L’aventurier Ray Zahab part pour une autre expédition dans l’Arctique, où les choses ont changé

Ray Zahab
Ray Zahab - Photo : Kevin Vallely

Si plusieurs d’entre nous se cachent sous les couvertures pendant les mois d’hiver, l’aventurier et ultra-marathonien Ray Zahab part aujourd’hui vers une autre réalité : le grand froid. Distances+ a discuté avec lui de sa nouvelle expédition dans l’Arctique, et de ce qui le pousse à poursuivre son exploration de la planète.

Distances+ : Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre expédition dans l’Arctique, qui commence aujourd’hui, le 21 janvier?

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Ray Zahab: Je pars pour Qikiqtarjuaq, une communauté située sur l’île du même nom dans la région de Qikiqtaaluk au Nunavut. C’est au large de l’île de Baffin. Pendant que je vais être là, je vais aller dans une école, où je suis déjà allé plusieurs fois, pour rencontrer les élèves. Nous ferons une diffusion en direct sur Facebook, et les étudiants du Canada et du monde entier pourront poser des questions sur l’expédition. Ensuite, je vais partir de Qikiqtarjuaq, traverser la banquise, traverser l’île de Baffin et continuer jusqu’à Pangnirtung. Cela représente environ 300 km de trajet, à pied et à ski. Cette expédition sera en solo et en autonomie.

Combien d’équipement emporterez-vous lors de cette expédition?

Environ 40 livres d’équipement. Le plan, c’est de voyager vite et léger. Je prévois de 15 à 20 jours, mais je ne transporterai qu’une semaine de fournitures. L’objectif est d’arriver en une semaine ou plus vite, mais ce rythme cela dépend de nombreux facteurs.

Photo : Ray Zahab

Qu’est-ce qui va être le plus difficile et qui pourrait nuire à cette expédition?

La météo. Je suis déjà allé sur l’île de Baffin, et c’était parfaitement calme. À -30 °C, en hiver, il y a une immobilité étrange. Le ciel est gris, mais tu sais qu’une énorme tempête peut survenir en quelques minutes, avec des vents de 100 à 150 km. Ça devient impossible. Le refroidissement éolien peut être de -60 °C. J’ai déjà gelé toutes mes montres Garmin! Il faut donc savoir utiliser une boussole et lire une carte.

Avez-vous vu des changements liés au climat depuis votre première visite sur l’île de Baffin en 2007 jusqu’à votre dernière visite en 2019?

Oh absolument! En 2017, sur mon expédition « Arctic Extreme », je me souviens d’avoir cherché le glacier Rundle qui aurait été à ma gauche normalement. Avant, je changeais constamment de direction en traversant des rivières, mais je savais qu’en regardant le glacier, j’étais dans la bonne direction. Maintenant, il n’est plus là. Quand je suis rendu à la zone de moraines, je vois les derniers vestiges du glacier à environ un kilomètre.

Ce sera votre huitième voyage à l’île de Baffin. Qu’est-ce qui vous fait y retourner?

Je pense que tout le monde a un coup de coeur pour un endroit. Pour moi, c’est l’île de Baffin, que je trouve absolument incroyable. En 2007, je me suis lancé le défi de courir sur les trails des trois côtes du Canada. La première course a été sur l’île de Baffin, le 100 km du col Akshayuk. Après l’avoir terminé, je savais que je reviendrais, même si mon séjour sur l’île de Baffin avait été bref. Mais la vérité, c’est que je ne suis pas confortable avec le froid! Alors se rendre à l’île de Baffin en hiver, quand les températures peuvent atteindre -50 °C, avec très peu de lumière, c’est très difficile. Mais j’aime tellement cet endroit. C’est sûr qu’il y a quelque chose qui m’incite à y retourner. Ce sera ma quatrième traversée d’hiver sur l’île de Baffin.

Est-ce le seul projet prévu pour 2020?

Cette année, je ne fais que des projets par pure passion. J’ai toujours dit que les plus grandes aventures sont celles qui comptent le plus pour nous. Alors les deux projets que je planifie cette année, c’est un peu la cerise sur le gâteau de tous les autres que j’ai réalisés au fil des ans. Il y a d’abord cette expédition dans l’Arctique sur l’île de Baffin, et plus tard cette année, je vais tenter de traverser toute la partie nord de l’Amazonie avec mon bon ami Stefano Gregoretti, c’est environ 5000 km.

Combien de temps à l’avance commencez-vous à planifier une telle expédition?

Des années. Il faut penser que j’ai parcouru plus de 14 000 km en Arctique et dans de nombreux autres endroits du monde au cours des 15 dernières années, sans soutien ou avec un soutien très limité, à l’exception du Sahara en 2006. Même si je m’habitue à faire des expéditions, ça me prend plus de temps à chaque fois pour les planifier. J’essaie de faire ces projets de façon aussi authentique que possible. Pour mes expéditions dans l’Arctique, j’ai choisi de les faire en autonomie et en hiver, et pour mes traversées du désert, en plein été, quand le désert est à son plus extrême. D’un point de vue logistique, il faut plus de temps pour planifier quand je vais dans des environnements dans les moments les plus difficiles de l’année.

Comment maintenez-vous un équilibre sain dans la vie avec toutes ces expéditions?

C’est mon travail, c’est ce que je fais dans la vie. J’ai deux filles incroyables, de 8 et 11 ans. Ma plus vieille est à Vancouver en ce moment dans le cadre d’un programme d’échange. Ma plus jeune et moi on dévore les pistes de ski de fond. Elles sont toutes les deux incroyables. Ma femme court et participe à des ultras marathons. Elle a couru le Moab 240 cette année, et elle a terminé deuxième, c’est incroyable. L’aventure fait partie de notre famille. Je veux que mes filles pensent que ce que fait le bonhomme est normal et qu’on peut réaliser des choses importantes. On trouve l’équilibre dans notre vie parce que ce que je fais, on le normalise. Et on fait savoir à mes filles qu’elles peuvent faire tout ce qu’elles veulent. J’ai passé 30 ans de ma vie à éviter les difficultés et à avoir peur de l’échec. Quand je me suis mis à courir, ça m’a appris à ne jamais douter, à prendre des risques et à essayer, parce que finalement, on n’a qu’une vie à vivre. La plus grande réussite pour moi, ce n’est aucune de mes expéditions, c’est mes filles et de leur partager mes aventures.

Des années dans l’aventure

Ray Zahab – Photo : Stefano Gregoretti

Pour ceux qui ne connaissent pas Ray Zahab, voici un bref aperçu de 15 ans de carrière en tant que coureur et explorateur.

En février 2004, il a été fait son premier ultra-marathon, le Yukon Arctic Ultra. C’était un 160 km brutal, par temps glacial, qu’il a gagné. Ça l’a mené à participer à de nombreuses courses d’ultra-endurance, notamment le Marathon des Sables en 2004 et 2005.

Sa première véritable expédition vient quelques années plus tard. En novembre 2006, Ray, Charlie Engle et Kevin Lin entament une traversée exténuante de 7500 km, à pied, dans des conditions extrêmes. Du Sénégal à la mer Rouge, ils traversent le désert du Sahara en 111 jours. Cette expédition change à jamais la vision de Ray sur la vie.

En 2008, il lance la fondation impossible2Possible (I2P), qui vise à inspirer et éduquer les jeunes par l’aventure. Depuis 2006, ses voyages l’ont conduit aux quatre coins de la planète, à pied, à ski et à vélo.

Il n’est pas surprenant que Ray soit également un conférencier très recherché, qui a pris la parole lors de nombreux événements à travers le monde et pour des sociétés réputées.

Traduction : Vincent Champagne

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