Yvan L’Heureux a bravé les éléments au Montane Spine Race en Angleterre

Yvan L’Heureux a vu un peu de soleil avant la pluie et le blizzard lors du Montane Spine Race en Angleterre.  – Photo : Mick Kenyon, Racing Snakes

FÉVRIER 2018 – Parcourir 431 km sur l’épine rocheuse de l’Angleterre tout en défiant la pluie, la neige et les marécages : voilà le défi qu’a relevé avec brio Yvan L’Heureux à l’occasion de la 7e édition du Montane Spine Race qui s’est déroulée du 14 au 21 janvier 2018.

Réputée impitoyable, cette course qui sillonne la Pennine Way jusqu’aux frontières de l’Écosse se déroule sur six à sept jours en autonomie presque complète. Il y a quelques bases de vie, espacées de 55 à 75 km, où eau et nourriture sont fournies. Sur 137 inscrits, seulement 53 participants ont franchi le fil d’arrivée.

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En 29e position après 153 heures, l’athlète de Rivière-du-Loup est le deuxième Canadien à avoir terminé cette épreuve, toutes éditions confondues, après Hélène Dumais l’an passé.

Élément déclencheur

Yvan L’Heureux n’en est pas à son premier exploit sportif. Parfois, c’est une déception qui fait naître un autre projet. En effet, après avoir complété l’exigeant TransPyrenea en 2016, Yvan L’Heureux a participé en juillet 2017 à l’Eufòria de l’Andorria Ultra Trail Vallnord en Espagne, une épreuve de 233 km incluant 20 000 m de D+.

Une grande déception l’attendait : « Je me suis fait casser par la chaleur. C’est la première fois que j’abandonne une course et j’ai eu de la misère à le digérer. Je me suis dit que la prochaine course, j’allais la faire pour moi », explique-t-il.

Il a ainsi jeté son dévolu sur la Montane Spine Race, avec comme mentor Hélène Dumais. « Elle m’a tellement aidé. Elle m’a expliqué le matériel qu’elle a utilisé l’an passé et m’a partagé ses connaissances », dit-il avec reconnaissance.

Pour se préparer adéquatement, malgré un horaire chargé, le père de famille, acupuncteur, professeur d’arts martiaux et grand bénévole, s’est entraîné à la marche rapide sur tapis avec pente, en centre de ski avec un sac à dos chargé et à la course à pied.

 L'édition du Montane Spine Race la plus enneigée. Photo: Mick Kenyon, Racing Snakes
L’édition 2018 du Montane Spine Race a été l’une des plus enneigées. Photo : Mick Kenyon, Racing Snakes

La météo : une adversaire

Qualifiée de « Year of Brutal Snow » par l’organisation, l’édition 2018 de la Montane Spine Race n’a laissé que peu de répit aux aventuriers.

Dès le deuxième jour, la pluie a déferlé, suivie d’une tempête de neige et blizzard, effaçant sur son passage tout repère pour s’orienter. « Ils n’ont pas eu autant de neige depuis 30 ans. Sur quelques kilomètres, on avait même de la neige jusqu’aux aisselles. L’organisation nous avait conseillé des raquettes… Personne n’est parti avec ça, mais à la fin, tous les Anglais en avaient! » s’exclame-t-il.

Yvan avait sous-estimé l’hiver anglais : « Je suis parti avec l’idée qu’avec les hivers qu’on a au Québec, pas de stress avec les -5 °C! Mais avec l’humidité et le vent constant (on a même eu un pic à 160 km/h), la température pouvait descendre à -20 °C », se souvient-il.

Dans ces conditions, éviter l’hypothermie est un défi de tous les instants. « On était transis. On avait tout le temps les pieds mouillés. Des mottes de glace se formaient sur les souliers et sur les bâtons », raconte-t-il.

Composé à 60 % de marécages et de tourbières, le parcours obligeait les coureurs à tester le terrain du bout du bâton avant d’y mettre le pied, au risque de s’y enliser. « On avait l’impression de marcher sur des éponges! Par endroit, le bâton s’enfonçait tellement creux que si on mettait le pied là, on aurait calé jusqu’aux épaules, raconte Yvan. C’était décourageant d’avancer parfois à une vitesse de 1 km/h, alors pendant quelques jours, je n’ai pas regardé l’heure. »

Hypothermie, hypoglycémie, sécheresse à l’oeil et tendon d’Achille à vif ont aussi pimenté son épopée.

Noirceur et fatigue

Hélène Dumais l’avait prévenu : « Tu te ramasses dans ta tête. Il fait froid, humide et il fait noir plus de 16 heures par jour. Si tu as des démons, ils vont sortir. »

« Une nuit, j’ai arrêté sec d’avancer, parce que je ne voyais plus rien : pas de vision périphérique. Je ne voyais que ce qu’il y avait dans le faisceau de la lampe frontale. Je n’avais jamais vécu ce phénomène de tunnel lumineux C’est très anxiogène, mais on s’y habitue. »

La fatigue lui a apporté son lot de péripéties. N’ayant dormi que neuf heures au total, Yvan avoue avoir eu des hallucinations.

En arrivant avec un ami au mur d’Hadrien (vestige de l’Empire romain), une surprise l’attendait : « Il y avait une toilette publique et la porte n’était pas verrouillée. On était épuisés, alors on est entrés et on a dormi une heure. Un hôtel 5 étoiles! » rigole-t-il.

« On est tellement fatigué qu’on devient super émotif. Je me suis mis à pleurer quand j’ai vu le soleil, magnifique, se lever sur le mur d’Hadrien», précise celui pour qui la spiritualité va de pair avec ce genre d’épreuve où il faut puiser au fond de son âme.

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L’entraide et les amitiés développées au cours des courses sont précieuses pour Yvan. Photo : Mick Kenyon, Racing Snakes

Mr Happy

Les difficultés n’ont pas eu raison de la bonne humeur du coureur de 43 ans. « Il m’ont appelé Mr Happy, car je m’amusais à faire rire le monde », précise celui qui ne se soucie pas du classement.

« J’ai même ralenti pour profiter des périodes d’illumination sur le mur d’Hadrien et les monts Cheviot. Je me suis aussi arrêté pour aider des gens, comme je le fais toujours dans les courses. Le vrai trip, c’est le dépassement de soi, mais aussi l’entraide et les amitiés qu’on développe.»

Projets géants

Pour la suite des choses, les projets s’accumulent pour Yvan. « Je vise le Tor des Géants en septembre prochain et  aussi la Yukon Artic si la saison va bien. Mais la priorité, c’est la famille », explique-t-il, tout en mentionnant avec fierté la croissance constante de son « bébé », le Défi Everest à Rivière-du-Loup, qui en sera à sa 6e édition cette année. 2000 participants y sont attendus, afin d’amasser des fonds pour des organismes.

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