Votre entraînement est-il polarisé?

Les athlètes Kristin Berglund et Mathieu Blanchard s'entraînent tranquillement à l'occasion d'une séance photo dans l'Atlas marocain lors de l'UTAT 2018 - Photo : Nicolas Fréret
Les athlètes Kristin Berglund et Mathieu Blanchard s’entraînent tranquillement à l’occasion d’une séance photo dans l’Atlas marocain lors de l’UTAT 2018 – Photo : Nicolas Fréret

Quand on cherche à optimiser ses performances, le volume d’entraînement est important, mais la façon dont ce volume est distribué dans les différentes zones d’intensité importe aussi. Par expérience, les coureurs ont tendance à s’entraîner « au seuil » (voir ci-dessous). Si c’est votre cas, vous auriez sans doute intérêt à essayer l’approche pyramidale ou polarisée.

On divise généralement l’entraînement aérobie en trois grandes zones d’intensité :

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  • La zone 1 est la zone d’endurance de base, sous le seuil anaérobie, soit une intensité que l’on peut maintenir très longtemps, avec une fatigue minimale.
  • La zone 2 est la zone d’endurance aérobie intensive. Elle se situe autour de votre seuil anaérobie. C’est généralement à cette intensité qu’un marathon sera couru.
  • La zone 3 est la zone d’entraînement de la vitesse aérobie maximale et du VO2max. C’est la zone dans laquelle les séances d’entraînement par intervalles, donc intenses, sont généralement effectuées.

Il existe trois façons principales de distribuer la charge d’entraînement en sport d’endurance, qui se distinguent par le pourcentage de temps passé dans les différentes zones d’intensité :

  • l’entraînement au seuil : extrêmement populaire dans les dernières décennies, il est encore utilisé par certains des meilleurs marathoniens. On passe une grande partie de notre temps d’entraînement (au-dessus de 20 %, mais cela peut aller jusqu’à 50 ou 60 %) dans la zone 2.
  • l’entraînement polarisé : comme son nom l’indique, l’entraînement est concentré aux « pôles » en terme d’intensité. C’est-à-dire qu’on effectue un grand volume d’entraînement en zone 1 (donc beaucoup de longues sorties d’endurance de base), un certain volume de zone 3, et très peu (voire pas du tout) d’entraînement au seuil, en zone 2.
  • l’entraînement pyramidal : on passe la majeure partie de l’entraînement en zone 1, un peu de temps en zone 2, et encore moins en zone 3. Il est souvent confondu avec l’entraînement polarisé. La plupart des athlètes qui pensent faire de l’entraînement polarisé font d’ailleurs plutôt de l’entraînement pyramidal.

Le tableau suivant détaille les trois zones d’intensité et vous donne une idée du temps à passer dans chacune de ces zones selon la méthode de distribution de la charge choisie :

TABLEAU DISTRIBUTION VOLUME ENTRAÎNEMENT

Alors, êtes-vous sûr de bien estimer le pourcentage de votre temps total d’entraînement passé dans chacune des zones d’intensité (dans une semaine typique par exemple)? Je gagerais qu’une partie importante de votre entraînement, disons entre 35 et 55 %, est réalisée à intensité moyenne (zone 2), c’est-à-dire avec une perception d’effort de 6-7/10. Dans ce cas, voici cinq raisons de tenter les méthodes pyramidale ou polarisée :

1. Faites comme les pros

Le concept d’entraînement polarisé est d’abord né d’observations menées auprès d’athlètes d’endurance de haut niveau. On a réalisé que ces athlètes adoptent typiquement un entraînement polarisé. Par exemple, dans un article paru l’an dernier dans Frontiers of Physiology, on décrit l’entraînement de la skieuse de fond la plus décorée de l’histoire, la Norvégienne Marit Bjørgen, détentrice de 18 médailles d’or olympiques et de 110 victoires aux championnats du monde. Dans ses années couronnées de succès, elle a effectué en moyenne 937 heures d’entraînement par année, très majoritairement du travail d’endurance : 92 % de faible intensité, 3 % d’intensité moyenne et 5 % d’intensité élevée.

Le même genre de distribution de la charge a été rapporté chez des cyclistes, des rameurs, des marathoniens, etc. Mais il ne s’agit là que d’observations. Cela ne prouve pas pour autant que l’entraînement polarisé est plus efficace qu’une autre méthode d’entraînement.

2. Suivez la science

Il y a encore très peu d’études contrôlées sur l’entraînement polarisé. Dans les dernières années, quatre études ont comparé la réponse à une période d’entraînement polarisé/pyramidal à une période d’entraînement au seuil chez des coureurs et des cyclistes récréatifs ou compétitifs. Dans tous les cas, la performance en endurance était améliorée davantage dans le groupe prenant part à l’entraînement polarisé ou pyramidal. Ainsi, les évidences scientifiques actuelles suggèrent que polariser son entraînement serait une meilleure approche que l’entraînement plus traditionnel au seuil pour améliorer la performance en endurance.

3. Plus d’énergie pour les séances qui comptent

Un des avantages notables de l’entraînement polarisé est de laisser plus d’énergie pour les séances effectuées à haute intensité. L’entraînement par intervalles à haute intensité est incontestablement une méthode efficace pour améliorer la performance en endurance. Lorsque vous effectuez vos séances d’entraînement continu à intensité moyenne, vous faites un effort fatigant, mais probablement peu payant du point de vue des adaptations physiologiques. Et il y a fort à parier que, quand il est le temps de faire votre séance d’entraînement par intervalles, vous n’avez plus l’énergie nécessaire pour maintenir l’intensité requise. Au contraire, les séances d’entraînement de faible intensité créent peu de fatigue et vous laissent toute l’énergie dont vous avez besoin pour performer lors de vos séances d’intervalles. La clé de l’entraînement est cette alternance entre fatigue et récupération. L’entraînement polarisé vous permet d’avoir naturellement cette modulation de la charge dans la semaine et de décupler vos adaptations.

4. Plus de volume

Un avantage indéniable de l’entraînement polarisé, c’est qu’il vous permet de faire un plus gros volume d’entraînement (à condition qu’il reste du temps dans votre horaire). Et le volume d’entraînement est fortement lié à la performance en course en sentiers. Entre autres avantages, on a récemment montré que plus le volume d’entraînement est élevé, plus la quantité de mitochondries, ces organites responsables de la respiration cellulaire, et donc de la production aérobie d’énergie, est élevée. Certaines études récentes suggèrent aussi qu’il y aurait un effet synergique du volume d’entraînement à faible intensité et de l’entraînement par intervalles à haute intensité sur la fonction mitochondriale. C’est ce qui pourrait expliquer en partie l’efficacité de l’entraînement polarisé, qui conjugue gros volume à faible intensité et entraînement de haute intensité.

5. Changez!

La meilleure raison d’essayer l’entraînement polarisé, c’est tout simplement pour changer votre entraînement habituel. Ce qui ressort de la majorité des études sur l’entraînement, c’est que la nouveauté s’accompagnera presque toujours de meilleurs résultats que l’ancienne méthode utilisée. Le corps s’adapte au stress de l’entraînement et, si vous répétez sans cesse les mêmes séances et le même type d’entraînement, vous ralentissez probablement votre progression. Alors, essayez quelque chose de nouveau!

Voici maintenant quelques astuces pour adopter l’entraînement polarisé:

– Si possible, augmentez légèrement votre volume d’entraînement hebdomadaire.

– Assurez-vous que la plupart de vos séances d’entraînement se font à faible intensité (en zone 1). Pour vous en assurer, nul besoin de gadget sophistiqué: votre perception de la difficulté de l’effort sera votre meilleur allié. Assurez-vous que votre effort ne dépasse pas 5 sur une échelle de 10, où 10 représente votre intensité maximale. Cela devrait correspondre à une fréquence cardiaque de 65 à 80 % de votre maximum (par exemple, entre 120 et 148 battements par minute si votre fréquence cardiaque maximale est de 185).

– Planifiez deux à trois séances d’entraînement par intervalles dans votre semaine. Ces séances devraient inclure des périodes d’effort de 10 sec à 10 min, où l’intensité est d’élevée à maximale. Votre perception d’effort devrait être de 8 ou plus sur l’échelle de 10. Cela devrait correspondre à une fréquence cardiaque de plus de 90 % de votre maximum (pour les efforts de plus de 2 min seulement, car la fréquence cardiaque n’est pas un bon indicateur de l’intensité pour les efforts plus courts). 

– Gardez une petite place pour l’entraînement au seuil (en zone 2). Planifiez à l’occasion des séances où vous maintenez une intensité moyenne. Cela peut être fait en continu (par exemple 1 h 15 à 6/10 de perception d’effort), ou via des intervalles longs (exemple 3 x 20 min à 7/10 de perception d’effort, repos 5 min). Par souci de spécificité, ces séances pourraient devenir plus fréquentes à l’approche d’une compétition, puisque c’est l’intensité à laquelle vous compléterez les épreuves de distance moyenne (30-50 km).

Rappelez-vous que dans une semaine de 8 heures d’entraînement, vous devriez effectuer environ 6 heures à faible intensité, 1 h à 1 h 30 à intensité élevée et pas plus d’une heure à intensité moyenne. Cela demande beaucoup de discipline, mais vous devriez en être récompensé par une augmentation de vos performances!

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Myriam est kinésiologue et doctorante en physiologie de l’exercice. Comme physiologiste de l’exercice à l’Institut national du sport du Québec, elle conseille notamment les équipes nationales de paranatation, de canoë-kayak et de paracyclisme. Elle est aussi formatrice pour le diplôme avancé en entraînement, chargée de cours à l’Université Laval et, bien sûr, skieuse de fond et coureuse en sentiers dans ses temps libres! On peut la rejoindre sur sa page Facebook.