L’activité physique est-elle dangereuse pour la santé?

Photo : U.S. Coast Guard

Pratiquer une activité physique est la meilleure stratégie pour prévenir la maladie et espérer vivre en santé le plus longtemps possible. Il arrive pourtant que des personnes a priori en pleine forme meurent subitement lors d’une course, laissant craindre que faire du sport puisse être dangereux. Faisons la part des choses et tentons d’y voir plus clair.

Si la sédentarité est responsable de 25 % des cancers du sein et colorectaux, de 27 % des diabètes ou encore de 30 % des maladies cardiaques athérosclérotiques, les études ont permis de constater qu’une activité physique régulière tendait à réduire la mortalité de toutes causes de 20 à 50 % selon la durée et l’intensité. Aucune médication ni aucune intervention médicale n’arrive à la cheville de cette statistique spectaculaire.

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Quelques statistiques

La probabilité d’une mort subite durant une activité physique dans la population générale est de 4,6 personnes sur 1 million par année. Dans la population générale, à tout moment, le risque est estimé à entre 0,36 et 1,8 sur 1000 par année. Notons que ce dernier chiffre représente uniquement les cas rapportés de morts subites après une réanimation cardiaque par du personnel médical ou paramédical. Le chiffre réel est donc probablement nettement supérieur.

Une étude publiée par le prestigieux New England Journal of Medicine en 2012 a recensé 59 décès entre 2000 et 2010 sur deux millions de coureurs américains. Le risque de mort subite serait donc de 1,01 sur 100 000 chez les marathoniens (40 décès) et de 0,27 sur 100 000 chez les coureurs de demi-marathons (19 décès).

Une autre étude publiée en 2018 a relevé tous les décès chez les triathlètes entre 1985 et 2016, chiffrant cette fois le risque à 1,74 sur 100 000 par année. Elle distingue le nombre des décès en fonction de la distance de l’épreuve de natation (750 m, entre 750 m et 1 mi (1600 m), et plus de 1 mi). La mortalité subite serait étonnamment plus élevée sur les courtes distances (49 %) que sur les moyennes distances (24 %) et que sur les longues distances (17 %). Notons que 38 % des défunts participaient à leur premier triathlon et qu’aucun décès n’a été rapporté dans le groupe des athlètes élites.

Autre fait intéressant : la grande majorité des morts subites se produisent dans la portion natation (67 %) plutôt qu’en vélo (16 %) ou à la course à pied (11 %). Six pour cent des décès sont survenus après la compétition.

Quelles sont les causes de décès?

La cause des décès chez les plus de 35 ans est pratiquement toujours d’origine coronarienne. Une plaque athéromateuse présente dans les artères nourrissant le cœur se rompt, provoquant la formation d’un caillot qui bloque la circulation au cœur. C’est l’infarctus!

Chez les moins de 35 ans, les décès sont nettement moins nombreux, mais on comptabilise tout de même de 50 à 75 cas par année parmi les athlètes aux États-Unis, et entre 10 et 15 en France. Le risque de mort subite double chez les athlètes (uniquement chez les moins de 35 ans) par rapport aux non-athlètes et chez les hommes par rapport aux femmes. Les trois grandes causes soulevées sont les cardiomyopathies hypertrophiques congénitales, les arythmies ventriculaires et les anomalies des artères coronaires. Il s’agit donc de prédispositions souvent génétiques pouvant être exacerbées par l’activité physique.

ECG ÉLECTROCARDIOGRAMME
Un électrocardiogramme (ECG) étudie l’activité électrique du coeur – Photo : courtoisie

Ces décès sont-ils évitables ?

Les enjeux de dépistage ne sont évidemment pas les mêmes, puisque chez les plus de 35 ans, nous voulons dépister une maladie coronarienne, tandis que chez les moins de 35 ans nous voulons dépister des malformations congénitales et des troubles électriques.

Pour un médecin, tout dépistage commence par une identification systématique des athlètes présentant des facteurs de risque. On portera donc une attention particulière à un athlète qui présente des « conditions associées », comme une hypertension ou un diabète.

Il doit également toujours investiguer d’emblée un athlète à « l’historique familial positif ». Voici quelques exemples :

  • Un parent a subi un infarctus avant l’âge de 50 ans
  • Un historique de dyslipidémie familiale
  • Un membre de la famille souffre d’arythmies depuis son jeune âge ayant nécessité la pose d’un stimulateur cardiaque ou une procédure d’ablation de foyer d’arythmie ectopique (syndrome de Brugada, syndrome de Wolf Parkinson White)
  • Des histoires familiales de morts subites inexpliquées en jeune âge
  • Des pathologies congénitales du tissu conjonctif comme des syndromes de Marphan

Certaines populations sont par ailleurs plus susceptibles de présenter des pathologies particulières, comme les cardiopathies hypertrophiques dont 50 % des cas sont retrouvés chez les personnes noires d’origine africaine.

Quand faut-il investiguer?

On ne répétera jamais assez qu’une perte de conscience à l’effort ne doit jamais être banalisée, qu’une baisse de performance inexpliquée doit toujours être examinée et qu’un malaise thoracique ou une sensation de palpitations sont autant de « drapeaux rouges » qui doivent nous alerter.

Les recommandations émises depuis 2015 par l’Association canadienne de médecine du sport et de l’exercice suggèrent d’effectuer un électrocardiogramme de repos en plus de se soumettre à un questionnaire médical détaillé et de procéder à un examen physique ciblé pour les athlètes d’équipes nationales. Les Européens proposent une utilisation beaucoup plus étendue de l’électrocardiogramme alors que les Américains en restreignent l’utilisation pour des enjeux économiques. Selon nos guides cliniques canadiens, un athlète récréatif à l’histoire personnelle et familiale négative chez qui aucune anomalie n’est soulevée lors de l’examen physique et l’analyse du questionnaire ne devrait pas subir davantage d’investigation.

Comment investiguer?

L’électrocardiogramme est malheureusement un examen peu spécifique. On y décèle des anomalies chez environ 40 % des athlètes d’endurance qui s’avéreront pour la plupart bénignes et sans conséquence clinique. Il peut être recommandé d’approfondir le travail d’investigation avec une épreuve d’électrocardiogramme à l’effort et une échographie cardiaque lorsqu’un électrocardiogramme est jugé anormal. L’échographie cardiaque peut, entre autres, déceler une cardiopathie hypertrophique congénitale qui est, de loin, l’affection responsable de morts subites la plus fréquente chez les moins de 35 ans.

Les examens de dépistage de maladie coronarienne ne sont malheureusement pas parfaits. Quatre procédures techniques sont disponibles : les épreuves d’électrocardiogramme à l’effort sur tapis roulant, la scintigraphie myocardique au persentin, l’échographie à l’effort et la coronarographie par tomodensitométrie.

Il est raisonnable de proposer à toute personne sédentaire de plus de 40 ans qui décide d’entreprendre un programme de remise en forme de subir un dépistage de maladie coronarienne au préalable. L’épreuve d’effort sur tapis roulant est la procédure la moins coûteuse et la moins invasive. Elle fournit de l’information sur l’ischémie à l’effort, mais également sur l’hypertension et les arythmies à l’effort. L’échographie cardiaque à l’effort est coûteuse et la validité pronostique de cet examen est remise en question chez le sujet qui ne présente aucun symptôme. La scintigraphie myocardique n’a pas vraiment sa place dans le dépistage de l’athlète et la coronarographie par tomodensitométrie est peu utilisée vu les coûts élevés et l’exposition aux radiations ionisantes peu souhaitables.

Le constat est donc réel : l’activité physique n’est pas sans risque. Ce risque est toutefois minime et bien en deçà des bénéfices innombrables qu’elle génère. Il demeure donc essentiel de continuer à promouvoir un style de vie actif. Il faut simplement rester conscient qu’une bonne partie des décès chez les athlètes de tous les groupes d’âge sont évitables si on est vigilant en prenant soin d’identifier les athlètes à risque et les signaux d’alarme.


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de  l’Association  québécoise  des  médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur. Lisez tous ses textes !