Pierre-Michel Arcand, Johan Trimaille (victoire ex aequo) et Caroline Côté (2e) ont marqué l'édition 2020 du 154 km de l'Ultra Trace de Guadeloupe - Photo : Nicolas Fréret

Les athlètes du Québec grands vainqueurs de l’Ultra Trace de Guadeloupe

Six athlètes avaient quitté l’hiver québécois la semaine dernière pour participer, en plein Pentathlon des neiges, à l’Ultra Trace de Guadeloupe, dans les Antilles françaises. Ils ont presque tout gagné face aux coureurs locaux et aux traileurs venus de France métropolitaine.

À peine acclimatés, Pierre-Michel Arcand, Caroline Côté et Johan Trimaille, tous les trois engagés sur l’épreuve reine (154 km et 6300 m D+), ainsi que Mathieu Blanchard, Anne Champagne et Annie-Claude Vaillancourt, inscrits au 83 km pour 2900 m de D+, se sont retrouvés sur les sentiers boueux et glissants de la forêt tropicale de la Basse-Terre (l’aile gauche du papillon que forme la Guadeloupe vue du ciel) et sur le sable bouillant du littoral caribéen.

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Ils étaient tous réunis vendredi soir à Petit-Bourg pour s’encourager un peu avant le départ du 154 km fixé à environ 18 h 30. Environ, car en Guadeloupe la ponctualité est, disons, joyeusement approximative. La course a d’ailleurs été lancée 10 minutes en retard.

Victoire main dans la main de PM Arcand et Johan Trimaille sur le 154 km

L’image est étonnante sur un ultra-trail international : seulement 23 participants étaient au départ de la grande épreuve. Et encore, trois ou quatre d’entre eux se sont élancés par erreur avec les coureurs du 20 km, lâchés quelques minutes plus tôt. Cela a créé une petite panique dans l’organisation, mais pas tant.

Le Québécois Pierre-Michel Arcand, surnommé PM, et le Franco-Québécois Johan Trimaille avaient décidé de faire la première partie de la course ensemble, sur les conseils avisés de Mathieu Blanchard, le vainqueur de l’épreuve en 2018.

Ce dernier a souvent présenté la course comme une compétition extrêmement difficile à travers une jungle exigeante, qui ralentit inéluctablement la progression du plus rapide des coureurs. Il avait parcouru la distance en 30 heures à l’époque (pour comparaison, l’UTMB avec ses 170 km et 10 000 m de D+ se gagne en 19-20 heures) et il garde un souvenir intense de l’éternité passée dans la forêt tropicale, parfois à la limite du praticable. « Il m’avait fallu 12 heures pour faire 50 km, s’étonne encore Mathieu Blanchard. J’avais dû courir seulement 15 minutes sur ces 12 heures en forêt». Bref, il a fortement recommandé à ses camarades d’opter pour un travail d’équipe. Ce qu’ils ont fait religieusement avec tellement de plaisir qu’ils ne se sont pas quittés pendant plus de 32 heures.

À leur grande surprise, ils étaient dans de bonnes dispositions, physiques et mentales, après une nuit passée entre boue et racines glissantes sur des sentiers où il est parfois extrêmement difficile de ne serait-ce qu’avancer. Mais ils n’en avaient alors pas fini avec « l’enfer vert », et les plages de sable fin ont mis du temps à arriver. Après 90 km et 19 heures de course, Pierre-Michel Arcand évoquait une « véritable boucherie » à son arrivée au ravitaillement de Deshaies.

PM et Johan ont repris la route enthousiastes pour la deuxième partie de course, marquée par la chaleur du littoral caribéen, même si quelques averses tropicales sont venues les rafraîchir à plusieurs reprises.

Les deux champions sont tout de même parvenus à garder un bon moral tout du long, même s’ils ont reconnu avoir eu des coups de mous à tour de rôle.

Ils ont passé la ligne d’arrivée dans la nuit de samedi à dimanche après 32 h 22 d’efforts. À chaud, dans un grand état de fatigue, voici ce que PM et Johan retenaient de ce périple incroyable :

Leurs poursuivants, les Français Bertrand Pons, qui vit en Guadeloupe, et Gregory Oger, ont eux aussi terminé la course main dans la main. Ils ont passé la ligne un peu moins de deux heures plus tard. Ils ont estimé que PM Arcand et Johan Trimaille sont « vraiment costauds. »

Caroline Côté a survécu au 154 km

Caroline était de retour en Guadeloupe après sa victoire sur le 83 km en 2019, mais faute d’entraînement et d’adaptation à la chaleur, elle craignait le pire. Elle avait confié à Distances+ avoir pour seule ambition de survivre à cette épreuve de fou.

Après une belle première partie de course nocturne, elle a accusé le coup, se laissant rattraper par la Guadeloupéenne Nellise Cabarrus. La suite a été un interminable chemin de croix au cours duquel elle a beaucoup pleuré, à se demander ce qu’elle faisait là.

Caroline a notamment fait des siestes de 20 minutes régulièrement pour combattre son envahissante fatigue, mais jamais elle n’a lâché. Elle a pris la deuxième place en 41 h 54.

Elle raconte comment elle a vécu cette expérience mémorable, qui fait que rien ne sera plus complètement comme avant :

Caroline Côté va maintenant se concentrer sur son expédition de deux mois en Alaska, prévue en juin.

Victoire et record sur le 83 km pour Mathieu Blanchard

Mathieu Blanchard et Annie-Claude Vaillancourt ont remporté l’épreuve de 83 km et ont tous les deux amélioré le record du parcours.

Chez les hommes, Mathieu a survolé la course, alors qu’il s’était promis de ne pas se mettre dans le rouge pour être capable, après son podium et sa plus grosse performance en carrière à la Tarawera en Nouvelle-Zélande, de reprendre intensément l’entraînement en vue de son prochain objectif en Espagne, la Penyagolosa, sur le circuit de l’Ultra-Trail World Tour. Il a tenu sa promesse en adoptant une allure confortable pour lui, mais cela a suffi pour passer largement en tête la ligne d’arrivée.

Outre cette victoire, ce que Mathieu Blanchard retient de son week-end, c’est qu’il est maintenant en paix avec la Guadeloupe, qu’il avait quittée blessé l’an dernier, après sa fracture au sacrum. Il exultait d’ailleurs en arrivant sur les lieux de son drame, au ravito de Sofaïa (km 46) :

Après sa victoire, Mathieu est immédiatement retourné sur les sentiers pour encourager ses camarades engagés sur le 154 km.

Victoire et record aussi pour Annie-Claude Vaillancourt

Annie-Claude Vaillancourt a gagné le 83 km de l’Ultra Trace de Guadeloupe samedi soir à sa grande surprise. L’athlète qui profitait de la course pour passer une semaine de vacances en famille a terminé l’épreuve en 13 h 32, alors qu’elle s’attendait à passer 15 heures dans les sentiers. Elle a appris le lendemain qu’elle avait battu le record de la course elle aussi.

Annie-Claude semblait encore en forme lorsqu’elle a passé la ligne victorieuse, félicitée par ses trois enfants qui l’ont suivie et épaulée de ravito en ravito.

« C’était ma première fois en milieu tropical. Je n’avais pas vraiment préparé la course ni même regardé à quoi ça ressemblait et j’ai bien fait, a-t-elle commenté à l’arrivée. Ça m’a permis de ne pas avoir d’attente. »

Anne Champagne abandonne

Avant la course, Annie-Claude Vaillancourt s’attendait à voir l’autre athlète québécoise, Anne Champagne, s’échapper devant. « Elle va très vite, mais quand j’ai constaté que je continuais de la voir devant, je me suis dit qu’elle n’était pas dans un bon jour ».

Et comme de fait, elle a dépassé Anne sur la plage de La Perle, entre Deshaies et Sainte-Rose. La jeune femme était assise dans le sable, émue par sa décision d’abandonner parce qu’elle était dans un très mauvais jour, sans énergie. Les deux athlètes se sont échangé quelques mots. Annie-Claude a invité Anne à repartir avec elle, mais Anne, qui grelottait en plein soleil, a préféré ne pas hypothéquer la suite de sa grosse saison, même si cela venait avec énormément de déception et de frustration.

À fleur de peau, celle qui a remporté le Trail du Bourbon au Grand Raid de La Réunion en octobre dernier et qui prenait le départ avec la ferme envie de faire descendre nettement le record, savait que cet abandon serait une expérience enrichissante pour la suite de son ambitieuse carrière. Mais elle semblait avoir besoin de se remettre en cause pour bien comprendre ce qu’elle était en train de vivre.

« Trop de pression qu’on se met sur les épaules? Trop de volume pré-course? Pas assez de préparation? Aurais-je dû y participer? Aurais-je dû continuer? Toutes sortes de questions qui me passent par la tête en ce moment de déception. J’apprends encore et encore étant nouvelle dans ce fabuleux sport », a-t-elle entre autres écrit sur sa page Facebook.

Anne Champagne va maintenant se concentrer sur son premier vrai objectif de l’année, la Penyagolosa, en Espagne, mi-avril.

La championne canadienne Anne Champagne au départ de l’épreuve de 83 km de l’Ultra Trace de Guadeloupe – Photo : Nicolas Fréret

Nouvelle épreuve en 2021

Lors de la remise des médailles, l’organisateur de l’Ultra Trace de Guadeloupe, José Losbar, a annoncé que l’épreuve de 154 km sera raccourcie de 30 km l’an prochain.

La course est très dure, trop peut-être, au point d’attirer trop peu de participants par rapport à l’investissement que cela représente, justifie José.

La nouvelle version de la grande épreuve devrait se concentrer sur la forêt tropicale et le littoral caribéen. Ce sont les portions de route et de champs de cannes à sucre qui devraient essentiellement être rayées du parcours.

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