Le monde de la course regorge de coureurs avec des histoires hors de l’ordinaire et celle d’Anne Bouchard en fait assurément partie. Fiscaliste pour le Cirque du Soleil, mère de deux jeunes enfants, elle a commencé à s’intéresser à l’ultratrail à 38 ans.
Moins de quatre ans plus tard, son talent inné et, surtout, sa détermination lui permettent de s’envoler vers la France, où elle participe à l’une des courses les plus mythiques de la planète, la Courmayeur-Champex-Chamonix (CCC) de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB).
Un parcours qui rappelle à quiconque que dans ce sport, la détermination fait foi de tout.
Tout commence par un rêve
En 2012, alors enceinte de son deuxième enfant, c’est un article sur l’ultramarathon de l’Everest qui a piqué la curiosité d’Anne sur le monde de la course en sentier. « Quand j’ai vu ça, je me suis dit que je ferais de l’ultramarathon un jour, explique-t-elle. Je l’ai mis dans mon “enveloppe à rêves”. »
Grimpeuse aguerrie, elle ne pratiquait pas la course sur une base régulière. C’est avec l’objectif un peu fou de faire l’UTMB qu’elle commença sa routine d’entraînement. « Hiver comme été, je me lève chaque matin vers 4 h 30, je prends un expresso, parfois deux, et je pars m’entraîner deux heures au mont Royal. » Pour Anne, courir à cette heure est la seule manière de concilier sa vie d’athlète, sa carrière et, bien sûr, sa vie de maman.
La progression a par la suite été phénoménale, Anne a enchaîné les courses à un rythme impressionnant. Le 60 km de Saint-Donat, le 65 km d’Harricana et, en 2014, elle a même couru deux 50 mi (environ 80 km) en l’espace d’un mois. « En y repensant, c’était un peu fou, mais ça m’a permis de pousser mon corps au maximum et d’en apprendre beaucoup sur ses limites », lance-t-elle.
Dans la cour des grands
En 2015, la Montréalaise a participé à la course TransRockies du Colorado, une épreuve difficile (près de 6 000 m de D+) qui regroupe près de 400 coureurs de 20 pays. Bouchard a terminé au sixième rang chez les femmes. « J’ai réalisé à ce moment que je pouvais être une bonne coureuse », poursuit-elle. Avec l’aide de son entraîneuse Hélène Dumais, elle a remporté après coup le Bromont Ultra et avait maintenant assez de points en banque pour s’inscrire à la CCC.
« J’ai eu la confirmation pour la CCC en janvier dernier, trois ans après m’être donné cet objectif un peu fou », indique-t-elle fièrement. Pourquoi avoir choisi cette épreuve de l’UTMB précisément? « Je suis une athlète qui aime performer dans mes courses, explique Anne. Je ne veux pas sauter d’étapes et me retrouver dans une distance qui n’est pas adaptée à mon entraînement. »
C’est donc 101 km qu’elle traversera entre Courmayeur et Chamonix, avec environ 6 100 m de D+. « C’est en fait quatre grosses montées, dont une après le départ, décrit-elle. Étant donné mon passé en escalade, je ne m’inquiète pas vraiment de l’altitude, il faut simplement que je gère bien mes énergies et mon corps. Une ampoule peut facilement se transformer en catastrophe si je ne m’en occupe pas. Je ne dois laisser aucun détail au hasard. »
Celle qui fait maintenant partie de l’équipe The North Face n’a pas réellement d’objectif de temps. « Comme à chaque course, ma seule priorité est de franchir la ligne d’arrivée avec le sourire », laisse-t-elle tomber en souriant.
Rencontrée à un mois de la course de sa vie, Anne était étonnamment très détendue. Malgré un petit malaise qui l’affectait (à la bandelette), son entraînement se passait bien et elle se sentait bien mentalement. « Je suis prête », confirme-t-elle.
Lorsqu’elle s’élancera, le soir, pour le grand défi de sa carrière, Anne aura une pensée pour sa mère, décédée à la veille de l’entrevue. Comme elle l’explique elle-même, cette épreuve qu’est le deuil de sa mère est une étape à part entière de sa préparation. « C’est sûr et certain qu’elle m’accompagnera tout au long de cette course », conclut-elle avec émotion.
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