Retour de blessure gagnant pour Mathieu Blanchard en Polynésie française

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Mathieu Blanchard a remporté le Xterra Tupuna Trail 2019 en Polynésie française - Photo : courtoisie

Mathieu Blanchard n’avait plus couru depuis un terrible coup de couteau dans le dos, ressentit début mars sur les Traces du Nord Basse-Terre, en Guadeloupe. Cette fracture de stress au niveau du sacrum, qui l’a jeté à terre, lui a pourri la vie ces dernières semaines. Il a souffert physiquement et a touché le fond moralement. Mais il a su se relever, accepter son sort, et reprendre tout depuis le début, patiemment, pour recouvrer au plus vite toutes ses facultés. Pour son retour à la compétition, samedi dernier, il s’est offert une victoire réconfortante et stimulante à Moorea, une île de la Polynésie française, en face de Tahiti.

Il a remporté la deuxième édition du Xterra Tupuna Trail, une course en sentier de 45 km dans une jungle épaisse avec des dénivelés très raides et techniques (2300 m D+) sur une île paradisiaque aux côtés de coureurs de calibre international.

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La chute

Mathieu Blanchard a été contraint à l'abandon au Hong Kong 100 et il a dû renoncer à prendre le départ de la Transgrancanaria - Photo : TNBT
Mathieu Blanchard a été contraint à l’abandon au Hong Kong 100 et il a dû renoncer à prendre le départ de la Transgrancanaria – Photo : TNBT

Extrêmement performant, l’athlète masculin Distances+ 2017 et 2018 marchait sur l’eau depuis ses débuts dans le trail en 2016. « J’avais parfois l’impression d’être un super héros », avoue-t-il. Mais au début de l’année, alors que Mathieu venait d’officialiser sa volonté de faire carrière dans le monde de la course à pied, la machine s’est enrayée.

Il avait arrêté de courir pendant quelques semaines à la suite de la TransMartinique, en décembre, et est arrivé au HK100 à Hong Kong à la mi-janvier avec une inflammation du tendon d’Achille. « J’ai rentré une semaine de 200 km dans la neige pour me préparer juste avant la course et ce n’est pas passé », explique-t-il. Même pour un champion, passer de rien à 200 km en une semaine peut se payer cher. Il avait préféré abandonner à mi-parcours pour ne pas empirer les choses.

Et puis en Guadeloupe, c’est le bas du dos qui a flanché : l’IRM a constaté une fracture de stress au niveau de l’os en bas de la colonne vertébrale. Il a horriblement souffert et a dû renoncer à la Transgrancanaria, puis, toujours aux Canaries, à la Sky Gran Canaria, où il s’est toutefois rendu en touriste, s’entraînant très tranquillement, en fonction de ses sensations à la douleur.

La blessure est arrivée à un moment charnière de sa vie, où tout s’est rompu en même temps. Son dos, son coeur, son bail, son emploi. « Je n’ai jamais vécu une douleur émotionnelle pareille, confie-t-il avec son bagou habituel. Je n’avais jamais été blessé et je n’avais jamais été autant passionné par quelque chose, ajoute-t-il.  Tu ne te rends pas compte de tout ça, quand tout va toujours bien. »

« Les dix premiers jours après mon retour de Guadeloupe, j’avais tous les symptômes de la dépression, confie le champion. Je n’étais plus capable de courir, je restais enfermé, je tournais en rond, je n’avais plus envie de rien faire. Je n’arrivais pas à dormir et quand je dormais je faisais des cauchemars, raconte-t-il, évoquant également des crises d’anxiété. Puis, j’ai essayé de prendre du recul et je suis sorti dehors. »

Problème d’équilibre de vie

Mathieu Blanchard s'est entraîné dans la jungle en Polynésie française avant de renouer avec la compétition - Photo : Franck Oddoux
Mathieu Blanchard s’est entraîné dans la jungle en Polynésie française avant de renouer avec la compétition – Photo : Franck Oddoux

Mathieu Blanchard affirme qu’il y a deux choses qui lui ont tout particulièrement permis d’avancer :

Une « réflexion interne », d’abord. « J’avais un problème d’équilibre de vie, dit-il. Ce n’est pas normal de réagir comme j’ai réagi. La course, ça peut s’arrêter n’importe quand. Donc, je dois faire autre chose que courir. Ça prenait beaucoup trop de place par rapport au reste. Je ne veux plus ça, car quand ça s’arrête, c’est le grand vide. Du coup, j’ai vu du positif là-dedans. Je me suis dit que, en plus de courir, j’allais refaire toutes les choses que j’aime : de la plongée, de la photo, je vais écrire, et bien sûr continuer à oeuvrer au développement de la Clinique du coureur à l’international » (c’est son emploi, NDLR).

« La deuxième chose, c’est ce que m’a expliqué Simon Benoit (le doc Benoit), poursuit Mathieu. C’est une histoire d’hormones, toutes les hormones qui se terminent en « ine », l’adrénaline, l’endorphine, la dopamine, etc. Elles envoient des messages à ton cerveau auxquels tu t’accoutumes. Quand tu t’arrêtes de courir, le message envoyé est différent au message attendu. En gros, il se passe la même chose que chez un junky en manque. Ça prend un moment avant que le cerveau s’accoutume de nouveau. Il y a un processus à respecter. Quand j’ai réussi à comprendre tout ça, je suis arrivé à me dire que ce qui m’arrivait n’était pas si grave que ça. »

Réadaptation à la course, une minute à la fois

Mathieu Blanchard a passé plusieurs jours en Polynésie française avant de renouer avec la compétition - Photo : Franck Oddoux
Mathieu Blanchard a passé plusieurs jours en Polynésie française avant de renouer avec la compétition – Photo : Franck Oddoux

Au cours des trois semaines qui ont suivi la blessure en Guadeloupe, Mathieu Blanchard n’a pas fait le moindre sport. « Je n’étais pas capable », dit-il. Puis, il a repris le vélo et la natation pendant trois semaines, une heure tous les jours.

C’est seulement après cela qu’il s’est remis à la course, « progressivement, en suivant le protocole de la Clinique du coureur. J’ai fait comme tout le monde de retour de blessure, j’ai commencé par des intervalles d’une minute course / une minute marche. De toute façon, au début j’avais tellement mal au dos que j’avais mal dès que je courais. J’ai bien quantifié mon stress mécanique, en arrêtant chaque fois que j’avais mal. Après, le corps a de la mémoire, donc j’ai pu augmenter progressivement, mais quand même assez rapidement. »

Avant de s’envoler pour la Polynésie, Mathieu avait renoué avec un entraînement d’athlète de haut niveau, parvenant à courir 120 km en une semaine. « J’ai surtout passé du temps en sentiers et à Lac-Beauport, à faire du dénivelé, pas de route parce que ça tape beaucoup trop dans le dos. »

« Là, maintenant, ça y est, ça va, affirme-t-il. Je ne suis pas au top au niveau émotionnel, mais ça va beaucoup mieux. Et je n’ai plus mal, même si je cours avec une appréhension fantôme. Dans les descentes, je vais vite, mais pas aussi vite qu’avant, déplorait-il la semaine dernière avant de prendre le départ du Tupuna Trail. Je ne suis pas encore capable de me lâcher complètement. Je n’ai pas assez confiance pour faire le fou. »

Mais à la fin, c’est quand même Mathieu Blanchard qui gagne

Avant le départ de la course, les coureurs ont eu le droit à une danse de guerriers maori - Photo : Mathieu Blanchard
Avant le départ de la course, les coureurs ont eu le droit à une danse de guerriers maori – Photo : Mathieu Blanchard

Le Xterra Tupuna Trail est venu clôturer en beauté le séjour du Montréalais dans les îles polynésiennes, où il s’est abondamment ressourcé, prenant du temps pour aller faire de la plongée. Il est parvenu à nettement dominer la course, du début à la fin.

« C’était vraiment top, s’est enthousiasmé Mathieu Blanchard, revigoré. Le parcours était magnifique et j’ai eu des sensations de folie. J’avais toujours des petits trucs qui me gênaient quand je courais, mais là, rien, mon repos forcé pendant deux mois m’a fait du bien je crois. J’avais l’impression d’être neuf. C’est très agréable. »

Une fois le départ lancé, il semble avoir mis de côté ses mauvaises pensées. « L’adrénaline a gommé un peu cette appréhension », estime-t-il.

« Par contre, s’interrompt Mathieu, j’ai failli abandonner la course… Comme en Martinique, il y a un petit malin qui a modifié le balisage. J’étais seul en tête, j’ai poursuivi mon chemin et je me suis retrouvé dans les champs d’ananas, dans un véritable labyrinthe. En plus, il y avait plusieurs courses en même temps donc plusieurs balisages. Ça m’a gavé, je ne savais plus où j’étais, je ne savais pas où aller, j’étais perdu et super déçu. Heureusement, j’ai eu la chance de tomber sur un gars de l’organisation qui m’a ramené sur le tracé, là où j’avais suivi le mauvais balisage. J’ai perdu 15-20 minutes. On m’a dit que le premier était passé il n’y a pas longtemps, donc je suis reparti à la chasse. J’ai l’ai rattrapé et on a fait un petit bout ensemble avant que j’accélère pour terminer. »

« Je suis parti sur un bon rythme, et ça n’a pas vraiment suivi derrière, se remémore-t-il. Je suis allé vite en descente et j’ai sauté les deux premiers ravitaillements. Ça m’a permis de prendre de l’avance. » 

Mathieu Blanchard s’impose face à d’excellents coureurs, notamment le champion local Thomas Lubin, vainqueur l’an dernier, et le Français Cédric Fleureton, qui a été sacré trois fois champion de France de trail et deux fois champion du monde de triathlon durant sa carrière sportive, « un athlète très complet impressionnant », témoigne Mathieu. Fleureton a d’ailleurs enchaîné le trail avec l’épreuve de triathlon qu’il a terminé à la deuxième place.

À noter que Guillaume Perretti, qui avait battu le record de Kilian Jornet sur de la traversée de la Corse via le mythique GR20 (record battu depuis par François D’Haene), a terminé 4e du Xterra.

Place au Trail de la Clinique du coureur

Mathieu Blanchard a passé plusieurs jours en Polynésie française avant de renouer avec la compétition - Photo : Franck Oddoux
Mathieu Blanchard en Polynésie française – Photo : Franck Oddoux

Mathieu Blanchard quittera la Polynésie française dans quelques heures pour rejoindre Montréal, puis Lac-Beauport où il est attendu samedi matin sur la ligne de départ du 50 km du Trail de la Clinique du coureur, qu’il a remporté l’an dernier. Il sait que l’enchaînement et le manque de repos ne le mettront pas dans les meilleures conditions pour compétitionner.

« Là tout de suite (lundi soir), j’ai les jambes éclatées et je me tape quatre jours d’avion, alors je compte bien aller m’amuser, mais je n’ai pas de grandes ambitions, prévient-il. Max (Leboeuf) va être très dur à suivre, il s’entraîne spécifiquement pour cette course et le Québec Méga Trail. Je vais sans doute partir vite, mais si je vois que je suis fatigué, je ne pense pas que j’insisterai trop », anticipait le Montréalais, avant d’aller se faire tatouer un bracelet marquisien sur une cheville.

« Je n’ai pas le même niveau que l’année dernière, je n’ai pas fait la préparation que j’aurais voulue, mais ce n’est pas grave. Je garde le focus sur mon premier vrai objectif : le Québec Méga Trail, a conclu Mathieu. C’est clair que l’ambition est toujours là! »

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