut Baronian : Moi, j’aime transmettre à des coureurs plus jeunes, mais quand il y a un vrai lien. Je n’aime pas faire des conférences magistrales. Quand on crée une connexion comme on le fait avec Baptiste, j’aime partager et donner ce que je peux donner.

Au sein de l’équipe de France, penses-tu avoir quelque chose à apporter sur ce terrain de la transmission ?

Oui, peut-être. A la faveur de tous les marathons en montagne que j’ai déjà courus. Mes années vont certainement induire une autre vision par rapport à certains athlètes qui en sont à leur deuxième ou leur troisième marathon. Et c’est ça que j’aime avec cette équipe de France : on a tous des profils très différents.

Baptiste Chassagne : pour moi, ce n’est pas juste la sélection qui compte. J’avais hâte de vivre le stage avec l’équipe de France (dans le Cantal) et tout ce qui entoure la sélection. Et, forcément, le partage avec des athlètes plus expérimentés. Je vis ça avec beaucoup de décontraction, sans ressentir de la pression. Je ne sais pas si c’est le bon « mood mental » mais c’est ce que je ressens. J’ai réussi ce que je voulais faire et j’arrive aux Championnats du monde avec beaucoup d’appétit. Et, surtout, je ne vois aucune limite au résultat que je peux faire à Innsbruck. 


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